Coronavirus : qualité, prix, la guerre des masques fait encore rage

Le manque cruel de masques au départ de la crise a conduit collectivités et entreprises locales à trouver des solutions d’approvisionnement et de fabrication rapide. Dans le rush, le meilleur rapport qualité/prix n’a pas toujours été trouvé, le sera-t-il à l'avenir ?

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"J’ai trouvé le geste super sympa, commence Marie* (le prénom a été changé) assistante maternelle dans la Marne alors qu'elle vient de recevoir à son domicile trois masques achetés par la Département en cette fin mai 2020. Mais cela m’a fait bondir lorsque j’ai vu qu’on ne pouvait pas les laver à plus de 30 degrés, qu’ils ne pouvaient pas passer au sèche-linge et, en plus, qu’ils étaient fabriqués en Italie, alors qu’on nous incite à acheter français pour relancer l’automobile. C’est à n'y plus rien comprendre. J’ai d’avantage confiance en mes masques fait maison qu’en ceux-là. Mais pourquoi ils ont fait ça ? Normalement, les élus sont garants de la santé des gens !" Et de conclure : "c’est encore le financier qui a dû prendre le dessus".
 

Comme Marie, ils sont nombreux à être perdus face aux recommandations contradictoires. Jointe par téléphone la présidente du Grand Reims, Catherine Vautrin (LR) explique ne pas connaître en détail cette commande des masques en provenance d’Italie reçus par les assistantes maternelles. "C’est Christian Bruyen, le président (LR) du département de la Marne, qui s’est débattu et a dépensé une énergie folle pour trouver des masques au moment où il n’y en avait pas ! Je le défends car il a assuré ce que l’Etat aurait dû faire et qu’il n’était pas en mesure de faire." 
 

"Je vous rappelle qu’il n’y avait rien"

"Le choix du département de la Marne n’a pas été de fournir un masque en tissus aux 570.000 habitants comme d’autres l’ont fait, explique Christian Bruyen, mais de fournir des masques alternatifs pour permettre aux 2.600 assistantes maternelles du département de pouvoir commencer à retravailler. Nous avons privilégié, les travailleurs avec des missions sociales comme les aides ménagères ou le monde agricole lors des ventes directes. Il ne s’agit pas d’une arnaque, l’importateur est sérieux.

C’est sûr ce ne sont pas des masques de type FFP2 mais, au moment où nous avons passé commande, je vous rappelle qu’il n’y avait rien. Je ne peux pas vous dire le coût de ces masques mais il faut savoir que le département a commandé pour plus de 2 millions d’euros d’équipements de protections (surblouses surchaussures masques gants…) pour fournir ces équipements dans les établissements médicaux sociaux, les services à la personne. Il faut bien comprendre que c’est normalement à l’employeur de fournir ces protections."


Quant aux masques qui vont être distribués à l'ensemble des habitants des communes du Grand Reims, ou des autres communautés de communes, c’est l’Association des maires de France qui a géré l’approvisionnement. Sa section marnaise, présidée par Franck Leroy le maire (LR) d’Epernay a commandé des masques en tissus. Certaines communes sont déjà livrées, les derniers arrivages seront distribués le 10 juin.

Selon Christian Bruyen, les entreprises de l’Aube, à l'époque, n’auraient pas été en mesure de fournir pour toute l’ex-Champagne Ardenne. D'ou la nécessité de se tourner vers d'autres fournisseurs. Franck Leroy a ainsi proposé les masques élaborés par Chantelle qui a lancé la fabrication par ses usines partenaires dans le monde.

Une situation qui fait bondir Thomas Delise le patron de l’entreprise Chanteclair basée à Saint-Pouange (Aube). "On savait que l'on serait capable de produire 250.000 masques dès la fin mars donc d'équiper au-delà de l'Aube. Mais je n'ai même pas reçu de demande de devis de la part de collectivités marnaises", regrette-t-il. Pourtant d'autres on choisi de faire confiance à l’entreprise textile, spécialisée dans le made in France, qui a adapté sa fabrication pour participer à "l’effort de guerre". Fournisseur notamment de l’Elysée, du département de l’Aube, du Bas Rhin et de Troyes Métropole ou encore des pompiers de la Marne, l’usine Auboise et ses 32 salariés ont même été sous les feux des projecteurs lorsque le Président de la République, Emmanuel Macron, a porté pour la première fois un masque alternatif lors sa visite dans une école de Poissy le 5 mai dernier. Un masque tout droit sorti des ateliers aubois. Avec son petit ruban tricolore apposé sur le côté, il n’est pas passé inaperçu.
 

Le téléphone n’avait alors pas cessé de sonner et les mails de demande de devis pour des collectivités, des grandes entreprises défilaient sans répit sur l’écran de l’ordinateur de l’entreprise. Prix du masque présidentiel, 15,3 € l'unité pour un particulier mais évidemment, pour les collectivités et les gros donneurs d'ordre privés, il ne s'agit pas de vendre à ce prix-là. D'autant que l'Etat, lui, subventionne 50% de commandes des collectivités sur la base d'un achat de masque à 4 euros.
 
Pour ces gros clients, le prix avait donc été fixé entre 5 et 5,50 euros par l'entreprise auboise. Trois fois moins chers que le prix aux particuliers donc mais tout de même deux euros de plus que ce qu’a proposé Chantelle à l’Association des maires de la Marne. Au total 268.500 masques en tissus à 3,06 euros pièces ont été ou sont en cours de distribution dans 426 communes marnaises.
 

"Les commandes s'effondrent depuis le déconfinement"

Résultat : la plupart des devis envoyés par Chanteclair sont restés sans réponse.  Et, alors que la pandémie n’est pas terminée, l’entreprise de textile, qui produisait auparavant des vêtements en maille et a adapté 100% de son appareil de production à la confection de masques, s’inquiète. Aujourd’hui, l'usine est en effet en capacité de fournir 250.000 masques made in France par semaine et autant en provenance du Portugal et des pays de l’Est (des entreprises avec lesquelles l’entreprise travaillait déjà avant la pandémie) contre 5.000 au début du confinement. Mais Thomas Delise, qui a repris il y trois ans l’usine Chanteclair constate que "les commandes s’effondrent depuis le déconfinement". Les gros acheteurs et les donneurs d’ordre ne passent presque plus commande. "Ils achètent un prix pas une qualité", assène-t-il.
 


Si la vente en ligne de séries limitées qui s’adresse aux particuliers cartonnent, ce n'est pas avec ça que l'entreprise va réussir à tourner. Aujourd'hui, le marché des collectivités est passé mais les entreprises, elles, vont devoir continuer à équiper leurs salariés. "Or elles sont frileuses et préfèrent se tourner vers des masques jetables, moins chers. Pour moi, c'est un mauvais calcul parce que les mesures de protection vont être aménées à durer. Aujourd'hui, on est capable de proposer à des gros donneurs d'ordre des masques lavables à 4€50 l'unité. C'est cher à l'achat mais ils sont lavables trente fois. 4€50 par trente cela fait 15 centimes d'euros par utilisation. Les masques jetables qui s'utilisent une fois côutent en moyenne 40 centimes. Il n'y a donc pas photo. Sans oublier d'autres aspects, écologique et de production locale", indique Thomas Delise qui en appelle donc à une solidarité des entreprises du territoire.

 


Pour ce patron qui a pris des risques en participant à l’effort de guerre en produisant un masque certifié DGA (Direction Générale de l’Armement) multi-lavages, une lutte face aux grands groupes c'est donc engagée. De quoi rappeler l’ambiance des célèbres comédies cinématographiques de "La Vérité si je mens" et l’univers si particuliers des "guérillas" du textile et des coûts toujours plus bas. Une guerre dont l'entreprise Chanteclair espère bien ne pas être la victime.
 
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