Des uniformes de 1870 remis en état à Woerth en vue des commémorations de la bataille du 6 août

A Woerth, des couturières bénévoles rénovent des habits en lien avec la guerre franco-prussienne de 1870. Ils seront portés par les figurants des reconstitutions historiques d'août prochain. En parallèle, d'authentiques tenues militaires de l'époque sont nettoyées, pour être présentées au public.

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Au château de Woerth, chaque jeudi après-midi, c'est l'effervescence. Les machines à coudre crépitent, les aiguilles s'agitent et les langues vont bon train. Dans plusieurs pièces en enfilade, une demi-douzaine de couturières s'active. Ici, des têtes se penchent sur des épaulettes à fixer sur une veste. Là, plusieurs dames débattent de la manière de recréer une crinoline.

Des costumes remis en état

Les vêtements retravaillés ici ne sont pas d'époque. Ils ont été cousus au début des années 1980 par des bénévoles de la commune, et portés lors de différentes déambulations historiques en 1984, 1988 et 1991. Puis stockés et oubliés durant plusieurs décennies. "Et mal conservés" précise Elisabeth Michel, cheville ouvrière de l'atelier de couture.

Elle-même s'intéresse depuis plusieurs années à ce patrimoine, et a constitué ce petit groupe de bénévoles afin de sauver et remettre en état ce qui pouvait l'être. "Beaucoup de pantalons étaient mangés par les mites, on a dû les jeter" raconte-t-elle. "Pour tout remettre à neuf, c'était un gros boulot. Il a fallu raccommoder de nombreux trous, refaire toutes les guêtres et coudre beaucoup de nouveaux pantalons."

Il a fallu refaire toutes les guêtres et coudre beaucoup de nouveaux pantalons.

Elisabeth Michel, couturière bénévole

Aucune couturière de l'équipe n'est vraiment professionnelle, ni historienne. En cas de doute, elles se plongent dans des livres pour ne pas commettre d'impair. Elisabeth Michel est en train de terminer "la veste pour Mac Mahon" (plus précisément pour le figurant qui incarnera le général français qui a perdu la bataille du 6 août 1870 de Froeschwiller et Woerth).  "J'ai tout rafraîchi, recousu les galons qui s'étaient détachés, et je remettrai de nouvelles épaulettes dorées" détaille-t-elle. 

Souvent, retrouver un tissu identique pour rapiécer ou rafistoler s'avère mission impossible. D'autant plus que le budget est limité. L'équipe se débrouille donc avec les moyens du bord : vieux rideaux et tissus offerts par les Woerthois, mais aussi vêtements d'antan qui dormaient dans les tiroirs.

Lucie Haenel, une autre bénévole, découpe de vieilles chemises blanches. "Ce sont d'authentiques blouses qu'on mettait pour aller aux champs" explique-t-elle. "Elles sont en lin épais, et trop longues. Les figurants ne veulent plus les mettre telles quelles quand il fait chaud, nous devons donc les raccourcir."

Des reconstitutions pour ne pas oublier

En vue des journées de reconstitution du mois d'août, plusieurs personnes passent pour les essayages. Une dame enfile un costume de paysanne, troublant de vérité, de la pointe des sabots jusqu'à la coiffe blanche. Un jeune homme essaie une tenue bleue à pantalon bouffant, agrémentée de guêtres blanches et d'une chéchia rouge. Celle d'un "turco". "Les turcos, c'étaient les tirailleurs algériens" explique Elisabeth Michel. Car plusieurs centaines de ces combattants issus des colonies françaises ont été sacrifiés samedi 6 août 1870.

20.000 morts en une seule journée, ça a dû être horrible.

Bernard Walter, figurant

Malgré la perspective plutôt joyeuse de ces prochaines festivités costumées, les figurants conservent une certaine gravité. "On retourne dans le temps, une période très militarisée" explique Bernard Walter, qui enfile une veste de hussard. "20.000 morts en un seul jour, des combats sabre contre sabre. Ça a dû être horrible. C'est pour cela que nous voulons faire cette reconstitution, pour que les gens n'oublient pas."

D'authentiques uniformes militaires de 1870

Dans une autre salle du château sont entreposées plusieurs tenues militaires. Authentiques, celles-ci, offertes par un particulier du secteur, qui les a retrouvées par hasard chez lui, en faisant du rangement. "Il nous les a données au lieu de les mettre à la déchèterie" sourit Elisabeth Michel. Il n'est pas certain qu'elles aient servi précisément lors de la bataille du 6 août, car elles pourraient provenir de la région parisienne. Mais de nombreux détails de couleurs et de décorations prouvent qu'elles ont bien été portées en 1870, à un moment ou un autre du conflit franco-prussien.

La couturière bénévole les présente : "Ici un pantalon de cavalerie français. Je l'ai déjà nettoyé, la couleur rouge est bien ressortie. Il est agrémenté de fausses-bottes, que je vais assouplir à l'huile de bœuf." Elle déballe aussi deux vestes de soldats allemands, ainsi qu'un épais pantalon beige, râpé et sali. "Je vais juste le brosser" précise-t-elle. "Ce serait dommage de l'abîmer, je préfère lui laisser son aspect authentique."

Pour les débarrasser des mites et de la vermine qui s'y était incrustées, tous ces vêtements ont d'abord séjourné six mois dans un congélateur. Soigneusement emballées dans du papier de soie, il y a aussi de nombreux ornements : épaulettes de diverses couleurs, crochet pour attacher un tambour, plumet de casque en fourrure d'ours…

Je pense avant tout à tous ces hommes qui ont combattu sous ces uniformes.

Elisabeth Michel, couturière bénévole

Lorsqu'elle a des incertitudes, Elisabeth Michel s'adresse à des historiens professionnels, car elle a "la chance d'avoir des amis au musée de l'Armée d'Ingolstadt" en Bavière, prêts à la renseigner. Mais son intérêt dépasse de loin l'envie de valoriser le patrimoine régional : "Je pense avant tout à tous ces hommes qui ont combattu sous ces uniformes" s'exclame-t-elle. "Il faut les honorer. En essayant de rendre leurs tenues à nouveau présentables."

Des pièces que les visiteurs du musée pourront toucher

Le musée de la Bataille du 6 août 1870 de Woerth occupe une autre partie du château. Là aussi, il y a des uniformes d'époque, dont on sait qu'ils ont été portés par des soldats durant ce combat, précisément. Mais elles sont exposées dans des vitrines. Alors que celles remises en état par Elisabeth Michel sont destinées à un autre usage. "Elles seront présentées lors de la Journée du patrimoine" explique la bénévole. "Et si quelqu'un voudra les toucher, il en aura le droit. Le but est que les gens puissent les voir et les tripoter."

En effet, ces vêtements nouvellement récupérés resteront la propriété de l'association des Amis du musée, et ne seront pas intégrés aux collections. Ils pourront donc aussi être déballés par la suite, lors de visites de groupes, et particulièrement de scolaires. Où chacun pourra les observer, les humer, les palper.

Et percevoir un peu, à travers ces humbles morceaux de tissu, le sort de ceux qui les avaient revêtus. Tous victimes de cette guerre méconnue, préfiguration des deux conflits mondiaux qui ont suivi.  

 

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