Le monde agricole fait face à une pénurie de main-d'œuvre. Dans le Grand Est, près de 34.000 postes sont à pourvoir, dont près de 3.000 en CDI.
L'agriculture recrute et tient à le faire savoir. A la foire agricole de Châlons-en-Champagne, un stand tentera, les mardi 7 et mercredi 8 septembre, de convaincre les jeunes de choisir ce secteur en manque de bras. "On fait venir les lycées agricoles pour qu'ils parlent de leur formation. Il y aura de nombreuses offres d'emploi ainsi qu'un simulateur de conduite de tracteurs pour que ce soit plus ludique", précise Mickaël Jacquemin, président de la commission emploi à la FRSEA du Grand Est et exploitant dans la Marne. Car le recrutement dans le monde agricole est sous tension.
Selon une enquête réalisée par Pôle emploi, le secteur agricole aurait près de 34.000 projets de recrutement dans le Grand Est, dont près de 3.000 en CDI. Les agriculteurs et viticulteurs de la Marne sont ceux qui embauchent le plus dans la région, avec près de 17.000 projets de recrutement, en grande majorité des cueilleurs saisonniers pour les vendanges en Champagne. "Mais il y aussi plus de 800 intentions d'embauches en CDI, souligne Mickaël Jacquemin. Plus de la moitié des agriculteurs ont des difficultés pour recruter."
Si les exploitations sont moins nombreuses à cause des départs en retraite et des regroupements, elles sont aussi de plus en plus grosses. D'où un besoin de main d'oeuvre en augmentation. Dans le Grand Est, l'agriculture emploie près de 130.000 salariés. Un débutant gagne le Smic, mais son salaire évolue ensuite selon la convention collective nationale du secteur.
L'élevage recrute
Parmi les profils les plus recherchés hors saisonniers, les tractoristes, les agents polyvalents et les paysagistes. Certaines filières, comme l'élevage, peinent davantage à trouver des candidats. "Théoriquement, on doit être cinq pour s'occuper de nos 600 truies, mais en ce moment, on est trois", déplore Samuel Berton, chef d'élevage dans une porcherie située à Saint-Ouen-Domprot, au sud de la Marne. L'éleveur passe par Pôle Emploi et les agences d'intérim pour recruter un porcher, mais le métier n'attire pas.
En six mois, il n'y a qu'une personne qui a répondu à mon annonce et elle n'est restée qu'une semaine.
"Certains candidats ne restent qu'un ou deux jours, certains même s'en vont au bout de deux heures. Ce qui les dérange, c'est l'odeur des porcs, explique Samuel Berton. Et travailler dans un bâtiment fermé. Les jeunes aujourd'hui préfèrent conduire des tracteurs. Dans la porcherie, c'est beaucoup de travail manuel : le transfert des animaux, l'insémination des truies, la mise-bas, la vaccination, le lavage des locaux. C'est compliqué pour quelqu'un qui arrive de la ville, je le comprends, et puis il faut avoir l'âme d'un éleveur, faire attention aux animaux, savoir si le troupeau va bien." La situation géographique de l'exploitation, à 25 kilomètres de Vitry-le-François, peut également être un frein pour recruter.
Surcharge de travail
Ces difficultés peuvent avoir d'importantes conséquences pour les agriculteurs. En premier lieu la surcharge de travail. Le chef d'élevage confirme : "Au mois d'août, j'ai travaillé tous les jours, je n'avais pas le choix. D'habitude, mon travail, c'est surtout de manager l'équipe et de m'occuper des papiers administratifs. Là, j'étais au bureau tôt le matin ou tard le soir, après m'être occupé des animaux".
D'autres impacts sont aussi à souligner. "Certains abandonnent des récoltes en cours par manque de personnel, d'autres changent de production ou mécanisent davantage, souligne Mickaël Jacquemin. L'emploi est devenu un facteur limitant, plusieurs projets ne voient pas le jour à cause d'un manque de personnel."
Séduire les jeunes
Pour y remédier, le monde agricole souhaite séduire les jeunes générations. "Il faut davantage communiquer sur nos métiers, ouvrir nos portes, estime Mickaël Jacquemin, de la FRSEA. Pour nous, la meilleure solution, c'est l'immersion. Des stages de découverte du milieu agricole peuvent être réalisés pour ceux qui en font la demande. Il faudrait aussi accueillir davantage de stagiaires de 3e, c'est l'une des pistes sur lesquelles on travaille."
Selon lui, la région ne manque pas d'établissements scolaires pour former les futurs agriculteurs. "Ceux qui en sont diplômés ne peinent d'ailleurs pas à trouver du travail à la sortie de leurs études. On manque de personnel qualifié. Par contre, nous ne sommes pas suffisamment visibles auprès des filières générales de l'Education nationale. Développer l'alternance serait aussi une solution."
De belles machines
Toutes les exploitations agricoles ne galèrent pas pour trouver du personnel. "Les entreprises qui ont une certaine notoriété, une "marque employeur" comme on dit, ont moins de difficultés, surtout si elles ont des engins agricoles modernes", constate Mickaël Jacquemin. A ses côtés, Fabienne Voet confirme : "On n'a pas vraiment de problèmes de recrutement ici, on fidélise nos employés et on embauche grâce au bouche-à-oreille".
Avec ses deux frères Frédéric et Bertrand, cette agricultrice gère l'exploitation familiale installée à Herpont, dans la Marne. En plus de la ferme céréalière, l'établissement Voet produit des engrais et propose ses services de prestations agricoles. Pour faire tourner l'entreprise, 13 salariés travaillent en CDI. "Et il y a Jimmy qui vient d'arriver, précise Fabienne Voet. Il a le permis super poids lourd, c'est assez rare, alors on n'allait pas dire non." Après une première expérience comme chauffeur routier, Jimmy, 21 ans, s'est laissé tenter par l'agriculture : "Un copain m'a dit qu'ils recrutaient. Et comme j'aime travailler à l'extérieur et qu'il y a de belles machines, j'ai postulé." Le jeune homme a signé un CDD d'un mois qui pourrait, si l'expérience est concluante, aboutir à un CDI.
De nombreuses offres d'emploi sont à pourvoir sur le site internet L'agriculture recrute.