A la plainte de la commune de Florange s'est ajoutée, jeudi 7 novembre, celle de la Communauté d’agglomération du Val de Fensch. Le procureur de Thionville aurait décidé également d’ouvrir une enquête suite aux nombreux rejets constatés depuis plusieurs mois dans la rivière.
Le numéro 1 mondial de l’acier doit désormais faire face à deux plaintes pour pollution. La communauté d’agglomération du Val de Fensch (CAVF) a annoncé dans un communiqué qu’elle avait porté plainte jeudi 7 novembre 2019 contre ArcelorMittal, et qu’elle demandait au préfet de Moselle de tenir une réunion d’urgence du comité de suivi de la qualité de l’eau de la Fensch.
Le président de la CAVF, Michel Liebgott, s’étonne dans le même communiqué de n’avoir pas été informé du dernier épisode de pollution reconnu par le groupe sidérurgique le mercredi 31 octobre. Cette plainte fait suite à celle déposée par le maire de Florange qui affirme que le groupe sidérurgique a pollué cinq fois le cours d’eau depuis le mois de mars 2019.Lorraine Nature Environnement, l’antenne régionale de France Nature Environnement, a déposé deux plaintes concernant les épisodes précédents de pollution de la Fensch.
"Nous n’avons pas encore déposé de plainte concernant cet épisode de pollution à l’acide, mais nous n’excluons pas de le faire si les faits nous semblent avérés" nous a indiqué Anaïs Cordier, responsable juridique de l’association.
ArcelorMittal nie les rejets d’acide dans la Fensch
Un comité économique et social extraordinaire s’est tenu mercredi 6 octobre à 14h, à la demande de la CGT qui dénonçait une pollution intentionnelle de la Fensch par un rejet d’acide mercredi 31 octobre.La direction du site a maintenu ses explications techniques : elle reconnait qu’un incident sur le site de la cokerie l’a contraint à verser dans un décanteur 400 litres d’acide sulfurique (et non chlorhydrique, comme écrit dans le rapport que nous nous sommes procurés) mais qu’une "neutralisation acido-basique" avait empêché toute pollution de la Fensch.
Le groupe reconnait l'incident et une pollution aux hydrocarbures mais conteste tout rejet d'acide dans la rivière. ArcelorMittal réfute donc les éléments contenus dans le rapport émanant de ses propres services qui affirmaient que "la consigne a été donnée de déverser les 400 litres d'acide dans la vis sans fin du décanteur Nord ce qui a immédiatement provoqué une réaction chimique entre l'acide et les hydrocarbures en décantation. Un important débordement a envoyé le mélange acide/hydrocarbures directement dans la Fensch".
Que fait l'Etat ?
Les services de l’Etat, et notamment la DREAL (Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) qui surveillent pourtant les installations du sidérurgiste comme le lait sur le feu, restent silencieux sur cet épisode.Dans un communiqué qui nous est parvenu mercredi 6 octobre, la préfecture de Moselle reconnait que l’industriel est régulièrement à l’origine de rejets polluants dans la Fensch, notamment d’hydrocarbures: "des installations du sidérurgiste ArcelorMittal sont en cause et ont fait l’objet de sanctions administratives". Selon nos confrères de France Bleu Lorraine Nord, le Procureur de Thionville a décidé d'ouvrir une enquête sur ces épisodes de pollution.
Dans le viseur à Fos-sur-Mer
Le groupe sidérurgique doit également faire face à plusieurs actions en justice concernant ses installations du sud de la France. A Fos-sur-Mer où ArcelorMittal emploie près de 5000 personnes, la DREAL a relevé 36 infractions à la qualité de l'air et de l'eau en cinq ans, et le Préfet des Bouches du Rhône a pris un arrêté pour forcer l'industriel à se mettre en conformité avec ses émissions de NOx notamment (oxyde d'azote).Quel avenir pour la cokerie ?
La cokerie sert à produire du coke, un combustible nécessaire à l'élaboration de la fonte, qui est ensuite transformée en acier.Le coke produit dans la vallée de la Fensch est destiné initialement aux hauts fourneaux d’Hayange.
Depuis l’arrêt de ces derniers en 2011, le coke produit en Moselle alimente ceux de Dunkerque. Mais la pérennité de cet outil qui emploie 200 personnes est régulièrement remise en cause par ArcelorMittal, qui doit faire face notamment à des coûts logistiques importants pour assurer son approvisionnement en charbon, et également l’expédition du coke vers les installations du Nord.
"La direction nous répète sans cesse qu’on produit le coke le plus cher du groupe" explique Lionel Kozinski de la CGT ArcelorMittal Florange, "on a déjà réduit la production de 20% depuis deux mois, c’est pas bon signe… ".
Un autre élément nourrit les inquiétudes des salariés de la cokerie : le projet de recourir au gaz naturel plutôt qu’au gaz de cokerie pour alimenter les fours du train à chaud, qui réchauffent les brames d’acier avant qu’elles ne soient laminées en bobines.
Si un tel projet venait à se mettre à en œuvre, il signifierait clairement que la direction du site envisage de se passer de la cokerie.
Un expert nous confirme que "la cokerie est en fin de vie, dans le sens où ArcelorMittal ne la renouvellera pas, ni n'investira pour la pérénniser. Elle peut encore produire pendant cinq ans, mais guère plus".