L'école privée Steiner de Wintzenheim a été mise en demeure le 12 mars 2024 par le recteur de l'académie de Strasbourg. 14 enseignants ne sont pas autorisés à donner cours et l'établissement, aux méthodes controversées, a été sommé de se plier aux règles.
Des personnels qui donnent des cours sans autorisation, une professeure de musique qui prend en charge les élèves dans toutes les matières, ou une enseignante d’anglais qui jongle selon les classes entre la langue de Shakespeare et celle de Molière : voici quelques-uns des griefs énumérés dans un document confidentiel que nous avons pu consulter, à l’encontre de l’école Steiner Mathias-Grünewald de Wintzenheim, dans le Haut-Rhin.
En tout, 14 enseignants dépassent le cadre de leurs fonctions ou exercent sans habilitation. L’établissement privé (hors contrat), qui accueille des élèves du CP à la 1ère, fait l’objet d’une mise en demeure, prononcée par Olivier Faron, recteur de l’académie de Strasbourg, le 12 mars dernier. Ce dernier a sommé la direction de faire "cesser immédiatement toutes les activités d’enseignement non autorisées".
D’après nos informations, obtenues auprès du rectorat, les deux autres établissements alsaciens qui dispensent également la méthode Steiner, à Strasbourg et à Wittelsheim, seraient également surveillés de près et plusieurs CV d'enseignants ne seraient, là non plus, non conformes.
Un tiers des enseignants sans diplôme ou pas en règle
À Wintzenheim, l'avertissement fait suite à une inspection surprise, diligentée en octobre 2023. Les éléments rapportés sur place ont permis au recteur d'arguer qu’une loi de 1873 n’était pas appliquée. Un texte qui stipule notamment que "les établissements privés sont soumis à un régime d’autorisation préalable d’ouvrir, de diriger et d’enseigner."
À l’époque certes, l’Alsace était allemande, mais la disposition a été intégrée depuis au droit local. En pratique, cela signifie la direction doit donc rendre des comptes à l’Etat, ce dernier s’assurant que les savoirs fondamentaux sont bien dispensés.
Or un tiers des enseignants de l’école ne sont donc pas en règle ou n’ont pas le diplôme requis pour se présenter face à des élèves. Le code de l’éducation prévoit jusqu’à 15.000 euros d’amende, un an d’emprisonnement et une interdiction définitive d’enseigner ou de diriger un établissement.
Des conclusions contestées par l'avocat de l'école
Des conclusions battues en brèche par Me Vincent Brengarth, l'avocat de l'école Steiner. "Vous imaginez bien que les textes de l'époque ne sont plus vraiment en adéquation avec les enjeux actuels, et encore moins en ce qui concerne l'enseignement alternatif, explique-t-il d'abord. Certaines disciplines ne peuvent pas être soumises à autorisation, selon lui, puisqu'elles "ne sont pas reconnues par l'administration".
"C'est le cas de l'eurythmie", enchaîne-t-il, une forme de danse rituelle. "L'école a également demandé des autorisations concernant des personnes qui interviennent en tant qu'auxiliaires et qui n'ont donc pas besoin d'être assermentées. Cela aussi, nous le contestons, tout comme certains reproches en matière de degrés de qualification des enseignants."
Ce n’est pas la première fois en tout cas que l’école se retrouve dans l’œil du cyclone. En août 2023, les parents d’une fillette de 4 ans avaient porté plainte, expliquant que leur enfant avait subi des actes de viols de la part de camarades de classe, en octobre 2022, puis en juin 2023.
Une plainte pour viols, de la fumée en classe, les faits s'accumulent
La famille avait dénoncé la négligence des membres de l’équipe éducative, qui s’était défendue, affirmant que le "taux d’encadrement" était bien suffisant, sans pour autant nier les faits. Un peu plus tôt en mai 2023, c’est un feu déclenché, par une professeure en salle de chimie qui avait défrayé la chronique.
Antoine Deflèche, président de l'association Ecole Mathias Grünewald et parent d'élève, avait évoqué une "expérience de combustion" qui aurait dérapé. Des parents avaient, quant à eux, avancé la thèse d’une sorte de rituel, au cours duquel les enfants avaient dû "se mettre debout sur les tables" et que l’enseignante avait "fermé les portes et les fenêtres". 48 heures après, les gendarmes avaient constaté que l’odeur de fumée était encore très forte.
L’établissement Steiner de Wintzenheim compte près de 400 élèves. C’est le plus grand de France à promouvoir l’éducation des jeunes sur la pédagogie de l’anthroposophe Rudolf Steiner, mort en 1925. Ces méthodes, fondées sur la croyance dans les forces cosmiques et un rapport mystique à la nature, demeurent controversées. Simplement ésotériques pour certains, sujettes aux dérives sectaires pour d’autres, il semble en tout cas que depuis quelques mois, l’établissement haut-rhinois est dans le collimateur de l’éducation nationale.