Apprendre l'alsacien en faisant du théâtre, la tradition des enfants de Gueberschwihr

Rund Um. Au théâtre alsacien de Gueberschwihr, avant les représentations des adultes, ce sont les enfants qui montent sur scène. Une tradition née voici plus de vingt ans, grâce à l'engagement d'une actrice bénévole.

Depuis vingt-deux ans, la joyeuse troupe du Bàbbelèffel Teàter de Gueberschwihr propose une pièce en alsacien, jouée durant durant plusieurs week-ends de janvier et février. Et chaque année, la prestation des adultes est introduite par une courte pièce jouée par des enfants.

La tradition est bien ancrée. Et bien que la plupart des jeunes ne parlent plus l'alsacien au quotidien, les volontaires sont toujours nombreux. En effet, ce théâtre d'enfants est une véritable institution locale, grâce à l'implication sans failles de Viviane Husser, membre du Bàbbelèffel Teàter, qui travaille toute l'année avec les enfants dans ce but.

L'objectif est, bien sûr, d'initier les plus jeunes au plaisir de monter sur les planches. Mais également de leur mettre le pied à l'étrier quant à la pratique du dialecte. Et les grands-parents sont très souvent partie prenante, pour les aider à répéter leur texte, et à retrouver la saveur de l'alsacien. 

Un loup pas si méchant

"Je me suis entraînée avec ma grand-mère qui m'a traduit les phrases et qui m'a fait les autres rôles pour que je m'habitue à la scène. Et elle m'a expliqué ce que je disais pour que je comprenne bien." Charlène, 11 ans et demi, arbore le costume d'un grand lapin blanc. 

Quoique non dialectophone, la jeune fille, qui a "commencé toute petite", rempile régulièrement parce que "ça (lui) a plu." Et elle n'est pas la seule. "Certains reviennent depuis plusieurs années" explique Viviane Husser.

La cheville ouvrière de la petite troupe s'affaire en coulisses à préparer chaque enfant avant une ultime répétition. Sur un canapé, deux petits cochons sont tranquillement installés près d'un loup, une Barbie en robe rose à paillettes attend sagement son tour, et un Petit Chaperon rouge file se faire maquiller et recoiffer.   

Cette année, la saynète des enfants raconte l'histoire d'un grand méchant loup, finalement pas méchant du tout, qui croise toute une série de personnages de contes, dont Pinocchio, Prof le nain, et même E.T.  

Une histoire faite pour durer

C'est Viviane Husser qui, dès l'origine, a lancé ce projet. Il y a 21 ans, un an à peine après la création de la troupe d'adultes. "Quand nous, adultes, avons commencé à jouer, nos propres enfants étaient encore petits" se souvient-elle. "L'un d'eux a dit : 'C'est dommage, j'aimerais jouer aussi' et l'idée a surgi de créer une troupe d'enfants."

Professionnellement, elle n'était absolument pas dans l'enseignement. Mais "aînée de cinq petits frères" elle a "toujours adoré les enfants." Donc lancer ce projet et tenir bon par-delà les années "était une évidence."

La formule, brevetée dès le départ, est toujours en vigueur : dès septembre, Viviane réunit les enfants volontaires une heure par semaine, pour préparer une nouvelle pièce. La petite troupe se produit dès fin janvier, plusieurs week-ends d'affilée, les mêmes soirs que les adultes. Puis, après les vacances de février, les enfants continuent à se voir jusqu'en été, pour un atelier plus centré sur l'apprentissage de l'alsacien.

"Et Victoire Keller (autre membre du Bàbbelèffel Teàter) m'aide depuis 5 ans" précise Viviane Husser. "Car cette année, on a seulement 10 enfants (…) Mais on en a déjà eu 18, et c'est beaucoup pour un seul adulte." Les deux amies reconnaissent que certains jeunes "sont parfois un peu pénibles", mais semaine après semaine, elles continuent à s'impliquer avec énormément de plaisir. Et elles savent pourquoi. 

L'alsacien est notre patrimoine. Il faut tout faire pour le préserver.

Victoire Keller

"Pour mes parents, il a toujours été important de parler l'alsacien" raconte Victoire Keller. "Et pour moi aussi. C'est notre patrimoine, il faut tout faire pour le préserver." "L'alsacien doit vivre" renchérit Viviane Husser. "Et le transmettre aux enfants est quelque chose de précieux, qui me procure beaucoup de bonheur."  

Faire plaisir à Papy

Tina, 13 ans, endosse cette année le rôle de Pinocchio. Elle participe à l'aventure depuis cinq ans. "J'ai commencé avec des copains" raconte-t-elle. "J'aime beaucoup faire du théâtre, et comme on proposait cet atelier dans le village, j'ai essayé. J'ai bien aimé et j'ai continué."

"C'était proposé le mercredi où il n'y avait pas d'autre activité" précise sa maman, Sabrina Marino, assise dans le public. "Et elle m'a dit : 'Ça fera aussi plaisir à Papy.' Et Clara, 9 ans (qui joue E.T.), a suivi, voyant sa sœur monter sur les planches depuis cinq ans. Et je pense que c'est elle qui apprécie encore plus le dialecte, de l'écouter et de le parler, que la grande."  

Sabrina Marino ne parle pas l'alsacien, mais le comprend, et peut aider ses filles à corriger la prononciation de certains mots. Et pour l'apprentissage de leurs textes, les grands-parents, parfaitement dialectophones, sont toujours disponibles. 

J'avais envie de le faire parce que j'aime bien l'alsacien.

Sarah, 8 ans

Annick Werderer est aussi une grand-mère largement impliquée. Sa petite-fille Sarah, 8 ans, est chez elle "durant la journée, quand ses parents travaillent." Donc "on répète ensemble à midi et le soir" précise-t-elle. "Et je lui parle parfois en alsacien, car j'aimerais bien qu'elle l'apprenne mieux. Et ça lui plaît."

Sarah, qui joue cette fois le rôle du petit cochon Naf Naf, est tout à fait d'accord. Car c'est la deuxième année qu'elle fait du théâtre. "J'avais envie de le faire parce que j'aime bien l'alsacien" explique-t-elle. "Vu que ma Mamy le parle, j'avais envie de le parler un peu."

Retrouver l'envie de transmettre 

Et pour Christian Rellé, papa de Joseph, 9 ans, (le loup), c'est une excellente occasion pour parler l'alsacien avec son fils. "Quand j'étais petit, je parlais seulement l'alsacien. Et en arrivant à l'école, je ne savais pas parler le français. Joseph, lui, a d'abord appris le français, et maintenant il apprend l'alsacien" se réjouit-il. "Début septembre, on a fait ensemble les premières phrases. Parfois il bute sur certains mots plus durs à prononcer. Mais ça vient. Je suis content qu'il l'apprenne."

A la fin du petit spectacle, lorsque chaque enfant fait la révérence puis décline son nom, Joseph se présente en tant que "Sepp". Une preuve de plus pour Viviane Husser que les enfants sont entièrement partie prenante, aspect linguistique y compris.

Après les nombreux groupes d'enfants déjà entraînés, et la multitude de saynètes déjà interprétées en 21 ans, elle garde le même enthousiasme. "Tant que les enfants ont envie de le faire, tant qu'ils viennent, je continue. Seul le jour où eux ne voudront plus, j'arrêterai."

Le spectacle des enfants, "Wer het Angscht vor em beese Wolf" est proposé en avant-première de la pièce "Mensch Meyer" jouée par le Bàbbeléffel Teàter à la salle des fêtes, 2 rue de Pfaffenheim, à Gueberschwihr :

vendredi 27 janvier et les samedis 28 janvier, 4, 11 et 18 février à 20h

et les dimanches 5, 12 et 19 février à 14h.

 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité