C'est une fronde nationale à laquelle s'est joint Eric Straumann, le maire de Colmar. Il a déposé un arrêté municipal autorisant l'ouverture des petits commerces du centre-ville, qui se plaignent de la concurrence déloyale des grandes surfaces et des plate-formes internet.
Eric Straumann a convoqué la presse ce samedi 31 octobre, symboliquement devant un magasin de jouets du centre-ville de Colmar. Fermé, comme tous les petits commerces non essentiels depuis le reconfinement qui a démarré ce vendredi. Le maire (LR) de Colmar a donc décidé de rejoindre la fronde de nombre de ses maires qui protestent contre la fermeture des commerces de centre-ville. Et a annoncé la publication d'un arrêté (à lire ci-dessous) qui autorise à compter de mercredi 4 novembre l'ouverture de ces commerces de proximité.
Arrêté municipal pris par Eric Straumann by Aymeric Robert on Scribd
"J'ai beaucoup hésité à prendre un arrêté, précise Eric Straumann, parce que je suis juriste et je sais que je risque d'être convoqué devant le tribunal administratif. Ce que nous souhaitons, c'est qu'à l'instar de ce qu'il s'est passé pour les libraires, les grandes surfaces ferment tous leurs rayons non essentiels pour rétablir l'équilibre ou alors qu'on accepte l'ouverture de l'ensemble des commerces. Parce qu'ici, précise le premier édile, il y a des stocks importants qui se sont constitués, on est à la veille de noël et cette rupture d'égalité va encore fragiliser le tissu économique en centre-ville ! Cet arrêté démarre le 4 novembre, cela laisse le temps au ministre de l'économie de négocier avec les professionnels concernés."
Eric Straumann n'est pas venu seul. Céline Kern-Borni, la présidente des Vitrines de Colmar était là elle aussi, pour faire part de sa profonde inquiétude. "Pourquoi veut-on faire croire aux gens qu'il est plus dangereux d'aller dans nos boutiques que dans les grandes surfaces? martèle la jeune femme, nous avons respecté les gestes barrières depuis le premier jour, nous avons veillé à ce que tout cela soit respecté en magasin, subissant parfois le courroux des clients! Nous avons besoin de faire noël, de cette période pour pouvoir survivre à cette année compliquée qu'est 2020, si nous ne pouvons pas rouvrir je pense que nombre d'entre nous ne relèverons pas le rideau en 2021."
La réponse de la préfecture du Haut-Rhin concernant l'arrêté pris par Eric Straumann ne s'est pas faite attendre. Dans un communiqué publié en fin de matinée, "le préfet rappelle que cet arrêté est contraire aux règles nationales prévues par le décret du 29 octobre2020. Même si ces mesures sont difficiles et contraignantes, elles visent à briser les chaînes de contamination et à éviter autant que possible la saturation de nos hôpitaux. Ces mesures sont de portée nationale et doivent donc s’appliquer dans toutes les communes. Aussi, le préfet sera dans l’obligation de déférer cet arrêté devant la juridiction administrative." Dans ce communiqué, la préfecture rappelle quelques chiffres relevé dans le Haut-Rhin: le taux d’incidence et le nombre d’hospitalisations ont quasiment doublé en une semaine :
- taux d’incidence : de 150,8 (23 octobre) à 288,3 (30 octobre) pour 100 000 habitants
- hospitalisations : de 52 (23 octobre) à 102 (30 octobre) (source Santé publique France).
La préfecture (lire sa requête ci-dessous) qui rappelle enfin que "les activités de livraison et de retrait de commandes peuvent se poursuivre. En outre, des mesures de soutien économique vigoureuses sont mises en place pour les petits commerces, notamment ceux comptant moins de 50 salariés :
- élargissement du fonds de solidarité
- exonérations et reports de cotisations sociales
- prolongation du prêt garanti par l’État
- création des « prêts directs de l’État »
- prise en charge des loyers"
Requête préfectorale contre l'arrêté municipal pro-commerces de Éric Straumann by Vincent Ballester on Scribd
Jean Rottner, maire de Mulhouse, ancien urgentiste, bien connu pour ses prises de position en faveur des mesures sanitaires les plus rigoureuses possibles, en appelle lui aussi au gouvernement. Contacté par de nombreux petits commerçants, il demande à Bruno Lemaire, ministre de l'économie et à Jean Castex, Premier ministre de faire quelque chose. "Vous connaissez mon engagement sans faille contre le coronavirus, précise-t-il dans un message vidéo, dans la région grand est. Vous avez pris de nouvelles dispositions nécessaires et parmi elles certaines concernent le petit commerce, elles sont incomprises. Les petits commerçants ne comprennent pas que la grande distribution puisse continuer son activité et pas eux. Cette colère, elle s'exprime dans les messages qu'ils m'adressent, je vous demande de les entendre et de prendre les dispositions nécessaires, si elle sont possibles, pour leur permettre de reprendre un minimum d'activité."
L'arrêté municipal du maire de Colmar sera devant le tribunal administratif de Strasbourg le mardi 2 novembre.