Haut-Rhin : les 30 ans de la Roselière de Kunheim, l'Ehpad où le bien-être de la personne âgée est central

Rund Um. Depuis trois décennies, l'Ehpad la Roselière de Kunheim accueille des personnes âgées des communes environnantes. En 30 ans, l'établissement a connu de nombreuses évolutions, mais le bien-être des résidents reste le pivot de toute l'organisation.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Ces trente dernières années, le maintien à domicile, le plus longtemps possible, de nos aînés, est devenu la norme. Ceci n'est pas sans incidences sur l'organisation des Ehpad, partout en France. Car aujourd'hui, lorsqu'une personne âgée se décide à entrer dans une structure adaptée, elle n'est plus autonome, dans la grande majorité des cas.

A la Roselière, le constat est sans appel. Quand le directeur, Robert Kohler, a pris la tête de l'établissement en 1999, il y avait "5 personnes en fauteuil roulant. Actuellement, c'est plus de la moitié. Ces dernières années, de plus en plus de personnes arrivent chez nous très âgées, et avec de gros problèmes de santé" résume-t-il. En outre, voici trois décennies, l'établissement comptait "beaucoup moins de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer."

L'Ehpad de Kunheim a donc dû s'adapter. "Notre fonctionnement a totalement changé ces 15 dernières années" précise Robert Kohler. "Notre personnel a dû se former à d'autres techniques médicales, et aux soins palliatifs, pour que nous puissions soigner toutes ces maladies au sein de l'établissement, ce qui n'était pas le cas il y a trente ans."

Mais l'esprit particulier qui règne à la Roselière, lui, n'a pas pris une ride. Rendre les dernières années de vie des personnes accueillies les plus belles possibles reste la motivation première du personnel soignant et encadrant. Qui fait tout son possible pour que les résidents se sentent vraiment chez eux, et puissent y rester jusqu'à la fin, sans devoir être hospitalisés.

Nappes et chariot de desserts

Mais pour cela, il a fallu constamment réinventer des solutions. Au début des années 2000, l'équipe encadrante a instauré un petit-déjeuner échelonné, avec un véritable buffet. L'idée étant que les résidents puissent se lever et manger à l'heure qui leur convenait, et non celle qui arrangeait le personnel. Cependant, une douzaine d'années plus tard, cette formule a dû être abandonnée, car les personnes âgées, de moins en moins valides, n'étaient plus en mesure de venir se servir à un buffet.

En parallèle, une grande réflexion a été menée sur la qualité de l'alimentation, indispensable pour éviter la dénutrition de nos aînés, dont l'appétit diminue. Ainsi, les tables sont recouvertes d'une nappe, les plats, joliment présentés, sont préparés sur place par une équipe de cuisine et du vin est proposé à chaque repas. Un chariot de fromage circule avec un bel assortiment, agrémenté de raisin, pour les vitamines. Et il est suivi d'un chariot de desserts pour, à nouveau, offrir le choix… même si les résidents plébiscitent généralement la pâtisserie préparée quotidiennement par la pâtissière de l'établissement.   

Moins de sorties mais plus de bénévoles

Il y a une quinzaine d'années, la Roselière comptait une trentaine de bénévoles, souvent des proches d'un résident décédé, qui continuaient ainsi à soutenir l'établissement. Ils organisaient des ateliers de cuisine suivis de repas pris en petits groupes, des sorties, des jeux… Et lors des apéritifs musicaux hebdomadaires, il n'était pas rare que l'un ou l'autre résident entame un pas de danse.

Il y a 10 ans, on allait encore avec les résidents au marché, au restaurant, au théâtre.

Robert Kohler

Aujourd'hui, la Roselière propose toujours 600 animations par an, mais elles ont dû être adaptées. Il n'y a plus de danse durant les apéritifs du samedi. Et lors des moments culinaires, si certains résidents mettent encore la main à la pâte, préparer un repas complet n'est plus trop possible. 

"Il y a encore dix ans, on allait avec les résidents, au marché, au restaurant, au théâtre" se souvient Robert Kohler. "On sortait de l'établissement, on allait vers la vie du dehors, vers la société."  Actuellement, sur les 115 personnes âgées qui vivent dans l'établissement (105 résidents et 10 en accueil temporaire) il devient très difficile de trouver cinq ou six volontaires qui permettraient de remplir le petit minibus.

Faire entrer la société dans l'Ehpad

"Aujourd'hui, c'est la société qui doit venir dans la Roselière, pour qu'ici, la vie continue" estime Robert Kohler. Raison pour laquelle le nombre de bénévoles est passé de 30 à 80. Leurs tâches se sont largement diversifiées. Certains "viennent donner à manger aux résidents, ou les aider à se déplacer de la chambre vers la salle à manger."

D'autres secondent ceux qui ne peuvent plus manger seuls. D'autres encore amènent et ramènent la douzaine de personnes accueillies quotidiennement en hôpital de jour. Et certains accomplissent des travaux d'entretien, d'électricité, de maçonnerie, de jardinage… Chaque année, en mars, une "semaine citoyenne" organisée dans l'établissement permet de trouver de nouvelles recrues.

Madeleine Sutter vit à la Roselière depuis 12 ans. Elle en est la plus ancienne résidente, et se souvient très bien de ses débuts : "Au départ, je venais visiter des personnes qui étaient ici. Et je me suis dit : C'est super, je m'inscris aussi. Inutile de me parler d'un autre établissement" raconte-t-elle. Et douze années plus tard, elle n'a aucun regret : "Ça me plaît, je suis bien, et ne serais allée nulle part ailleurs."

Même écho de Gisèle Liegard Osswald, arrivée il y a deux ans : "Avec les copines, on se connaît depuis longtemps. On est vraiment bien. La chambre est propre, le lit est propre, le linge est propre, on mange bien. Que demander de plus ? Il faut être reconnaissant et remercier le ciel."

Il y a une vingtaine d'années, la Roselière accueillait une trentaine d'enfants de l'école voisine pour le repas de midi. Des enfants qui, ensuite, faisaient quelques jeux de société avec les résidents. Cette organisation a dû être abandonnée, car les enfants sont devenus trop nombreux, et un véritable périscolaire a été créé. "Mais c'est un peu grâce à nous" s'amuse Robert Kohler.

Donner envie aux visites de venir plus souvent

L'établissement a mis en place diverses offres, toujours dans cette idée de faire venir des personnes de l'extérieur plus fréquemment. Les visiteurs de l'après-midi ont accès à un choix de desserts et de pâtisseries faits maison à 1 euro pièce, et pour 50 centimes, la machine à café est en libre-service.

Et l'été, la Roselière a investi dans une machine de soft-ice, où petits et grands peuvent se servir à volonté. Même les enfants de l'école d'en face ont découvert la combine. Certains font régulièrement un petit tour à l'Ehpad, pour aller se remplir un cornet. "Que valent ces quelques milliers d'euros investis, comparés au plaisir que cela partagé que cela suscite" s'exclame Robert Kohler.

Des menus de fête, et une salle indépendante, sont proposés aux familles pour des occasions spéciales comme les anniversaires, ou Noël, si le résident n'est plus en capacité de rentrer pour les fêtes. Et tout un chacun peut, sur inscription, venir manger à midi.

Ici, c'est comme une famille. On vient avec joie.

Véronique Ringler, chef infirmière

C'est le cas de Raymond Gantz, qui vient manger deux fois par semaine depuis le décès de son épouse. Cet ancien maire de Kunheim, de 1971 à 2008, était l'instigateur de la création de la Roselière. L'idée était née dès 1983, mais uniquement à l'échelle communale, "pour 15 lits, et ce n'était pas viable" se souvient-il. Les réflexions ont duré jusqu'en 1989, jusqu'à trouver "des solutions pour créer un cadre plus large", en y adjoignant les communes des alentours.

"Je me sens un peu fier que ça ait réussi" reconnaît Raymond Gantz. "Ça aurait pu capoter. Mais aujourd'hui on est très contents d'avoir la Roselière. Pour que les personnes âgées puissent trouver un accueil proche de chez elles, pour ne pas être trop déracinées, et pouvoir recevoir des visites régulières."

Valoriser le personnel

Cette stabilité se manifeste aussi du côté de l'équipe d'encadrement, qui a peu changé durant les deux dernières années. Véronique Ringler, aujourd'hui infirmière chef, est arrivée il y a vingt ans. En 2007, elle déclarait déjà au micro de Rund Um : "Pour les résidents, on est presque de la famille."

Son sentiment n'a pas changé : "C'est toujours le cas, sinon je ne serais plus là" sourit-elle. "Ici, c'est comme une famille. On vient avec joie. Ça ne veut pas dire que le travail n'est pas dur. Mais j'aime mes collègues et j'aime les résidents."

Le gériatre coordinateur, Stéphane Carnein, de Colmar, fréquente aussi l'établissement depuis près d'un quart de siècle. En 2007 il expliquait que son rôle était d' "ausculter toute la personnalité" de ses patients âgés. Et son discours n'a pas changé : "On tente toujours de prendre en compte la personne dans toutes ses dimensions" martèle-t-il.

"On ne traite pas simplement la maladie, la dépendance, mais tout le bien-être de la personne âgée (…) pour qu'elle puisse continuer à profiter de tous les plaisirs de la vie. La société a beaucoup changé, le droit du travail a changé. Mais nos valeurs restent les mêmes. Le cœur de notre action reste la prise en compte de la personne âgée." 

Nos valeur restent les mêmes et le cœur de notre action reste la prise en compte de la personne âgée.

Stéphane Carnein, gériatre

Muriel Jenny, arrivée comme animatrice en décembre 2005, coordonne aujourd'hui l'ensemble des animations. L'établissement lui a permis, à elle comme à chacun de ses cadres, d'effectuer "un master 1 et 2 en gérontologie." Le but : "En apprendre plus sur les résidents qu'on côtoie chaque jour, et réfléchir à ce qu'on fait bien, et pas bien, et à ce qu'on peut améliorer."

Elle apprécie "l'ambiance, l'environnement" et surtout le fait qu'il n'y ait "toujours de nouveaux projets, tout le temps du mouvement, ça bouge. Les résidents sont vraiment au centre de tout ce qu'on met en place (…) pour qu'ils vivent le mieux possible les années qui leur restent."

Pourtant, la Roselière doit actuellement faire face à une véritable "crise des vocations". En cause, la crise sanitaire, mais aussi l'image négative des Ehpad suscitée par l'onde de choc du livre "Les Fossoyeurs", l'enquête du journaliste Victor Castanet sur le groupe privé Orpea. L'équipe d'encadrement se rend donc régulièrement dans les lieux de formation, "pour présenter notre travail, et inciter des jeunes à nous rejoindre." 

Des améliorations et des projets

Le bâtiment de la Roselière, lui aussi, est en constante évolution. Une grande verrière, construite à l'avant, ajoute un bel espace commun supplémentaire. Et offre surtout aux personnes qui ne peuvent plus sortir une vue imprenable sur la grande place où les écoliers vont et viennent.

Suite à diverses études, des aménagements actuels sont destinés à atténuer les bruits des pas et des fauteuils roulants au sol, et améliorer la qualité de l'éclairage artificiel.

Pour cause de crise énergétique, l'établissement doit aussi faire face, cette dernière année, à une augmentation sans précédents de ses dépenses d'électricité, qui ont passé de 142.000 à 520.000 euros. Pour pouvoir régler cette facture, la direction devrait licencier du personnel, et réduire le chauffage. Elle s'y refuse catégoriquement, et préfère "puiser dans les réserves", en attendant des jours meilleurs. "Envers et contre tout, on tiendra quatre ans" soupire Robert Kohler. "Il faut toujours chercher le meilleur pour la personne accueillie, afin qu'elle continue à vivre dans les meilleures conditions. Comment ? C'est à nous de l'inventer." 

Il faut toujours chercher le meilleur pour la personne accueillie. Comment ? C'est à nous de l'inventer. 

Robert Kohler

Pour les années à venir, l'établissement prévoit une évolution de son rôle. Dont l'aide au maintien à domicile, à travers l'intensification de son activité d'hôpital de jour, et d'autres actions, encore à trouver. "Deux tiers des personnes âgées qui ont besoin d'aide vivent encore à la maison" estime le directeur. "Nos établissements doivent les accueillir, ou les aider chez elles, afin de soulager les familles. C'est le grand défi pour ces prochaines années."

De nouvelles solutions restent à inventer, car "la vérité d'hier ne vaut plus aujourd'hui, et changera encore demain." Mais à la Roselière, les réflexions sont déjà lancées. Car l'Ehpad de Kunheim tient à être partie prenante de cette "gériatrie du futur." Toujours avec le même leitmotiv : le bien-être des personnes âgées, comme seul fil conducteur. Encore et toujours.  

 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information