Haut-Rhin : les agressions contre les pompiers continuent, "ils sont en première ligne face à la misère sociale"

Le samedi 3 septembre 2022, six pompiers haut-rhinois ont été insultés et visés par des tirs de mortiers alors qu'ils terminaient une opération. Une nouvelle agression de soldats du feu, qui n'ont d'autre choix que de prendre leurs précautions.

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Depuis le début de l'année 2022, 29 interventions du service d'incendie et de secours du Haut-Rhin (SIS 68) ont donné lieu à des dépôts de plainte pour agressions. Ce chiffre est monté à 31 sur toute l'année 2021. Le phénomène fait désormais partie du quotidien des soldats du feu, qui doivent s'y préparer avant certaines missions.

Jérôme* raconte avec beaucoup de recul ce qu'il s'est passé au soir du samedi 3 septembre, dans le quartier Drouot à Mulhouse. Chef d'opération, il est envoyé pour éteindre une voiture en flammes : "Nous étions six dans un fourgon, c'était une mission très classique. L'ambiance était particulièrement calme. On a éteint le feu rapidement, il n'y avait pas de risque de propagation."

Ce n'est qu'au moment de ranger le matériel que la mission prend une nouvelle tournure : "Là, je vois des gens courir vers nous en nous insultant. Des premiers feux d'artifice sont tirés. Le conducteur du fourgon se retrouve seul, les autres étant en train de ranger les tuyaux avec la police."

Si on n'est pas prêt à y faire face, il faut aller voir ailleurs.

Jérôme

Pompier à Mulhouse

Des pétards et des fusées sont également tirés : "Les projectiles sont arrivés à 5-10 mètres de nous, ils nous visaient clairement, continue le pompier de 46 ans. Ils ont été pris en chasse par les forces de l'ordre, et j'ai donné l'ordre de replier. On est parti précipitamment." Tout s'est passé en à peine cinq minutes.

Jérôme officie à Mulhouse depuis vingt ans. Ni lui, ni les pompiers plus jeunes qui l'accompagnaient, n'ont été choqués par ce qu'il venait de se passer : "De retour à la caserne, on essaie de très vite dédramatiser cela, sans en rire non plus bien sûr. Mais ça arrive si souvent que si on n'est pas prêt à y faire face, il faut aller voir ailleurs." Lui et ses collègues ont continué leur garde.

Prévoir un itinéraire de fuite

Le soldat du feu doit cependant prendre ses précautions avant de partir en mission, surtout dans certains quartiers où les agressions sont les plus courantes : "J'essaie de ne pas prendre toujours le même itinéraire d'arrivée et de départ. Aussi, on détermine un itinéraire de fuite en cas de problème. On utilise aussi nos caméras thermiques pour repérer s'il y a du monde autour." 

Le dépôt de plainte est automatique.

Jean-Louis Villequez

Chargé de la communication du SIS 68

On chiffre à 29 le nombre de plaintes déposés pour agression par le SIS 68 depuis le début de l'année 2022 (chiffre au 7 septembre) contre 31 sur l'ensemble de 2021 : "Le dépôt de plainte est automatique, explique Jean-Louis Villequez, chargé de la communication du service. Mais il arrive que certains pompiers le fassent de manière personnelle." Depuis le premier janvier, on dénombre 10 outrages et 19 violences volontaires, dont quatre qui ont entraîné une incapacité temporaire de travail (ITT).

Aujourd'hui, tout ce qui porte un casque et un uniforme est associé à la force publique et à l'État.

Jean-Louis Villequez

Chargé de la communication du SIS 68

Si l'agression aux tirs de mortier est spectaculaire, les soldats du feu sont surtout confrontés à "des personnes qui ne sont pas dans leur cadre nerveux normal". Comprenez, des personnes alcoolisées ou en situation de détresse psychologique, qui ne veulent pas être raisonnées par un homme en uniforme : "Les pompiers sont en première ligne face à la misère sociale, personnelle, ou économique. Ils essuient les plâtres et épongent cette détresse qui se traduit par une violence qu'ils ne devraient pas supporter", explique Jean-Louis Villequez.

Et de continuer : "Aujourd'hui, tout ce qui porte un casque et un uniforme est associé à la force publique et à l'État. Les pompiers ont l'exclusivité de la mission d'extinction d'un feu. Il y a un incendie, ils doivent l'éteindre. Et ce sont les seuls à pouvoir le faire. Les autres missions, comme le secours à la personne, sont partagées."

Quatre fois plus d'agressions en dix ans

En France, les agressions envers les pompiers ont été multipliées par quatre entre 2008 et 2019, passant de 745 à 2.995, d'après l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Depuis trois ans, elles ont tendance à diminuer, pour atteindre 1.518 sur tout l'Hexagone en 2021.

De par leur mission de service public, agresser un pompier entraîne des sanctions plus lourdes que si elles étaient commises sur d'autres personnes. Le code pénal dispose que menacer de commettre un crime ou un délit à l'encontre d'un sapeur-pompier professionnel ou volontaire est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 € d'amende. Celui ou celle qui détruit ou dégrade un bien leur appartenant (comme un fourgon) s'expose à vingt ans de réclusion criminelle et à 150.000 € d'amende.

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