"Le moindre coup de vent peut provoquer une chute", pourquoi 200 arbres vont être coupés dans cette commune

Gangrénés par la chalarose, un champignon venu des pays de l'Est, les frênes du bois de l'Oberwald (Haut-Rhin) ont en partie été coupés lors d'une opération lancée le 2 octobre. Au total, ce sont 200 arbres qui doivent être coupés d'ici à quelques mois.

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Jusqu'ici, la forêt de l'Oberwald était le terrain de jeu idéal pour les élèves de Christophe Ansel, enseignant d'EPS au collège Mathias Grunewald de Guebwiller. Lors deux premières séances de VTT de l'année, il choisissait toujours ce bois, car il le trouvait "très pratique pour débuter, étant donné son peu de dénivelé". Depuis quelques mois, il doit trouver une solution alternative, car le site n'est tout simplement plus accessible aux usagers. "Nous sommes passés devant, il y a quelques jours, et j'ai vu de loin qu'ils coupaient des frênes, et des grands ! On voyait que la base des troncs était très dégradée.

Si la municipalité d'Issenheim, de concert avec l'Office national des forêts (ONF), a lancé ces travaux, c'est que l'état des arbres "posait une vraie question de sécurité pour le grand public" selon le maire Mark Jung. "L'hiver dernier, nous avons constaté de nombreuses chutes d'arbres, heureusement sans gravité, explique l'édile. Mais on ne pouvait plus prendre le risque de rester inactifs." Un arrêté a été pris au début de l'été pour fermer l'espace au grand public. 

La fragilité de ces arbres est due à la chalarose du frêne, un champignon aujourd'hui très répandu en France, notamment dans les départements du Grand Est. Il pénètre l'arbre par les feuilles et provoque leur flétrissement. Les feuilles sèches et les rameaux tombent ensuite au sol, et infectent le pied de l'arbre par les fissures de l'écorce. Cela conduit à la mort de l'arbre, selon le site de l'ONF. "Les symptômes ne sont pas toujours visibles, il arrive que les arbres paraissent sains, mais sont creux à l'intérieur : dans ces cas, il y a un vrai problème de sécurité, car l'arbre n'est pas stable, et le moindre coup de vent peut provoquer une chute", confirme Benjamin Mura, technicien forestier à l'ONF en charge de la forêt de l'Oberwald.

Couper sans fragiliser l'écosystème et la bonne santé de la forêt

Le constat et la solution sont connus. La façon d'y parvenir est en revanche bien plus complexe. Il ne suffisait pas d'effectuer une coupe rase de tous les arbres, sachant que 55% de la forêt est constituée d'essences autres que le frêne. Il fallait aussi prendre en compte l'avancée de la progression du champignon sur chaque arbre. "Dans l'idéal, il faut créer un contexte qui va ralentir la maladie et préserver les arbres qui sont en bonne santé, explique Claude Husson, expert en pathologie forestière au Département de la santé des forêts. Un gros frêne âgé, disons à plus de 25 centimètres de diamètre, qui n'est pas beaucoup dégradé, peut avoir des symptômes, mais vivre longtemps."

Il est en effet possible pour ces arbres résistants de transmettre leur tolérance au champignon "à la descendance", selon Claude Husson, et ainsi contribuer à rendre la parcelle de forêt mieux préparée au changement climatique. Sur place, Benjamin Mura affirme que c'est bien l'esprit de l'opération de coupe en cours. "Pour ne pas déstabiliser l'écosystème, on essaye de garder un maximum de sujets sains", expose-t-il. Les coupes rases, même si on prévoit de replanter d'autres arbres à la place, affectent la biodiversité avec des trouées dans le couvert forestier. Il y a donc un juste milieu à trouver entre la nécessité de couper un maximum d'arbres dégradés pour des questions de sécurité, et l'importance de la préservation de l'ambiance forestière.

"Il ne faudrait pas oublier l'intérieur de la forêt et les piétons"

Symbole de cette attention à la biodiversité, le chantier avait d'abord été retardé par la présence de nids de hérons repérés au printemps dernier. "C'est pour cette raison qu'on a reporté le début de la coupe au mois d'octobre", précise Benjamin Mura. La saison de nidification du héron court du 15 décembre au 15 juillet, ce qui donne une fenêtre d'action réduite sur l'ensemble de l'année. "On devrait ensuite passer à la coupe des arbres de l'autre côté de la forêt, toujours le long d'une route, puis passer au cœur de la forêt. Les arbres constituent aussi un danger pour les promeneurs, à vélo ou à pied, le long des sentiers."

Christophe Ansel en sait quelque chose. Lui et ses élèves commencent désormais leur année par quelques séances au stade d'athlétisme, "puis sur la piste cyclable direction Oschwihr. On axera nos cours sur le vignoble maintenant. La pente est plus raide, c'est moins propice aux débutants, mais on n'a pas le choix", regrette l'enseignant d'EPS. Très sensible aux questions environnementales, il dit comprendre "complètement" la nécessité de couper les arbres. "On ne peut plus espérer retrouver les forêts de notre enfance qu'on gardait intactes. Il faut intervenir, et tant que c'est géré de manière intelligente, tant que c'est pensé de manière à assurer la sécurité des gens et à résister du mieux possible au réchauffement climatique, ça me va."

Il souligne en revanche qu'il ne faudrait pas "oublier les usagers à pied ou à vélo, donc qui passent au cœur de la forêt, et se concentrer seulement sur le bord des départementales". Ça tombe bien, l'ONF et la mairie assurent que ce sera traité dans un second temps. Les habitants semblent en tout cas aux aguets.

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