La commune de Geishouse (Haut-Rhin), perchée entre 700 et 900 mètres d'altitude, pourrait perdre à la rentrée 2024 l'une de ses deux classes et devoir rassembler en une seule les 8 niveaux de la maternelle au CM2. Ce qui suscite beaucoup d'inquiétude dans le village.
Geishouse (Haut-Rhin), petit village de montagne niché sous le Grand Ballon. Il est difficile d'accès, surtout l'hiver, et c'est bien ce que recherchent ses quelque 440 habitants : le calme et la quiétude de l'altitude. Et l'état d'esprit propre aux lieux loin de tout, où tout le monde se connaît et s'entraide. "Moi, je travaille à Mulhouse, j'ai deux heures de route pour aller travailler. Mais je suis prête à les faire tant que mes enfants profitent de ces conditions de vie exceptionnelles!"
C'est le cri du cœur de Marie Laroque. Cette mère de deux enfants, âgés de 3 et 7 ans, s'est installée là-haut avant leur naissance, et son choix pour cette vie perchée à plus de 700 m d'altitude s'est renforcé en famille. Notamment grâce à l'école et "la richesse de l'enseignement qui y est donné", estime celle qui est aussi secrétaire de l'association des parents d'élèves.
Un enseignement dispensé dans deux classes : l'une regroupe les élèves de maternelle et ceux de CM2, l'autre les enfants scolarisés du CP au CM1. Pour le moment. Un courrier envoyé par la direction académique au mois de mars a confirmé les rumeurs de fermeture d'une classe : l'école n'en gardera plus qu'une à la rentrée, "si les conditions ne sont pas réunies pour conserver les deux d'ici la fin de l'année scolaire". Autrement dit si de nouveaux élèves ne viennent pas renforcer les effectifs.
Les écoles protégées par la loi montagne
"Nous avons depuis une dizaine d'années entre 25 et 30 élèves, détaille le maire, Claude Kirschhoffer. Mais nous sommes dans un petit creux, avec 24 élèves : une famille a choisi de scolariser ses enfants dans la commune où travaillent les parents, une autre a déménagé... Cela suffit à déséquilibrer nos effectifs." Et l'élu de continuer ses petits calculs.
"Une mère séparée est revenue s'installer au moins ponctuellement à Geishouse, avec ses deux enfants ; nous essayons de la convaincre de les scolariser ici. Une autre famille pratique pour le moment l'enseignement à domicile dans un village voisin, mais pourrait opter pour notre école à la rentrée... Cela fait quelques arrivées potentielles qui seraient bienvenues".
Pourtant, le maire ne devrait pas avoir à compter les élèves de son école. Sa commune est un village de montagne, soumis à la loi montagne, votée en 1985 et modernisée en 2016. Les règles de la carte scolaire ne s'y appliquent pas de la même manière que sur le reste du territoire. "Il n'y a pas de seuil d'effectifs dans les écoles de village de montagne qui justifie les fermetures ou ouvertures de classe", martèle le maire, qui a eu l'occasion de le rappeler au Dasen (directeur académique des services de l'éducation nationale, NDLR) lors de la réunion de l'association des maires du Haut-Rhin, au mois d'avril.
De la petite section de maternelle au CM2 dans la même classe?
"Nos enfants ne sont pas des moutons, arrêtons de les compter!", c'est justement le message affiché à l'entrée du village, qui tout entier se mobilise pour garder ses deux classes. Car le maire comme les parents d'élèves sont unanimes : une seule classe pour 8 niveaux, c'est trop, et c'est la survie même de l'école qui est en jeu. "Si la qualité d'enseignement se dégrade, avec une enseignante et une ATSEM pour plus de 20 élèves de 8 niveaux différents, certains seront peut-être amenés à les inscrire ailleurs, d'autres seront peut-être découragés à venir s'installer ici... et à terme, que deviendrait alors l'école?"
"Ici, tout est fait dans l'intérêt des enfants, on le sent, explique Marie Laroque. Les élèves de CM2, par exemple, sont responsabilisés avant leur entrée en 6e, car il partage leur classe avec les plus petits, de maternelle... Et puis, la directrice impulse plein de projets : une journée par mois en "école du dehors", pendant laquelle la classe se fait à l'extérieur. Il y a des classes vertes, des sorties piscine..."
Tout ce qui est organisé ici, qui participe à l'épanouissement de nos enfants, ne sera plus possible avec une seule enseignante et une seule classe...
Marie Laroque, maman d'élèves à Geishouse
Le maire abonde dans le même sens et insiste sur la dynamique créée autour de l'école, notamment grâce à l'association des parents d'élèves. "Ils organisent plein d'activités, réunissent des fonds, s'organisent et s'entraident entre eux. Il y a les grands-parents, les familles, tout le monde s'implique autour de l'école... Ici, pas besoin de périscolaire par exemple, la solidarité fonctionne à plein pour gérer les enfants! Et c'est tout cela, cet état d'esprit propre aux villages de montagne, qui est menacé avec l'école..."
Un courrier, une pétition, une manifestation
Une solidarité qui cette fois s'organise pour tenter de convaincre le rectorat de l'absolue nécessité de garder deux classes à Geishouse : après avoir adressé un courrier au Dasen, signé par bon nombre d'élus, les parents d'élèves ont lancé une pétition en ligne.
Elle recueille en cette fin avril plus de 7.300 signatures, bien plus que ne compte d'habitants le village. "Notre histoire fait écho à d'autres situations similaires, dans d'autres communes", juge Marie Laroque. Qui espère donc que leurs arguments seront entendus. Le 6 mai, à la reprise de la classe après les vacances de printemps, tous se donnent rendez-vous devant l'école à 16h, pour faire mieux encore entendre leurs voix. La carte scolaire sera connue au mois de juin.