5 000 patients se retrouvent sans médecin dans le quartier le plus vaste de Mulhouse, "je me dis qu'il y aura un drame un jour"

A Mulhouse, dans le Haut-Rhin, le quartier de Bourtzwiller a perdu au début de l'été trois médecins généralistes partis en retraite simultanément. Cinq mille patients se retrouvent sans suivi médical dans une agglomération déjà en manque de médecins. Aucune solution ne se profile avant plusieurs mois.

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Ce n'est pas faute d'avoir cherché. Pourtant aucun médecin généraliste ne viendra prendre la relève des trois praticiens de la maison de santé de Bourtzwiller, à Mulhouse, partis en même temps à la retraite. Les trois médecins avaient intégré le lieu en 2018 en pensant déjà à leur succession. Mais cinq ans plus tard, le 30 juin 2023, jour de leur départ, leurs recherches sont restées vaines. Depuis, les quelque 5 000 patients de ce quartier populaire se retrouvent sans médecin traitant, désemparés.

Comme cette habitante, Salima Hamm, que notre équipe a rencontrée à son domicile. Souffrant de diabète, elle y reçoit la visite quotidienne de Krysti Bunwaree, son infirmière, désormais la seule professionnelle de santé à la voir. Face à cette situation, elle se dit inquiète, pour elle et ses parents, tous deux lourdement malades. "C’est angoissant de ne pas pouvoir se soigner. Et nous, on n’est pas les cas les plus graves, il y a un nombre important de personnes âgées isolées et dans l’incapacité de se déplacer. Je me dis qu'il y aura un drame un jour. On ne peut pas laisser ce type de situation sans intervenir".

Comment une telle situation a pu s'installer ? Salima n'a pas de réponse mais dit regretter l'inaction du côté de la mairie. "Je ne comprends pas que les politiques ne mettent pas en place des réunions publiques pour informer, pour dire, on peut ou on ne peut pas faire ceci ou cela. Il ne se passe rien. C’est le silence".

Le quartier n'a pas la cote

Le manque d'attractivité de ce vaste quartier populaire, qui compte environ 15 000 habitants, n'a pas aidé non plus les trois généralistes dans leur recherche de jeunes médecins, prêts à prendre la relève. À la maison de santé de Bourtzwiller, il ne reste désormais plus que deux kinésithérapeutes et deux infirmières, dont Krysti Bunwaree. Pour elle, l'absence de médecins va rapidement poser des problèmes. "On a notre rôle d’infirmière qui consiste à effectuer des soins, des préparations de traitement ou des pansements. Le patient qui doit être suivi par son médecin traitant mais qui n'a plus de médicaments, plus de traitement, nous, là, on ne peut rien faire. Réajuster des traitements c’est le rôle du médecin."

Pour les habitants du quartier, se soigner ou trouver un médecin traitant devient mission impossible. Les médecins libéraux du secteur ont déjà trop de patients, les urgences de l'hôpital de Mulhouse sont saturées. Pour ceux qui souffrent de pathologies chroniques et dont l'ordonnance va arriver à échéance, pas question non plus de se tourner vers SOS Médecins ou les centres de soins non programmés. "On n’a pas la compétence pour faire des renouvellements d’ordonnance parce qu’il s’agit de patients qui requièrent un suivi au long cours. Pour cela il faut un médecin qui les connaisse et qui les suive. Notre service a la vocation de prendre en charge les pathologies aiguës, il est déjà saturé de demandes de ce côté-là. On est donc en grande peine de les prendre en charge [les pathologies chroniques]", explique Frédéric Tryniszewski, le président de SOS Médecin. 

Les perspectives

Une solution est à l'étude qui consisterait en la création d'un centre de santé, dans lequel travailleraient des étudiants en fin d'études de cursus de médecine, sous la supervision de médecins retraités. Les consultations seraient réalisées par ces étudiants, en dernière année d'internat, qui ont la compétence pour délivrer des ordonnances. La capacité de prise en charge ne serait cependant pas, de loin, équivalente à celle des trois médecins partis à la retraite puisqu'il n'y aurait qu'un étudiant par jour. Par ailleurs, et sous réserve que les autorisations aient été données, le dispositif ne sera mis en place que le 2 novembre voire le 2 mai 2024. D'ici là, les patients orphelins de Bourtzwiller devront se débrouiller pour trouver un médecin traitant dans une agglomération déjà en forte tension.

En une décennie, Mulhouse a perdu 27 médecins généralistes (source ARS Grand Est, chiffres de 2020). Ils sont 134 à officier aujourd’hui. D’autre part, 52% des généralistes mulhousiens ont plus de 55 ans, l’âge moyen étant de 51 ans au niveau national. La situation locale n’a rien d’exceptionnel. En cause, notamment, le numerus clausus institué en 1971. Pour tenter d’enrayer la pénurie de médecins induite, il a été supprimé en 2019 mais les effets de cette suppression ne se feront pas sentir avant 2030.

D’ici là les projections font apparaître une diminution du nombre de praticiens de l’ordre de 10% au niveau national. Et pour noircir encore le tableau, Frédéric Tryniszewski rappelle que les jeunes médecins ne sont pas, comme leurs aînés, prêts à faire des journées de 12 heures, voire plus. "Le volume d’heures hebdomadaires travaillées chez la jeune génération peut être divisé par deux ou trois par rapport à celle des anciens". D’après ce calcul, il ne faudrait pas trois médecins pour remplacer ceux de Bourtzwiller partis à la retraite mais entre six et neuf…

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