Le confinement vu par Christophe Hohler, peintre et musicien : "une ambiance paradisiaque dans un mauvais film"

Christophe Hohler, peintre plasticien et musicien de jazz, a aménagé son atelier dans une ancienne synagogue et vit dans le village voisin, Neuwiller (Haut-Rhin). Il partage avec nous ses "réflexions de confiné".
 

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L'atelier de Christophe Hohler est l'ancienne synagogue de Hagenthal-le-Bas (Haut-Rhin), désacralisée depuis la Première Guerre mondiale. Il l'a achetée en ruines voici une quinzaine d'années, et totalement rénovée. Car en tant que peintre travaillant sur des toiles de grandes dimensions, mais aussi lithographe, sculpteur, céramiste et pianiste de jazz, il avait besoin d'espace.

Pour parcourir le kilomètre qui sépare son atelier de son domicile, dans le village voisin de Neuwiller (Haut-Rhin), Christophe Hohler circule à vélo - bien sûr muni actuellement d'une attestation de déplacement dûment remplie. Mais depuis le confinement, il ne veut pas "y aller par automatisme", et préfère rester aux abords de sa maison, bricoler et puiser des forces dans la nature environnante.
 

 

Le village de Neuwiller, au sud du Haut-Rhin, est une enclave en Suisse. "Je vis dans un cul de sac. Depuis ma maison, je vois devant moi la Suisse, et derrière moi la France", raconte Christophe Hohler. Ce coin de nature retrouve ses droits depuis qu'avec le confinement, la moindre voiture qui passe devient une exception. "Un véritable flash back."

Mais Christophe Hohler perçoit intensément le profond contraste entre le paysage paisible qui s'offre à ses yeux, et la cause qui lui permet d'en profiter autant pour le moment. "Ça fait deux semaines que je dis à mes amis par téléphone : Neuwiller est paradisiaque, mais on est dans un mauvais film." 

Chacun va tirer des leçons sur ce qu'il est, c'est obligé. C'est comme être devant un ravin. On recule et on analyse la situation pour mieux se positionner.
- Christophe Hohler

Dans cette période si particulière, il apprécie "ce grand privilège de vivre si proche de la nature", car pour lui "la ville est la première ennemie." Mais pour mieux se recentrer, il préfère se consacrer "aux choses essentielles" : fendre du bois, et tailler les 80 arbres du vieux verger à côté de sa maison. "Je les regarde au point de les entendre", sourit-il, tout en gardant une oreille pour "l'hélicoptère de la gendarmerie (qui tourne) pour contrôler l'activité au sol."

La nécessité de se recentrer

Par mauvais temps, il rattrape divers travaux d'ordinaire laissés en plan, fait des lithogravures, dessine, soude ou travaille son piano. Mais inexorablement, la véritable origine de ce temps si généreusement offert se rappelle à lui : "Il y a deux semaines, on m'a annoncé l'annulation d'un concert, et celle d'une exposition à côté de Marseille. Certains se sont trompés en croyant que les consignes sont exagérées." Par ailleurs, une galerie de Bâle voulait présenter ses tableaux durant la prochaine édition de la foire d'art contemporain Art Basel, initialement prévue en juin. Un véritable "podium offert", pour lequel il se réjouissait. Mais il ignore si cette opportunité restera d'actualité après le confinement.  

C'est une espèce de retraite.
- Christophe Hohler

Même si son activité créatrice habituelle est un peu mise sous le boisseau, Christophe Hohler n'a absolument "pas l'impression d'être en vacances". Il se sent en plein travail de réflexion. "C'est une espèce de retraite", précise-t-il. "On a pour tâche de fonctionner en autarcie. Un travail mental intéressant à mettre en route, car beaucoup de choses se passent dans ce désert magnifique et terrible."
 
 

En plein travail de réflexion

Car pour lui, la crise du covid19 place chacun devant des questions fondamentales, en le poussant à se demander qui il est, et ce qu'il peut apporter au monde. Une remise en question à laquelle un artiste est peut-être plus habitué que d'autres : "Quand on pratique un art, musique, dessin, peinture, la remise en question est naturelle, évidente", estime-t-il. "Et l'on se dit qu'on est tout petit." Chaque nouveau tableau "est une aventure en soi". Dès qu'il commence à "poser un point sur une toile blanche", il sait qu'il ne peut pas tricher.


Le rôles des artistes après la crise

Bien conscient de ne pas être "engagé comme les professionnels de soin", et que loin des hôpitaux, il est "facile de parler comme ça", Christophe Hohler reste néanmoins persuadé qu'après la crise, "nous les artistes, on aura un rôle à jouer". Pour aider la société à aller plus loin en humanité. Aider les individus à se retrouver, à communier.
 

Exemple : ces concerts qu'il organise chaque année dans sa synagogue-atelier, avec d'autres musiciens de jazz. Des soirées où les gens se regroupent, entourés de ses peintures, et communient par la musique. Et dans ce lieu chargé d'histoire, il a le sentiment que "quelque chose de religieux se dégage." Sans discours, sans gourou, "un bout d'émotion se transmet." Et chacun repart plus fort de ce vécu partagé.
 
Au printemps 2018, Christophe Hohler a réalisé 12 tableaux et organisé un concert sur le thème traditionnel de la "danse des morts". Un événement qu'il présente - en alsacien - dans l'émission Rund Um. L'occasion de l'entendre jouer du piano et de découvrir certaines de ses peintures.
   

Les conseils "culture" de Christophe Hohler

  • livres
- le Vin bourru de Jean-Claude Carrière
- Picasso, créateur et destructeur d'Arianna Stassinopoulos-Huffington
- Acadie de Tomi Ungerer
- A la guerre comme à la guerre de Tomi Ungerer
  • films
- Les fantômes de Goya de Milos Forman
- Heimat d'Edgar Reitz
- la filmographie de Jacques Tati
- Ridicule de Patrice Leconte
- La Fille du puisatier, Manon des sources... de Marcel Pagnol


Un texte que Christophe Hohler a écrit

Mon village est calme, aucun bruit, on entend les oiseaux, c’est magnifique, comme à une époque dont je garde de vagues souvenirs. J’avais autour de 5 ans. C’était un environnement sonorisé comme un film de Jacques Tati, quelques petits tracteurs agricoles, des motoculteurs et de très rares voitures circulaient.

C’est très agréable mais c’est un mauvais film. Nous sommes en état de guerre. En guerre contre qui ? un ennemi visible, visible par nos propres activités, par l’effet d’une croissance croissante, cette fuite en avant pour désaltérer la logique économique. Nous avons donné un billet gratuit à ce Corona pour un tour du monde.

Entre-temps on apprend jour par jour la progression fulgurante de cette épidémie. Le corps médical est sur-sollicité tandis que la grande masse doit rester casée chez elle. Les uns offrent toute leur énergie et une grande part de risque, les autres restent ouatés chez eux. Ils sont nos braves, ils sont nos héros, tous ces professionnels des soins ! Nous le savons, leur mission est notre abri. Fallait-il une catastrophe pour les qualifier de héros ? Si on pèse le salaire et les «avantages» d’une infirmière ou un infirmier à un ceux d'un élu privilégié, on ne comprend pas. Ce n’est pas possible dans notre pays. Que fera l’Assemblée, que fera le Sénat?

Il faudra fabriquer un lendemain ! Je songe à une fête nationale, voire mondiale en hommage à cette aventure. Une fête sous forme de «jeûne économique» : on arrête les machines 1 ou 2 semaines, le trimeur devient ermite pour asseoir une confession commune. Il ne s’agit pas de vacances, il s’agit d’inventer à son échelle une forme d’autarcie en développant ses propres outils, vecteurs d’échanges et d’introspections.

Je sais de par mon métier que nous avons besoin de partage. Quand j’offre une exposition, je reçois de la part du public un besoin fort de commenter. L’échange évolue, il devient utile et fertile. Notre société nouvelle est gâtée, elle a beaucoup de médiums artistiques à disposition. Cette société de loisirs n’a pas seulement une fonction ludique mais elle a l'obligation de nous avertir et de nous responsabiliser.
Vive demain...
 
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