Coronavirus - "On n’a plus rien, on a juste un repas cette semaine" : l'appel à l'aide d'une maman privée d'aide sociale

En ces temps de confinement pour cause de Covid-19, les personnes en situation de précarité ont encore plus de difficultés que d’habitude. Des associations continuent à se démener, mais certains bénéficiaires vivent des situations ubuesques. Témoignages.
 

En ces temps de confinement obligatoire, pour enrayer l’épidémie de Covid-19, les personnes en situation de précarité rencontrent encore plus de difficultés que d’habitude et ont donc besoin de plus d’aide. Pourquoi? Parce qu'elles sont souvent touchées par plusieurs phénomènes à la fois : difficulté pour trouver des points d’alimentation pas chers ou gratuits, difficulté pour acheter de quoi se chauffer. Car oui, les températures ont à nouveau chuté fin mars et restent basses, en ce début avril. Certains n’ont d'ailleurs pas même de quoi se loger.

Alimentation, soins, hébergements, droits sociaux, les associations s’organisent pour faire face, et rester aux côtés des personnes en grande difficulté. Tous les matins, par exemple, rue de l'Arc-en-ciel à Strasbourg, Caritas propose un petit-déjeuner à emporter, aux familles démunies et aux personnes sans-abri. Il est distribué à travers une grille, avec un maximum de précaution pour les bénéficiaires et les bénévoles. Mais pour ceux qui vivent loin des grandes villes et centres, en mesure de continuer leur activité humanitaire, sont mal lotis. C'est le cas de Stéphanie. Elle nous raconte. 
 

On n’a plus rien, en dehors d'un repas cette semaine, parce qu’on est loin de tout
-Stéphanie 32 ans, bénéficiaire, du Secours catholique
 

Le témoignage de Stéphanie, une bénéficiaire qui vit à Guebwiller, dans le Haut-Rhin semble incroyable. Elle ne jette la pierre à personne, mais au 17e jour du confinement, sa vie quotidienne a beaucoup changé. Chaque jour se pose pour elle, la question de ce qu’elle va pouvoir donner à manger à ses deux enfants : "Avant le confinement, j’allais une fois par semaine, le mardi, à l’épicerie solidaire de Guebwiller. J’avais droit à trente euros d’achats, mais moi je payais trois euros, pour de l’alimentation et des produits d’hygiène. Actuellement, c’est fermé pour cause de Covid-19, donc je n’ai plus rien. Pour compenser un peu, on m’a proposé d’aller chercher un repas aujourd’hui dans un restaurant de Guebwiller. Je crois qu’ils reçoivent des produits des grandes surfaces et qu’ils font des repas pour les infirmières et pour les bénéficiaires."

Malheureusement en parallèle, je n’ai pas reçu les aides de la CAF, ces deux derniers mois. On m’a dit que mon dossier a été perdu. Alors tout a été coupé, allocations familiales, Rsa, APL et mon allocation de soutien familial, tout a été coupé, le temps que je refasse tout le dossier, avec justificatifs etc, et depuis hier j’ai de nouveau les aides. Mais sans la nourriture depuis quinze jours, c’est difficile, j’ai deux enfants, un petit garçon de sept ans et une fillette de cinq ans. Je me demande comment leur donner des vitamines, pour qu’ils puissent bien grandir."

 

 

On mange des pâtes, des pâtes et des pâtes 
-Stéphanie, bénéficiaire d’aide alimentaire

 


« Cette semaine, grâce à ce restaurant et Caritas, je vais pouvoir chercher un repas pour mes deux enfants et moi-même. C’est un repas pour toute la semaine. Seule ça irait, mais avec les enfants, c’est compliqué, ils ont besoin de vitamines pour bien grandir. Les autres jours, pour les autres repas, je me débrouille avec ce que j’ai dans les placards, on mange des pâtes et des pâtes et des pâtes. Heureusement j’ai un ami et des parents qui m’aident. Ici, on est loin de tout, l’aide habituelle nous a été supprimée, à cause virus. Et nous n’avons pas de livraison en remplacement de la boutique, pas de colis alimentaires comme dans les grandes villes. Ici on est loin de tout. »

 


De leurs côtés les associations cherchent des solutions

La responsable du pôle alimentaire de Caritas, Haut-Rhin, Estelle Metzer a conscience de la difficulté de leurs bénéficiaires. Si des prestations, comme l’aide pour les démarches administratives, sociales et juridiques peuvent continuer par téléphone, l’afflux de la demande d’aide alimentaire et la difficulté de la distribution, à cause de l’épidémie les obligent à revoir leur stratégie. "Nos épiceries sociales ou solidaires sont approvisionnées par la banque alimentaire, or la banque alimentaire a dû fermer suite au confinement. Les bénévoles sont tous, ou presque, âgés et fragiles, il y a aussi dans les associations, comme partout, des personnes touchées directement par le virus."

 

 « Nous dépendons des dons, mais nous faisons notre maximum » - Estelle Metzer, responsable du pôle alimentaire de Caritas, Haut-Rhin


Des chèques service, pour faire ses achats en magasin classique


« Pour compenser ces épiceries que nous ne pouvons plus tenir ouvertes, et comme nous n’avons plus de quoi livrer, nous allons mettre en place des chèques services. Nous lançons un appel d’urgence à tous ceux qui voudraient nous aider, pour pouvoir acheter et distribuer ces chèques service. Ils seront attribués selon la composition familiale. Ce sera 30 euros pour une personne et 5 euros de plus pour chaque personne supplémentaire du foyer. Ces chèques seront probablement distribués tous les quinze jours, mais en réalité ça va dépendre des dons que nous rassemblerons. »


Les petites associations n’ont pas les moyens de continuer seules, elles font appel aux dons

Mick Braunschweig, présidente de la conférence Saint Vincent de Paul de Guebwiller constate la même difficulté pour son association. « Le 7 mars dernier, nous avons fait notre dernière distribution. Ce jour-là, nous avions vingt-cinq bénéficiaires. Trois jours après, j’ai appris que trois étaient positifs. Nous avons dû fermer notre centre, alors que d’habitude on distribue des denrées alimentaires tous les quinze jours. Comme nous avons dû fermer, nous avons envoyé cette semaine un bon d’achat à nos bénéficiaires. Pour les célibataires, c’est 50 euros et pour les famille 100 euros. Ils peuvent donc aller faire leurs courses dans n’importe quel  magasin alimentaire. Si le confinement dure on verra si on peut renouveler d’initiative d’ici trois à quatre semaines."

Mais toutes les personnes qui seraient dans le besoin peuvent appeler les centres communaux d’action sociale de leur commune  Par ce biais, nous avons pu obtenir, cette semaine, dix repas, pour une partie de nos bénéficiaires. Grâce à deux restaurants de la ville qui font un beau geste de solidarité, en fournissant chaque jour des repas pour les démunis.


Dix repas, mais vingt-six personnes auraient besoin de cette aide alimentaire dans la commune

« C’est difficile pour nous de choisir, mais on les connait bien, parce qu’on les suit depuis un certain temps. On connait leurs besoins avec précision, on sait par exemple quels sont ceux qui sont très vieux et sans ressources ou qui sont en situation de handicap, et ceux qui ont des problèmes avec la CAF. Car ça, c’est terrible quand ça coupe, ça coupe ! »
« La semaine prochaine d’autres restaurants vont peut-être prendre la relève », aurait confié une conseillère municipale, à la présidente de la petite association haut-rhinoise.


Davantage de demandes d'aides partout

"De nouvelles demandes d'aides apparaissent" explique Camille VEGA, Secrétaire général de la Fédération bas-rhinoise du Secours populaire français, "de la part de travailleurs pauvres qui d'habitude se débrouillent avec de petits boulots et survivent grâce à cela. Mais ces petits boulots ont été suspendus et ils n'ont donc plus ces rentrées d'argent vitales. On a aussi de plus en plus de demande de la part des étudiants, qui n’ont plus de restaurant universitaires et plus de job en parallèle. Et puis, il y a ceux qui vont d’habitude voir d'autres associations, mais qui sont fermées ou qui se situent trop loin de leur domicile. Une dame m'a appelé, pour me dire que cela faisait deux fois qu'elle essayait de se rendre dans une association pour avoir une aide alimentaire. Elle a été contrôlée pour vérifier son autorisation de circuler et elle a dû faire demi-tour...parce qu'elle s'éloignait trop de son domicile. Nous avons fait un courrier à la Préfecture pour expliquer que les personnes en précarité vont là où elles peuvent, là où c'est ouvert".
 

Dans le Haut-Rhin, très violemment frappé par l'épidémie du Covid 19, la situation n'est pas plus simple. Les personnes en situation de précarité, voient elles aussi leurs difficultés augmenter. Les associations ont dû réorganiser leurs services, pour parer au plus urgent, tout en se pliant aux exigences sanitaires. Tout en aidant, elles doivent réduire au maximum les risques de propagation du virus, que ce soit pour l'aide alimentaire ou l'hébergement. 
 


Un même dispositif dans chaque département français

Une organisation identique a été mise en place par l'Etat pour chaque département. Il s'agit du service intégré d’accueil et d’orientation ( SIAO) chargé de centraliser et coordonner les actions d'aides. 

"Les services de l’Etat, et en particulier la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), en lien avec l’agence régionale de santé (ARS) suivent quotidiennement la mise en oeuvre de l’ensemble des mesures afin de les adapter si nécessaire." affirme un communiqué interministériel, consacré aux mesures prises pour les personnes en précarité dans le Bas-Rhin, diffusé ce samedi 28 Mars. 
 

Parmi les mesures généralisées : des maraudes et des accueils de jour maintenus

Pour assurer un suivi des personnes à la rue, l'Etat a mis en place des maraudes et le maintien de l'ouverture des accueils de jour. 

"Quand un policier m'interpelle pour me dire de rentrer chez moi, je me dis que je voudrais bien rentrer chez moi, mais je n'ai pas de chez moi" une phrase souvent répétée par des personnes sans domicile fixe, depuis la mise en confinement de la population, le lundi 16 Mars.

Samir Chibout, Directeur du Service d’Accueil et d’hébergement d’Urgence de l'Association Espoir, à Colmar dans le Haut-Rhin explique qu'il y a une quinzaine de jours, lui et son équipe se sont rendus compte que les personnes dans la rue étaient verbalisées, parce qu'elles n'étaient pas à la maison. "En même temps que deux autres associations, la Croix Rouge et l'Ordre de Malte, nous avons mis en place des maraudes à différentes heures, pour identifier ces personnes sans domicile et leur proposer des chambres individuelles dans des hôtels. C'était une urgence. En deux jours, notre association Espoir a trouvé un hébergement pour six personnes. Ce mardi 31 Mars, elles sont toujours hébergées, sauf situations particulières, où il y a eu des troubles liés à cause de mauvais comportements ou abus d'alcool. Mais c'est l'exception." 

"Globalement c'est un bon travail de partenariat avec le 115, que nous contactons une fois les besoins identifiés grâce à la maraude. Eux réservent ensuite une chambre individuelle dans un hôtel. Comme il n’y a personne dans les rues, on les voit facilement. On leur explique la situation, car ils ne sont pas forcément au courant de la gravité de l'épidémie. Ils n'ont pas forcément accès à l’information, parfois ce sont plus des rumeurs, alors on a pris le temps de leur expliquer pourquoi c'est dans leur intérêt d'aller dans une chambre d'hôtel individuelle." 

 


Les associations ont aussi réorganisé leurs propres hébergements, qu'ils soient de courte ou de longue durée. Les bénéficiaires y sont désormais moins nombreux, voire seuls lorsqu'il s'agit de studios. L'objectif est d'éviter la vie en collectivité, afin de vivre le confinement de la meilleure des façons. L'accueil de jour ne peut plus proposer les douches comme avant, d'où la nécessité de trouver des hébergements où les mesures sanitaires peuvent être mises en place. 

 

Malgré les hébergements proposés, une centaine de personnes restent dans la rue dans le Bas-Rhin

"Il reste environ une centaine de personnes à la rue, actuellement dans le Bas-Rhin" précise le secrétaire du Secours populaire bas-rhinois, en ce dernier jour du mois de Mars. "Malgré les mesures d'accueil prises, il manque de la place, mais c'est aussi parce que l'offre est inadaptée aux personnes qui vivent avec des animaux. Ils sont comme leurs enfants, pour eux il est impensable de s'en séparer". 

 

Des colis alimentaires et des repas individuels en barquette 

Plus question de prendre les repas à plusieurs autour d'une même table. Les repas, distribué par exemple par la Manne, un centre d'aide alimentaire et d'insertion par le travail, dans le Haut-Rhin - qui tient habituellement un restaurant social- fait désormais des livraisons de repas dans les hôtels. Les personnes qui ne veulent pas aller à l’hôtel, peuvent par le biais du centre social de la ville de Colmar, aller chercher un colis à La Manne.

Précaution et  adaptation aussi  à Strasbourg et dans le quartier du Neuhof. Camille Vega, secrétaire général du Secours populaire français : "On a revu notre fonctionnement pour les aides alimentaires. Habituellement, les bénéficiaires rentrent pour se servir, maintenant ce sont des bénévoles qui distribuent des colis. Ils les préparent à l'avance, en fonction du nombre de personnes qui vivent dans les familles. Chaque famille vient sur rendez-vous et prend son colis à l'entrée. 

Les bénévoles sont protégés par des masques, des gants et du gel et les distances de sécurité sont respectées. Les pouvoirs publics sont sensibles aux demandes des associations, la Préféte de la région sur Twitter a par exemple rappelé le dispositif quotidien de distribution de l'association l'étage à Strasbourg à destination des sans ressource : 

 

De nouvelles mesures à venir

Les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP)veut mettre en place des chèques alimentaires pour les personnes en grande précarité. Elles pourraient ainsi acheter elles même de l'alimentation et produit d’hygiène, mais pas d’alcool. Le décompte du nombre de personnes qui en auraient besoin est en cours dans tous les départements. Pour Colmar, par exemple, on sait déjà qu'une dizaine de personnes sans ressources seraient concernées par ce dispositif. Caritas fait aussi un appel à dons pour financer des chèques-service, distribué aux familles démunies et personnes isolées.  ​​​​


Inquiétude pour les prochains mois 

Dégât collatéral de ce confinement, pour l'association Espoir notamment : la moitié de ses revenus a disparue. Cette association, créée par le pasteur haut-rhinois Bernard Rodenstein, il y a une quarantaine d'année,  ne vit pas que de l'aide financière publique. Elle finance la moitié de son budget, grâce à une salle de vente (objets offerts par des particuliers), à des prestations de services réalisées par ses salariés en insertion : entretien d'espaces verts, atelier de menuiserie, réparation de vélos de matériel électroménager etc.

"En plus", explique la présidente d'Espoir, Renée Unbdenstock "comme les déchetteries sont fermées, nous n'avons plus accès aux "ressourceries" (des espaces où sont regroupées des affaires qui peuvent resservir). Nous ne pouvons plus procéder aux ramassages des maisons à vider, la réception de tous les dons est suspendue Tout est bloqué, c’est quand même angoissant. En temps normal on est déjà en déficit mais on arrive à compenser par les dons de nos membres. Cette année, on va sans doute être obligés d’en passer par des appels à dons plus tôt que les autres années."


"Un grand merci à tous ceux, qui partout, sont à nos côtés"

"Un grand merci, notamment à nos bénévoles et nos partenaires qui, malgré la difficulté, restent mobilisés "conclut Camille Vega, "merci aussi aux entreprises qui nous contactent pour nous soutenir, dans ce moment compliqué. Voir des élans de solidarité comme il en existe actuellement, ça fait chaud au coeur et nous permettra de passer plus facilement le cap". Il précise encore que ceux qui ont besoin d'aide ne doivent pas hésiter à appeler le secours populaire du Bas-Rhin au 03 88 36 28 91.
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