Une aide-soignante qui travaillait à l'EHPAD Korian La Filature de Mulhouse est décédée du COVID 19 dans la nuit du lundi 6 au mardi 7 avril. L'établissement, accusé de n'avoir pas fourni suffisamment de matériel à son personnel, a décidé de réagir en nous ouvrant ses portes.
Elisabeth-Rolande avait 43 ans et était mère de trois enfants. Cette aide-soignante est l'une des nombreuses victimes de l'épidémie de coronavirus. Mais c'est la première qui travaillait dans un EHPAD (Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes). Elle a été emportée des suites de la maladie dans la nuit du lundi 6 au mardi 7 avril.
Deux jours après sa disparition, certains de ses collègues ont témoigné dans la presse régionale en mettant en cause les conditions de sécurité dans lesquelles travaille le personnel, et en particulier cette aide-soignante : "Elle n'avait pas de surblouse et n'avait qu'un masque chirurgical pour se protéger" a expliqué à nos confrères des DNA une employée, présentée comme porte-parole de plusieurs aides-soignantes. Toujours selon cette personne, la direction de l'établissement ne répondrait pas favorablement aux demandes du personnel qui réclame davantage de matériel de protection car "toute la maison est infectée".
Pas de manque de matériel pour la direction
Les responsables de l'EHPAD ont reçu une de nos équipes cet après-midi. Selon Sophie Lempereur, directrice de l'Ehpad Korian la Filature, les règles de sécurité sont respectées. Le personnel du 1er étage, où sont regroupés les résidents atteints du COVID 19, et ceux du 2ème étage, où est installée l'unité protégée, sont équipés de masques de FFP2. La responsable de l'établissement mulhousien dément n'avoir pas accepté les demandes de matériel du personnel. "Dès le 5 mars, tous les soignants, mais aussi tout le personnel, a eu le matériel nécessaire. Tous nos salariés qui travaillent dans l'unité COVID ont été équipés de surblouses, de gants, de charlottes, de lunettes et de masque de FFP2." La directrice précise que l'aide-soignante décédée, bien que travaillant au 4ème étage (non-COVID), s'était vue attribuer un masque FFP2 à sa demande.Lors du tournage, notre équipe n'a pas pu s'entretenir directement avec les collègues de l'aide-soignante décédée. L'établissement compte 70 salariés, mais seule Stojankar Dulovic, agent de service dans l'établissement depuis dix ans s'est exprimée auprès de nos journalistes. "Moi je travaille tous les jours de 7 heures à 19 heures à l'étage où il y a le coronavirus. Et je suis contente parce que j'ai le masque, j'ai tout le matériel pour travailler".
Du matériel, mais la peur au ventre
Une agent d'intérim abonde dans son sens : "On a des gants, on a des charlottes, on a des masques. Si on a besoin d'un nouveau masque dans la journée, on peut en demander à la direction" témoigne Horya, une aide-soignante vacataire dans l'établissement depuis dix jours. Mais elle poursuit "on travaille avec la peur au ventre. A chaque fois qu'on rentre dans une chambre on se dit qu'on va peut-être l'attraper un jour".Manque de matériel ou pas, toute l'équipe de l'Ehpad semble durement affectée par cette tragédie. En soutien à leur établissement, et en mémoire de leur collègue disparue, des salariés nous ont envoyé une photo sur notre page Facebook.
Une psychologue clinicienne a été dépêchée en renfort de Paris pour recueillir la parole des salariés, en collectif et en individuel. En trois jours de présence sur place, Juliette Solti a reçu un grand nombre d'employés. Secret médical oblige, elle n'a pas révélé leur état psychologique, mais livré un sentiment : "A Mulhouse, toutes les équipes ont été pionnières dans la lutte contre le COVID 19. Restons humble face à la situation" conclue-t-elle.