Se baigner dans une fontaine en hiver, à Bâle c’est possible. Dans cette ville suisse aux nombreuses fontaines, tous les quinze jours, l'une d'entre elles est chauffée par un collectif d’artistes. Une façon originale de proposer un moment de détente après le travail et de créer du lien social. Et du monde se bouscule pour vivre une soirée hors du commun.
La nuit tombe sur Bâle. Le froid de l’hiver est mordant. Les rues se vident. Au détour d’une rue, pourtant, les gens affluent. Une fontaine aux eaux fumantes est ce soir-là le point de ralliement d’amateurs de bains nocturnes. Dans une eau chauffée à 39 degrés, les baigneurs se pressent, goûtant au plaisir d’une relaxation réparatrice.
"C'est très agréable après une journée de travail, on vient ici, on rentre dans la fontaine et on se laisse aller", nous dit ce monsieur, plongé avec délectation dans sa fontaine de jouvence.
Un spectacle surprenant. Pour quelqu’un ne connaissant rien aux mœurs apparemment étranges des Bâlois, cela tiendrait presque du miracle. Comment est-ce possible ? La réponse n’a rien d’évident : l’eau est chauffée grâce à un dispositif bricolé par un collectif d’artistes, le collectif Hôtel Regina.
Tous les hivers, depuis six ans, le même rituel se met en place. Dès l’après-midi, les artistes s’affairent autour d'une des fontaines à chauffer : "On chauffe avec un poêle. Là vous pouvez voir le bois brûler. L'eau circule grâce à une pompe que nous avons bricolée nous-même. Pour l'instant l'eau sort du poêle à 70°, et la fontaine est à environ 30°", explique Dominik Dober, membre du collectif.
Un dispositif bien rôdé
Simple, ingénieux et écolo. Pour actionner la pompe, prévoir un bon coup de pédale. Et de bons mollets. Car tant que le feu brûle "il faut pomper, toujours", fait remarquer l’opérateur aux commandes du dispositif. Un dispositif que ne renierait pas l’artiste suisse Jean Tinguely.
D’ailleurs, pour ceux qui s’aventureraient aux abords des opérations en cours, le tableau tient de la performance artistique. C’est beau et en plus tout le monde peut en profiter. Mais pour ça les baigneurs devront patienter encore un peu. Le temps que pédalage et touillage aient produit leur effet.
Retisser du lien social
Le tableau devient alors un lieu de rencontre. Avec ses personnages. "Quand j'en ai entendu parler ce qui m'a attirée c'est la baignade et l'expérience exceptionnelle. Qui peut se baigner en hiver dans une fontaine ? Et puis c'est aussi l'occasion de se retrouver entre amis", fait remarquer cette dame venue rejoindre dans l’eau ses compagnons de baignade.
Retisser du lien social grâce à la fontaine, pour Moritz Praxmarer, membre du collectif Hotel Regina, voilà tout le sens de la démarche : "Aujourd'hui on ne vient plus chercher l'eau à la fontaine. Alors qu'autrefois c'étaient des lieux de rencontre. Et nous, on a voulu raviver ce lien social en permettant aux gens de se retrouver tout en se baignant". Apparemment cela fonctionne puisque ces soirs-là une centaine de personnes sont au rendez-vous.
Ces rencontres ont lieu deux fois par mois jusqu'à fin mars, de 18 à 22 heures, dans une des nombreuses fontaines que compte la ville. Et quand les beaux jours arriveront, les Bâlois retourneront barboter dans les fontaines à température ambiante cette fois.