La gestion de la nouvelle prison de Mulhouse-Lutterbach critiquée par son personnel : problèmes techniques, heures supplémentaires pas payées...

Les syndicats dénoncent les méthodes d'organisation à la prison de Lutterbach (Haut-Rhin), ouverte à l'automne 2021 dans la banlieue mulhousienne. Ils ont envoyé une lettre au ministre de la Justice, le lundi 21 février.

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Le personnel pénitentiaire alsacien est en colère. Celle-ci se traduit par une lettre envoyée le lundi 21 février 2022 à Éric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice, pour l'avertir de la situation.

La tension émane du centre pénitentiaire de Lutterbach (Haut-Rhin). Il vient tout juste d'ouvrir : c'était durant l'automne 2021. 

Des dysfonctionnements y ont déjà été relevés. Et le personnel de cette prison de la banlieue mulhousienne affirme en faire les frais (visible sur la carte ci-dessous).


Problèmes techniques, gestion des ressources humaines critiquée... Le personnel se dit "mis à mal" dans sa lettre (texte intégral à retrouver dans le lecteur interactif ci-dessous).

Lettre de Lutterbach by France3 Alsace on Scribd


Jean-Claude Roussy, secrétaire général de l'Ufap-Unsa Justice au niveau régional, a éclairé France 3 Alsace sur le fonctionnement de cette prison. 


Que se passe-t-il au juste ?

"En octobre, on a fait un transfert de la vieille maison d'arrêt de Mulhouse (fermée depuis) vers le centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach : environ 300 détenus. On a reçu les clés, et on a opéré à des marches à blanc. C'est à dire une série d'expérimentations pour voir si tout fonctionne : systèmes de sécurité, accueil et hébergement, production de repas, soins, parloir, pratique des activités physiques ou socio-culturelles. A priori, tout était à peu dans les clous."


Sauf que ?

"Sauf qu'à l'usage, on se rend compte que beaucoup de choses ne fonctionnent pas. Cet établissement a coûté plusieurs dizaines de millions d'euros : les constructeurs Bouygues et Eiffage ont des obligations. Comment on a pu en prendre possession alors que tout ne fonctionne pas ? Ces problèmes bâtimentaires nous empêchent de travailler correctement. Des portes qui ferment mal, des lumières qui s'éteignent, des problèmes de chauffage. Vous imaginez, un détenu qui n'aurait pas assez chaud dans sa cellule, plusieurs jours d'affilée ? Il y aura un incident un matin, et c'est le surveillant qui prendra. Et en plus, on a des gros problèmes d'effectifs sur l'établissement. Fatalement, ce sont les personnels qui trinquent. En plus du manque d'effectifs, les heures supplémentaires ne sont pas régularisées. Les gens viennent bosser parfois gratuitement. On rogne sur les amplitudes horaires."

Il y aura un incident un matin, et c'est le surveillant qui prendra.

Jean-Claude Roussy, secrétaire général Ufap-Unsa Justice au niveau de la région


C'est à dire, concrètement ?

"Ça concerne le démarrage de la journée, et aussi le soir. On vient gratter des heures par-ci par-là pour éviter de payer trop d'heures supplémentaires aux agents... On les met donc en danger. Par exemple, lors du contrôle de la présence des effectifs le matin - un moment fort - quand parfois on a des découvertes de crises suicidaires ou de pendus, ou encore des agressions. Alors que l'agent est seul à cause de ce fonctionnement : se retrouver en infériorité numérique en ouvrant la cellule, ça peut très vite mal finir si les détenus sont énervés. C'est parfois aussi le cas à midi, comme il n'y a pas suffisamment de personnel, souvent, les agents distribuent le repas seuls face aux détenus. Le soir, pareil. Le problème se pose avant 08h00, entre midi et 14h00, et après 18h00. Il n'y a pas à ce moment-là de chef de proximité, de chef de bâtiment. S'il y a un incident, il n'y a personne pour prêter main forte au surveillant, seul à son étage face à 50 détenus. C'est problématique."


Qu'y-a-t-il d'autre ?

"Les agents n'ont même pas de salle pour réchauffer leur tupperware et manger le midi. Ils doivent manger un sandwich sur un coin de bureau. Tout ce que je raconte, c'est un peu surréaliste, ça tranche avec l'idée qu'on se fait du ministère de la Justice et du travail dans un établissement pénitentiaire. Pourtant, c'est une réalité. C'est ce qu'on porte au garde des Sceaux et on espère qu'il va mettre son nez là-dedans, parce que la direction locale, lorsqu'on l'interpelle, dit que tout va bien ou que ça va s'arranger. Tout ça, ça aurait dû être vu préalablement à l'ouverture. Qu'on prenne à bras-le-corps les problématiques qu'on a soulevées : sur le bâtiment, et aussi sur les organigrammes des effectifs. On pourrait par exemple ouvrir un plus grand nombre de places pour les surveillants qui sortent d'école."


Pourquoi ça ne peut plus continuer ainsi ?

"Ça fait bientôt quatre mois qu'on a ouvert, les difficultés rencontrées à ce moment-là sont les mêmes aujourd'hui... alors qu'on est seulement en train de monter en charge. C'est à dire qu'on a aujourd'hui 450 détenus. L'établissement est prévu pour accueillir un petit peu moins de 700 détenus à pleine capacité. Pourtant, on a déjà des agressions, des difficultés à gérer cette population pénale : on n'est qu'aux deux tiers de la capacité d'accueil. Qu'est-ce que ça va donner quand ce sera plein ?"

"Et forcément, il finira par l'être. L'établissement de Strasbourg, par exemple, d'une capacité d'accueil théorique de 450 places, a 600 détenus actuellement. Ce sont des conditions de travail et d'hébergement difficiles : il va bien falloir désengorger, ramener ces détenus vers un autre établissement avec un petit peu plus de place, pour améliorer les conditions de travail de nos collègues de là-bas. Cette problématique, ce n'est pas qu'à Strasbourg ou dans la région : ça concerne toutes les maisons d'arrêt en France."


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