L'ancien propriétaire du restaurant panoramique de la Tour de l'Europe, à Mulhouse (Haut-Rhin), vient d'être condamné pour escroquerie. Il est accusé d'avoir poussé la ville à préempter l'emblématique établissement, pour un montant de 400.000 euros, en inventant une fausse vente.
Les faits remontent à mars 2019. À cette date, la ville de Mulhouse décide d'exercer son droit de préemption pour se porter acquéreur du restaurant panoramique de la tour de l'Europe. Cette acquisition est censée s’inscrire "dans le cadre d’un projet global de requalification de la Tour de l’Europe, symbole de la ville", se justifie par la suite la municipalité dans un communiqué.
Celle-ci estime avoir été abusée par le propriétaire, Martin Schmitt, lequel aurait fait miroiter une fausse vente, entre lui et un acheteur, en l'occurrence l'ancien gérant du restaurant. L'opération, mettant en jeu également un notaire, visait à pousser la ville à utiliser son droit à la préemption.
L'escroquerie validée par la justice
C'est du moins la thèse soutenue par la mairie. Une instruction judiciaire est alors ouverte, relative aux conditions de mise en vente de ces locaux entre le vendeur et la société qui avait déclaré son intention d’acheter. Quatre ans plus tard, le lundi 9 octobre, le tribunal judiciaire de Mulhouse reconnait Martin Schmitt coupable d'escroquerie. Il est condamné à un an de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende. La ville sera indemnisée à hauteur de 15 000 euros pour son préjudice moral et 1 500 euros pour sa défense.
Cette décision de justice clôt un chapitre et permettra peut-être d'en ouvrir un autre sur la réhabilitation de la Tour de l'Europe. Ce bâtiment emblématique, construit entre 1969 et 1972, culminant à 100 mètres, obtient le label Patrimoine du 20e siècle en 2016. Le restaurant panoramique situé au sommet de la tour rouvre au même moment après plusieurs années de fermeture. Mais la belle époque est révolue. Celle où le mécanisme tournant, qui a contribué à la célébrité de la tour, fonctionnait encore. Derrière les baies du restaurant, les clients pouvaient alors voir défiler un panorama sur 360 degrés.
Un symbole de modernité écorné
La clientèle, que Martin Schmitt espérait attirer, n'est pas au rendez-vous. Le propriétaire dit accuser le coup à cause des charges qui ont explosé. C'est un échec, l'enseigne est liquidée deux ans après sa réouverture, en 2018. Quant à la tour, elle n'est pas au meilleur de sa forme non plus. Des problèmes techniques, notamment d'ascenseur, et financiers ont écorné le symbole de modernité qu'elle incarnait.
La ville qui prétend vouloir préserver le site et remettre en route le restaurant rachète donc les locaux. "Cela permettra de redonner de l'attractivité à la tour en organisant l'accueil d'un exploitant de qualité, bénéficiant ainsi au rayonnement de l'ensemble de l'édifice", déclare à l'époque la maire de Mulhouse, Michèle Lutz.
Pas de fausse vente
La bataille juridique qui a gelé tout projet pendant quatre ans pourrait bien être relancée. Car de son côté, l'avocat de Martin Schmitt, Me Cahn, réfute toute manœuvre de la part de son client et ne compte pas s'arrêter là. "Le tribunal ne nous a pas suivis donc, le cas échéant, on se réserve le droit de soumettre ces éléments à la cour d’appel".
Pour l'avocat, l'escroquerie, dans ce dossier, n'a pas été démontrée. "Nous considérons que la ville n’a pas été induite en erreur et qu’il n’y a pas eu de fausse promesse de vente. Celle-ci se serait réalisée avec l’acheteur si la ville n’avait pas préempté. Il y avait bien un accord d’achat entre les parties". Me Cahn et son client ont jusqu'au 19 octobre pour faire appel.
Contactée, la mairie de Mulhouse fait savoir que les travaux de réhabilitation du restaurant devraient pouvoir débuter prochainement, sans plus de précisions. Nous ne savons pas non plus, à ce stade, si un gérant a été trouvé.