Un groupe de passionnés et de bénévoles cherchent un avenir pour la maison alsacienne du 16e siècle démontée et sauvée in extremis de la démolition, en novembre dernier à Buschwiller, dans le Haut-Rhin. Les poutres sont stockées à l'abri en attendant de trouver un nouveau lieu pour la reconstruction de la maison.
Pour le profane, cela ne ressemble qu'à un vulgaire tas de bois. Pour les spécialistes et passionnés d'histoire, il s'agit d'un trésor du patrimoine alsacien. Un patrimoine qui ne demande qu'à renaitre, pour l'instant entreposé tant bien que mal à l'abri des intempéries sous un auvent du hangar communal de Buschwiller. L'ensemble des poutres d'une maison à colombage datée du 16e siècle, sauvée in extremis de la démolition, attend, là, d'être remonté. Et le temps presse.
"On a pu au moins le mettre ici en partie sous abri. Mais comme vous voyez, on est exposé plein ouest, sur toute la partie devant. Les anciens chevrons, faits de résineux, sont imbibés d'eau", fait remarquer Christian Fuchs, membre du collectif de la maison de Buschwiller, à l'équipe de France 3 Alsace présente sur place.
L'histoire commence il y a trois mois avec deux passionnés d'architecture, membres de l'association pour la sauvegarde de la maison alsacienne, Hugo Di Giano et Jérémie Viron. Le 2 novembre dernier ils visitent la maison vouée à la destruction. Un promoteur veut y construire à la place un lotissement (voir notre article du 13 novembre 2022). L'évidence leur saute aux yeux : "On rentre dans la maison, et on se regarde. Il s'agit de colombages du 16e siècle, ça se voit tout de suite ! La largeur des poteaux et surtout l'assemblage en mi-bois contrefiche : c'est une technique de construction qui a disparu à partir du 17e siècle."
Une course contre la montre s'engage alors. Ils alertent Marc Grodwohl, spécialiste des maisons à colombage en Alsace et le fondateur de l'Ecomusée d'Ungersheim. Celui-ci se rend sur place dès le lendemain et confirme l'ancienneté du bâtiment. La dendrochronologie effectuée par un laboratoire suisse datera précisément la maison de 1554.
Un appel aux dons, via une cagnotte en ligne et un versement direct au Cercle d’histoire Le Buchholz de Buschwiller, permet de récolter 32.435 euros en deux semaines. "Cela a montré l'intérêt du public pour ce genre d'opération", note Christian Fuchs. Cela permet surtout de financer et de boucler à temps le démontage avant la date butoir fixée par le promoteur au 28 novembre.
Si les modalités de la reconstruction se posent maintenant, en ce début du mois de février, la légitimité de l'opération ne fait aucun doute pour Christian Fuchs et les trois autres partenaires du projet, Marc Grodwohl, Hugo Di Giano et Jérémie Viron. "Il y a une obligation morale à aller jusqu'au bout. En raison de l'appel aux dons et parce que c'est un bâtiment du XVIe siècle, une structure assez unique".
Malgré l'urgence, due à la précarité du stockage, le projet définitif n'est pas encore arrêté. Plusieurs solutions sont encore à l'étude, notamment sur le lieu du remontage et la forme précise que prendra la nouvelle construction. Une chose est sûre, cependant, pour le groupe des quatre : "Le public pourra visiter et comprendre la structure, laquelle sera présentée dans des conditions historiques correctes, forcément en Alsace. L'idéal serait d'en faire une sorte de préau, de halles de marché, un lieu assez ouvert et non pas une vraie maison fermée".
En ce sens, à Lutter, village du Sundgau situé à quelque kilomètres de Buschwiller, l'opération de sauvetage d'une charpente peut servir de modèle, explique Marc Grodwohl : "Le but, de cette charpente remontée ici, à Lutter, est de donner aux villageois la possibilité d'avoir un équipement collectif. Pour les visiteurs c'est de voir un endroit dans lequel on peut rentrer et prendre le temps d'admirer les savoir-faire des constructeurs du 16e siècle".
Pour le fondateur de l'Ecomusée d'Alsace, l'opération de remontage de la maison de Buschwiller ne devrait pas poser de difficultés. L'exemple de Lutter le démontre. Sans compter les quelque 70 maisons remontées de l'Ecomusée du temps où Marc Grodwohl y était actif. "Ça prend le temps qu'il faut mais c'est faisable". D'autant que sur les fonds récoltés grâce à l'appel aux dons, il reste un peu plus de 14.000 euros, "ce qui est largement suffisant pour payer le transport vers le nouvel emplacement de la maison et les premiers travaux lorsque celui-ci sera connu". Sur ce dernier point, des pistes sont à l'étude mais tant qu'elles n'auront pas débouché avec certitude, Marc Grodwohl préfère rester discret...