Quatrième marche blanche pour Dimitri, autiste décédé en 2020 de façon inexpliquée : "Pour moi, il a été tué"

Le 11 août 2020, Dimitri Perrier, un jeune homme autiste de 28 ans, était retrouvé mort dans sa chambre du centre hospitalier de Rouffach. Quatre ans et autant de marches blanches plus tard, sa famille cherche encore des réponses, incapable de faire son deuil. Que s'est-il passé ce jour-là ? Dimitri a-t-il souffert ?

Stéphanie Neunreuther a une voix douce, éteinte, écho des limbes dans lesquelles elle se trouve plongée depuis quatre ans. Quatre ans sous anti-dépresseurs, à chercher des réponses, à chercher à faire le deuil de son fils. Dimitri Perrier, 28 ans, un enfant. "Il était autiste, il avait l'âge mental d'un gosse de six, sept ans. Nous avions une relation très proche, fusionnelle presque, du fait de sa dépendance".

Un enfant de 28 ans

Dimitri vivait dans un foyer spécialisé en semaine, et revenait chez lui le week-end. Jusqu'en mai 2020. Le Covid, le confinement, l'absence de liens et le changement des habitudes ont fortement perturbé le jeune homme. Angoisses, agitation, crises. "Il avait des accès de violences, c’était la première fois. Il n’allait pas bien." Dimitri sera interné au centre hospitalier de Rouffach.

Il y restera trois mois durant lesquels, il semble hagard, "transformé, dégradé" dit Stéphanie. Il sera placé quinze jours en isolement en août sur décision du médecin qui le suit, en rupture totale avec sa famille. "Placer à l'isolement une personne atteinte d'un tel degré d'autisme, bien évidemment que cela soulève beaucoup de questions, d'autant que Dimitri n'était pas violent" précise Florian Coulon, l'oncle du jeune homme. 

Un décès inexpliqué 

Le 11 août 2020, les parents de Dimitri sont informés qu’ils peuvent enfin revoir leur fils. "Son papa a téléphoné dans le service le matin même. On nous avait dit que tout se passait bien. Malheureusement, le même jour, je devais récupérer les affaires de mon papa décédé la veille. C’était impossible de l’annoncer à Dimitri comme ça. Je me suis dit qu’on était plus à un jour près et que j’irais le lendemain. Sauf que le lendemain, c’était trop tard". Stéphanie ne verra plus jamais son fils.

À 21h, Stéphanie est prévenue de son décès par téléphone, sans aucune explication sur les causes de sa mort. "C’était un choc. Dimitri était joyeux, il chantait, il dansait, il souriait tout le temps. Il était en bonne santé".

"Quand je repense à ce jour-là, la douleur revient, immense. Le médecin de famille a dû venir en urgence, je m'étais écroulée." Comment faire son deuil quand on n'a pas pu dire au revoir ? "Quand on m'a annoncé son décès, je ne l'avais pas vu depuis deux semaines, le lendemain son corps est parti à l'institut médico-légal de Strasbourg pour deux semaines supplémentaires. Je n'ai même pas vu sa dépouille. On l'a enterré le 29." 

Quatre ans sans réponse

Dès lors, pour Stéphanie, pour Florian, il s'agira d'exhumer la vérité. De parler de Dimitri pour le faire vivre, encore un peu. "Quand vous ne savez pas pourquoi la personne est décédée, vous imaginez tout et surtout le pire. A-t-elle souffert ? A-t-elle eu peur ? Il est, dans ces conditions, impossible de faire son deuil", poursuit Florian. " À tel point que c'est devenu une obsession pour notre famille, chercher à comprendre ce qu'il s'est passé, obtenir des réponses."

Comment dans un pays comme le nôtre faut-il encore se battre simplement pour comprendre ? Pour mettre du sens sur une tragédie ? "La grande question, c'est pourquoi c'est si long ? Au bout de quatre ans, on n'a toujours pas d'explications concrètes. Ça aussi, c'est inexplicable." La famille de Dimitri a porté plainte contre le centre hospitalier, une enquête a été ouverte, mais, depuis, les expertises, les contre-expertises se succèdent, trois au total, sans pour autant aboutir.

"Le dossier n'avance pas, c'est une bataille par courriers interposés. Il se passe un an entre chaque courrier, et les réponses arrivent systématiquement juste avant les marches que nous organisons. Alors, nous continuons à marcher, à médiatiser, à faire du bruit pour avoir un peu d'informations" explique Florian.

Les proches de Dimitri redoutent une intoxication médicamenteuse. Autrement dit, l'erreur médicale. "Nous n'avons pas le droit de parler du contenu du dossier, mais on a plusieurs pistes, dont celle-ci. Si c'est bien de cela qu'il s'agit, d'une erreur médicale, la personne qui l'a commise doit encore exercer tranquillement. Ma conviction intime, c'est qu'il a été tué et nous, on a pris perpète" souffle Stéphanie.

Le doute tue, lui aussi, toute une famille. "Tant qu'on ne saura pas, jamais, nous ne baisserons les bras." Ni les jambes.

Quatre marches blanches et une pétition

Nous en sommes là. Ce dimanche 11 août, est organisée la 4ᵉ marche blanche pour Dimitri. "Chaque fois, la sensation est la même : nervosité, tristesse, impression de déjà-vu. Chaque marche me fait revivre le drame, mais c'est un hommage que nous devons à Dimitri, je supporte encore moins le silence, l'attente. Je refuse de ne rien faire, je refuse qu'on puisse l'oublier. J'ai besoin qu'on parle de lui, de voir sa photo dans les médias, pour moi, c'est le faire vivre encore un peu, qu'il ne soit pas mort pour rien mon enfant."

Car le but de cette marche blanche est, aussi, de sensibiliser l'opinion publique et les responsables politiques, sur le sort des adultes autistes. La façon dans la société les considère, les traite et les maltraite parfois.  "Il y a sûrement d'autres Dimitri dans d'autres hôpitaux, qui souffrent et qu'on ignore. L'autisme n'est pas une maladie, on n'est pas censé en mourir. Nous sommes régulièrement contactés par d'autres familles partout en France, il y a là un vrai sujet. Que fait-on de ces personnes une fois adultes ? "

Les marches blanches ne suffisent plus pour aller de l'avant. Le mois dernier, la famille de Dimitri a lancé une pétition en ligne pour "aider la famille Perrier à trouver la paix, mais aussi prévenir de futures tragédies similaires et améliorer la prise en charge des personnes autistes dans les établissements de santé." Elle a recueilli près de 14.000 signatures en deux semaines.  Sans briser le secret de l'enquête, la famille de Dimitri veut désormais courir, se battre, crier s'il le faut. "Il faut maintenir la pression, faire vivre la pétition, écrire aux futurs ministres de la solidarité et de la santé, se tourner vers les associations" conclut Florian.

Stéphanie, elle, n'a qu'un souhait. "Que cette marche soit la dernière. Moi, quoi qu'il advienne, je viendrai toujours à Rouffach le 11 août pour lui rendre hommage, seule, dans l'intimité." En paix.

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