RSA contre bénévolat : la justice annule la délibération du Haut-Rhin

La mesure controversée que le conseil départemental du Haut-Rhin voulait appliquer à partir de janvier a été annulée ce mercredi par le tribunal administratif de Strasbourg. 

Le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par la préfecture, a annulé la délibération prise en février par le conseil départemental du Haut-Rhin, qui conditionnait le versement du RSA à la réalisation de sept heures de bénévolat hebdomadaire. Une mesure présentée comme un moyen de faciliter l'insertion des bénéficiaires et leur retour vers l'emploi.

©France 3 Alsace

"Le tribunal a annulé la délibération attaquée en considérant que le département ne pouvait envisager de conditionner, de manière générale, le versement du RSA à l'accomplissement de telles actions de bénévolat", explique-t-il dans un communiqué. Le tribunal administratif relève que "si le RSA est attribué par le président du conseil départemental et que le département en assure le financement, les conditions pour bénéficier du revenu de solidarité active sont toutefois exclusivement définies par le Code de l'action sociale et des familles".

La mesure controversée, présentée par les élus du Haut-Rhin comme une première en France, devait entrer en vigueur au 1er janvier 2017. Elle avait provoqué l'indignation des associations venant en aide aux personnes précaires mais avait été défendue par des personnalités de droite comme les présidents de Paca et de Rhône-Alpes-Auvergne, Christian Estrosi et Laurent Wauquiez.

Eric Straumann : «nous persistons et signons»


"Nous prenons acte du jugement du tribunal administratif, mais nous persistons et signons dans notre volonté d'inscrire le bénévolat dans les parcours d'insertion des allocataires du RSA", a réagi le président (LR) du conseil départemental du Haut-Rhin, Eric Straumann, dans un communiqué.

A la place de l'obligation d'effectuer des heures de bénévolat prévue par la délibération, il envisage d'inscrire ces actions dans "des contrats d'engagements réciproques". "Si le bénéficiaire accepte de le signer, on pourra prévoir un engagement bénévole", a précisé M. Straumann à l'AFP, soulignant par ailleurs dans son communiqué que "près de 300 personnes, allocataires, associations et partenaires du secteur de l'insertion sont associées depuis le printemps aux différents ateliers participatifs mis en oeuvre par le comité de pilotage".

Une position qu'il nous a confirmée ce soir en direct dans le 19/20.

Invité en direct dans notre 19/20, Eric Straumann réagit à la décision du tribunal administratif ©France 3 Alsace


Au-delà de la volonté affichée de "mettre le pied à l'étrier" aux bénéficiaires du RSA, Eric Straumann, dénonce depuis des mois les règles actuelles, qui imposent aux départements de prendre en charge une grande partie du RSA sans leur donner aucun pouvoir sur ses conditions d'attribution.

Le tribunal a expliqué mercredi qu'un "contrat librement débattu énumérant des engagements réciproques en matière d'insertion sociale ou professionnelle" pouvait être établi avec le bénéficiaire du RSA. Dans ce cadre, "des actions de bénévolat auprès d'associations sont susceptibles d'être proposées au titre de l'insertion sociale du bénéficiaire", selon le communiqué.

Mais le tribunal précise qu'il n'est pas possible de "suspendre le versement en raison du non-accomplissement d'heures de bénévolat, sauf à constater qu'il figure parmi les engagements souscrits dans le cadre du contrat". "Je me réjouis que le tribunal ait déclaré illégales des mesures qui visent à stigmatiser les plus pauvres, à montrer du doigt ceux qui sont au RSA", a commenté la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine à la sortie du Conseil des ministres.

"Les associations sont satisfaites de voir confirmer l'illégalité de telles pratiques stigmatisantes", a pour sa part réagi la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), estimant que "conditionner l'allocation,c'est d'abord espérer réduire le nombre de bénéficiaires grâce aux sanctions".

Cette décision intervient alors que le financement des allocations de solidarité, en particulier du RSA, et les conséquences de la réforme territoriale de 2015 doivent être au centre du congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF), jeudi et vendredi à Poitiers. Les départements dénoncent le poids financier du RSA dont, selon l'ADF, la charge pour ces collectivités est passée en six ans de 600 millions à 3,6 milliards d'euros en 2015.

Plus de 2,5 millions de foyers sans ressources bénéficient du RSA. Il est ouvert, sous certaines conditions, aux personnes d'au moins 25 ans et à celles de 18 24 ans si elles sont parents isolés ou justifient d'une certaine durée d'activité professionnelle.

Le jugement relatif au dossier

Le communiqué du tribunal administratif


Le préfet du Haut‐Rhin a déféré cette délibération en soutenant, à titre principal, que le département du Haut‐Rhin n’était pas compétent pour imposer une obligation de bénévolat aux bénéficiaires du RSA.

Le Tribunal relève que si le RSA est attribué par le président du conseil départemental et que le département en assure le financement, les conditions pour bénéficier du revenu de solidarité active sont toutefois exclusivement définies par le code de l’action sociale et des familles.

Il en résulte que les obligations des bénéficiaires du RSA sont fixées soit, lorsque l’intéressé est disponible pour occuper un emploi, dans un contrat librement débattu énumérant des engagements réciproques en matière d'insertion professionnelle, soit, lorsqu’il rencontre des difficultés faisant temporairement obstacle à son engagement dans une démarche de recherche d'emploi, dans un contrat librement débattu énumérant des engagements réciproques en matière d'insertion sociale ou professionnelle. Dans ce dernier cas, si des actions de bénévolat auprès d’associations sont susceptibles d’être proposées au titre de l’insertion sociale du bénéficiaire, elles ne peuvent toutefois résulter que du contrat précédemment mentionné, en fonction de la situation particulière de l’intéressé.

En outre, les possibilités de suspension du versement du RSA, limitativement définies par le code de l’action sociale et des familles, excluent la possibilité de suspendre le versement en raison du non‐accomplissement d’heures de bénévolat, sauf à constater qu’il figure parmi les engagements souscrits dans le cadre du contrat.

Par suite, le Tribunal a annulé la délibération attaquée en considérant que le département ne pouvait envisager de conditionner, de manière générale, le versement du RSA à l’accomplissement de telles actions de bénévolat.


Nicolas Dupont-Aignan va déposer une proposition de loi


(...) Ce serait pourtant une mesure de bon et de vraie justice sociale pour toutes celles et ceux qui travaillent et cotisent pour aider nos concitoyens se trouvant dans une situation difficile. Cela permettra également un début de réinsertion dans la société par le travail pour ces derniers. Je vais déposer dans les prochaines semaines une proposition de loi pour imposer ce conditionnement au niveau national. Dans mon projet présidentiel, je proposerai de faire effectuer par toute personne au RSA en état de travailler une journée de mission d’intérêt général par semaine pour la collectivité (région, municipalité,…).

Patricia Schillinger, sénatrice PS du Haut-Rhin, satisfaite de la décision du tribunal


Contrairement aux politiques positives d'accompagnement économique et social des bénéficiaires du RSA menées par d'autres départements (et notamment la Drôme), Eric Straumann et sa majorité se sont livrés à une surenchère populiste contre les plus fragiles de nos concitoyens. Difficile de ne pas y voir une volonté délibérée du Président du Département de se donner une stature nationale, quitte à remettre en cause le pacte républicain, au moment où la campagne des primaires de la droite bat son plein.

Cette polémique étant maintenant close, j'invite les conseillers départementaux à réfléchir à une politique plus incitative et plus inclusive pour les bénéficiaires du RSA dans le respect de leur personne et de leur situation, comme le fait le groupe de travail parlementaire sur le revenu de base dont je fais partie.


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