Confrontés à la sécheresse qui ravage les forêts, les agents haut-marnais de l'ONF manifesteront le 15 septembre devant la préfecture de Chaumont. Soutenus par plusieurs élus locaux, ils déplorent « l’inaction de l’État » face à la crise et protestent contre la baisse de leurs effectifs.
« Nous souhaitons tirer la sonnette d’alarme. Cela ne peut plus durer ! » Technicien de l’Office national des forêts (ONF) en Haute-Marne, Sébastien Failliet assure que « beaucoup de personnes seront présentes et déterminées ». Le 15 septembre prochain, une manifestation est prévue à Chaumont, devant la préfecture de Haute-Marne, pour alerter l’État au sujet de la sécheresse qui frappe les forêts du département, « ainsi que celles de tout le nord-est du pays ». Si des dizaines d’agents du Grand Est sont attendues, plusieurs élus locaux feront le déplacement.
Un "dépérissement" dû au réchauffement climatique
En 26 ans de carrière, Sébastien Failliet affirme n’avoir « jamais vu cela » : « Des collègues sur le point de partir à la retraite me disent que l’ampleur du phénomène est inédite. » Depuis environ trois ans, les agents de l’ONF constatent un « dépérissement » des forêts et une sécheresse qu’ils attribuent au réchauffement climatique. « Les essences introduites sur notre territoire, comme les épicéas, les sapins ou les pins souffrent énormément, décrit Sébastien Failliet. Qu’elles soient en voie d’extinction est inquiétant, mais pas surprenant. Le plus effrayant, c’est que les bois endémiques, qui sont de chez nous, se mettent à mourir ! Les hêtres, les charmes et même les chênes montrent des signes de faiblesse ! »En cause : « les coups de chaud » se répétant d’année en année. Les printemps et les étés s’avèrent de plus en plus secs. Or, cette sécheresse apparaît dans des périodes « cruciales » pour la croissance des arbres : le hêtre, par exemple, grandit essentiellement entre mai et juin. « Ce qu’il faut savoir, c’est que les données scientifiques corroborent nos observations de terrain, appuie Sébastien Failliet. Nos sentiments et notre perception sont confirmés par les chiffres et les études, qui montrent un déficit hydrique. Et malgré ça, l’État reste dans l'inaction. »
Un problème économique pour les communes forestières
Au-delà des enjeux environnementaux, la sécheresse pose un problème économique aux communes forestières. La vente de bois constitue un revenu substantiel pour les municipalités, qui déplorent une baisse des prix. « Comparé à un bois en bonne santé, un bois mort se vend à un prix dérisoire et négligeable », explique Frédéric Fabre, conseiller régional (Rassemblement national) du Grand Est et maire de Doulaincourt-Saucourt. L’élu, qui participera à la manifestation organisée le 15 septembre, insiste également sur un autre fléau : le scolyte. Cet insecte de la famille des coléoptères creuse des galeries sous l'écorce et charrie avec lui un champignon provoquant un dépérissement de l'arbre. « Cela cause des ravages terribles, soupire-t-il. Il faut que les forêts deviennent une priorité nationale, il y a urgence. »Ce serait une invasion de scolytes, photo prise par drone entre monthermé et charleville Mézières, que faire ? pic.twitter.com/REzy28xRBE
— Thierry michel photographie (@thierrymic) May 30, 2020
Les différents participants à la manifestation sont unanimes quant à leur principale revendication : stopper la diminution des effectifs au sein de l’ONF. En 1985, le service public comptait 15.000 agents ; aujourd’hui, il en emploie moins de 8.000. « En tant que membre de la commission Agriculture et Forêt au Conseil régional, j’ai dénoncé à plusieurs reprises cette gestion budgétaire, qui n’est pas à la hauteur des enjeux, relate Frédéric Fabre. Grâce à leur vision de spécialistes, les agents représentent un appui indispensable pour les élus ruraux qui n’ont pas leurs compétences techniques. Nous avons besoin d’eux, encore plus avec nos soucis actuels ! Dans ma commune, je suis en liaison presque quotidienne avec l’ONF. »
Autre réclamation portée par les agents de l'ONF : la définition d'une nouvelle politique de replantation. « Le gouvernement impose des règles qui ne sont plus adaptées à la réalité de la crise, regrette Sébastien Failliet. Par exemple, une fois qu'une parcelle est abattue, on va nous imposer une monoculture sur plusieurs hectares, nous obliger à ne planter qu'une seule essence d'arbres, alors que tout le monde sait aujourd'hui qu'il vaut mieux mélanger et diversifier les espèces d'arbres. C'est absurde. »
Frédéric Fabre renchérit : « Aucune réflexion sur une meilleure gestion de nos forêts n'est engagée. Notre nature demande une vision globale, à très long terme, sur cent ans. Le seul raisonnement, à l'heure actuelle, il est purement financier. » En dépit de ce constat amer, Sébastien Failliet veut s'afficher déterminé : « Notre motivation est toujours là. Notre métier, c'est un service public. On se battra pour qu'il le reste. »