Claude Hury, présidente de l'association Ultime Liberté, a été placée en garde à vue à Chaumont comme d'autres membres de son association ailleurs en France. Depuis 2019, la justice enquête sur la détention et un éventuel trafic de produits barbituriques utilisés pour des suicides assistés.
Ils ont été réveillés mardi 12 janvier à 6 h 45 par les gendarmes à leur domicile de Chaumont. Claude Hury et son compagnon Armand Stroh, respectivement présidente et secrétaire de l'association Ultime Liberté, ont alors appris qu'ils étaient placés en garde à vue. Le début de deux jours d'interrogatoires.
"Nous nous sommes retrouvés à la Section de recherche de Chaumont, explique Claude Hury. Nous avons été interrogés pendant quinze heures la première journée et huit heures le deuxième jour. On a été très bien traités même si les matelas des cellules ne sont pas très épais. Cela fera des souvenirs à raconter à mes arrières petites-filles à la veillée au coin du feu", rajoute-t-elle dans un sourire.
Des enquêteurs de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique ont mené les interrogatoires. Au total, onze membres de l'association ont été interpellés dans toute la France.
Depuis 2019, les enquêteurs se penchent sur l'achat par des membres de l'association Ultime Liberté de Pentobarbital, un produit barbiturique interdit en vente libre en France. Ce produit est utilisé dans certains pays tels que la Suisse dans le cadre de suicide assisté. Des soupçons de détention illicite et de trafic de cette substance, d'exercice illégale dela profession de pharmacien et de propagande en faveur de produits permettant de se donner la mort ont justifé l'ouverture d'une information judiciaire.
"En 2019, les gendarmes ont mené des perquisitions chez des dizaines de nos membres pour trouver du Pentobarbital, se souvient Claude Hury. Pour nous, en tant que présidente et secrétaire de l'association, ils voulaient savoir si nous avions des flacons qu'on aurait mis à disposition de nos adhérents. Mais bien sûr nous n'en avions pas. Ils ont perquisitionné à notre domicile et même dans notre maison de campagne, à 40 kilomètres d'ici, mais ils n'ont rien trouvé. Les membres de l'association qui possédaient ce produit n'en avaient que pour leur usage personnel. Il n'y a aucun trafic."
D'après Claude Hury, l'objectif de l'association est d'accompagner ceux qui s'interrogent sur leur fin de vie. Qu'elle soit imminente ou non.
On n'est pas suicidaires du tout. On aime la vie. On aime boire, danser, manger, voir nos amis... Et ça, tant que c'est possible, on veut le vivre pleinement. Mais à un moment ça va se dégrader. Et à un moment, cette dégradation va devenir trop lourde et on ne l'accepte plus. En ayant ce produit, il y a une sérénité qui s'installe. L'angoisse de la fin disparaît.
En 2014, nous avions déjà rencontré Claude Hury pour parler de la problématique du suicide assisté :
Six ans après ce reportage, le suicide assisté reste toujours interdit en France et les perspectives laissées à ceux qui veulent choisir le moment de leur mort sont loin d'être satisafaisantes pour Claude Hury. "Aujourd'hui, on peut se suicider. On peut se jeter du viaduc, se mettre devant le train, il y a la corde, l'arme à feu... que des moyens violents et nous on ne veut pas de moyen violent. On n'a pas à mourir de manière violente en laissant à nos proches une image dramatique avec en plus la culpabilité de ceux qui restent."
L'autre solution est de se rendre à l'étranger mais là encore, la sécurité juridique de ceux qui accompagnent les candidats au suicide assisté n'est pas garantie. C'est ce qu'a récemment montré l'affaire Mercier, où la qualification de non-assistance à personne en danger avait été un temps retenue.
Une opportunité d'ouvrir le débat
Face à ces interdits, cette insécurité juridique et ces enquêtes, les membres d'Ultime Liberté voient peut-être une opportunité, celle de lancer le débat sur le suicide assisté. "Cette garde à vue a parfois permis d'approfondir un peu certaines questions posées par l'enquêteur, explique Armand Stroh. Notre association n'a pas vocation à faire de la publicité ou du prosélytisme pour le suicide assisté, mais si il y a une occasion qui nous est offerte par cette enquête de défendre nos opinions."
L'effet inattendu des ces opérations judiciaires menées cette semaine et à la fin de l'année 2019 est de donner de la visibilité à l'association. "En janvier de l'année dernière, nous avons reçu 200 demandes d'adhésion alors que nous en recevons habituellement 500 par an. La plupart de ces demandes venaient de gens qui avaient entendu parler de nous via des articles de presse sur cette enquête judiciaire. C'est la preuve aussi qu'on répond vraiment à un besoin."
Après cette série de gardes à vue, les membres d'Ultime Liberté attendent de connaître les conclusions du juge d'intruction. "Si nous sommes mis en examen, s'il y a un procès, on espère qu'enfin le débat sur l'autonomie de la personne sera ouvert". Un débat que Claude Hury et les adhérents de son association attendent depuis de longues années.