Une centaine de perquisitions a eu lieu en France le 15 octobre dans le cadre de l’enquête sur le trafic de pentobarbital, un puissant anesthésiant. Cinq en Meurthe-et-Moselle, dont une chez Bernard, membre de l’association Ultime Liberté, favorable à l'euthanasie.
« J’en ai acheté par sureté, pour mourir proprement le jour où je l’aurais décidé ! », s’insurge Bernard, fervent défenseur du droit à l’euthanasie. Professeur de mathématiques retraité et sans histoire, il ne s’attendait pas être réveillé à six heures du matin par trois gendarmes. Son domicile, situé dans un quartier pavillonnaire de Vandœuvre-Lès-Nancy, a été perquisitionné mardi 15 octobre dans le cadre de l’enquête sur le trafic de barbiturique.
Son tort ? Avoir commandé sur internet en avril 2019 du pentobarbital, commercialisé sous le nom de Nembutal, un fort somnifère et anesthésiant. Utilisé pour l’aide au suicide dans certains pays, il est interdit en France depuis 1996 pour la médecine humaine sauf pour l’euthanasie vétérinaire. Le pentobarbital est fabriqué au Danemark par le laboratoire Lundbeck qui détient une licence exclusive de production aux Etats-Unis.
"Expédié comme cosmétique"
C’est suite à une alerte de la police américaine à l’OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique) qu’une enquête a été ouverte par le parquet de Paris le 26 Juillet 2019 puis confiée à la DGGN (Direction générale de la gendarmerie nationale) pour « importation en contrebande de marchandises dangereuses pour la santé publique», « exercice illégal de la profession de pharmacien» et « publicité en faveur de produits ou méthodes permettant de se donner la mort ». Le Nembutal était « expédié, sous couvert d’une déclaration en Douane, comme cosmétique » à ses acheteurs.« En France, on ne meurt pas dignement »
En France, seule la loi Leonetti du 22 Avril 2005 encadre la fin de vie. Si elle empêche l’acharnement thérapeutique, elle a également pour but d’éviter l’euthanasie. Pour Bernard et son ami Jean-Claude, également membre de l’association Ultime Liberté, cette législation est inadaptée :
Elle n’est pas du tout relative au suicide assisté. En France, on ne meurt pas dignement !
- Bernard et Jean-Claude, membres d'Ultime Liberté.
Ce qu’ils dénoncent ? L’inégalité d’accès aux soins palliatifs en fonction du lieu géographique ou de l’âge ainsi qu’un accès à domicile insuffisamment développé. « Aujourd’hui, quelles sont les solutions ? Les gens se jettent par la fenêtre ou sous les rails d’un train pour éviter de souffrir ! J’ai vu mourir ma femme, ma mère, mon beau-père », s’émeut Bernard, la voix tremblante.
Maitriser son destin
Le leitmotiv de l’association Ultime Liberté ? Que chacun ait le droit de disposer de son corps et de maitriser son destin en s’administrant une dose létale de Nembutal : « J’ai rempli ma mission, j’ai élevé 4 enfants, mon boulot est fait. À 80 ans, je devrais avoir le droit de partir sans souffrir si je suis trop malade », commente Bernard. Si le but de l’association est de regrouper les individus qui partagent cette philosophie de vie, elle n’intervient toutefois pas dans le financement ou la commande du Nembutal : « Nous nous prémunissons simplement contre les carences de la loi française en conseillant un produits précis pour que l’individu n’achète pas un médicament frelaté qui entrainerait un handicap », conclut Jean-Claude.Selon un sondage IPSOS de mars 2019 sur l’euthanasie, 36% des français aimerait « disposer d’un droit à l’euthanasie quelles que soit leurs conditions de santé » et 60% estiment que « le droit à l’euthanasie devrait être encadré et possible uniquement en cas de souffrances graves et incurables ».