Le "nouveau" stade Charles de Gaulle de Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne) va prendre ce nom le 11 novembre. Un match inaugural doit permettre de collecter des fonds, reversés à la fondation Anne de Gaulle. Son but est d'accompagner les personnes déficientes intellectuelles.
Le mercredi 11 novembre 2020, deux jours après la visite d'Emmanuel Macron pour le 50e anniversaire de la mort du Général de Gaulle, une inauguration bien particulière doit avoir lieu à Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne). Celle d'un stade de foot... baptisé Charles de Gaulles, bien évidemment. C'est le plus illustre habitant de ce petit village de 350 âmes, où la rue principale porte son nom. L'école est nommée quant à elle d'après sa femme, Yvonne de Gaulle, née Vendroux (un nom à retenir car il a de l'importance).
En 2020, nous sommes en année De Gaulle, expliquait l'historien Thibaut Poirot. En effet, le Général est né il y a 130 ans, a lancé son célèbre appel il y a 80 ans, et est mort il y a 50 ans. Il a donné son nom à de célèbres places (comme à Lille, sa ville natale), un aéroport, un porte-avions, des établissements scolaires et gymnases... Et même un stade à Porto-Novo, la capitale du Bénin. Mais, paradoxalement, aucun stade français. C'est ce qu'affirme Jacques Vendroux, petit-neveu d'Yvonne de Gaulle et manager du Variétés Club de France. Ce journaliste sportif a proposé de renommer ce qui sera bientôt l'ex-stade des Primevères (voir carte ci-dessous), du nom de la rue où il se trouve.
Tout part d'un autre anniversaire, en 2021 : le 50e du Variétés Club de France, nous raconte Jacques Vendroux. Il s'occupe de ce club de football rassemblant d'anciens joueurs de football célèbres et des personnalités depuis 1971, qui joue de nombreux matchs caritatifs. "J'ai vu qu'en cinquante ans, on n'avait jamais joué à Colombey. Alors j'appelle le maire, et je lui demande s'il a un terrain. Il me dit oui. Et je lui demande s'il a un nom. Il me répond stade des Primevères..." Impossible, pour Jacques Vendroux. Avec tout ce qui porte le nom du Général (voir deuxième paragraphe ou cet article), ce stade doit s'appeler De Gaulle, tente-t-il de convaincre.
Match inaugural le 11 novembre
D'autant que le petit-neveu de Tante Yvonne croit savoir qu'aucun stade français ne porterait ce nom (Google Maps semble toutefois pointer Houilles en région parisienne et Guer en Bretagne). Premier ou pas, qu'à cela ne tienne. Jacques Vendroux imagine un bel hommage accompagnant ce renommage. Un moment unique, sous forme d'un match qui aurait lieu le 11 novembre, pour baptiser proprement ce stade. Un match à but caritatif, qui réunirait les sommités du ballon rond français (qu'il annonce dans le tweet visible ci-dessous). Il s'occupe de recueillir l'assentiment du petit-fils du Général, Yves de Gaulle; monsieur le maire se chargeant d'obtenir l'aval du conseil municipal.Le 11 novembre à Colombey les 2 églises inauguration du stade Charles De Gaulle.une 1 ère en France à 15h au profit de la Fondation Anne De Gaulle.venez nombreux.ils seront tous là... Michel Platini @KARLOLIVE @BrigitHenriques @FFF @sofiadjaadaoui @dominicgrimault @PascalPraud pic.twitter.com/X9gvbVGcbG
— Jacques Vendroux (@JacquesVendroux) September 15, 2020
Justement, le maire de Colombey, Pascal Babouhot, est enthousiaste. "Le 11 novembre est une date particulière. On célèbre l'armistice de la Première Guerre mondiale, et on oublie souvent que les De Gaulle y ont participé. C'est aussi une date symbolique pour tous les autres conflits." Il estime à 20.000 euros le coût de l'opération, qui va nécessiter notamment d'installer des tribunes. L'édile va rechercher des partenaires pour financer tout ça, afin que la totalité de la recette soit reversée. De son côté, Jacques Vendroux prend en charge le déplacement et le logement de toute son équipe. Précisons que l'élu doit compter avec "le covid, la météo, et le risque d'attentat : c'est très compliqué".
Mais c'est pour la bonne cause. Le nombre de places disponibles pour le grand public devrait atteindre les 2.000, sous réserve que le préfet soit d'accord. Il faut évidemment s'attendre à respecter les gestes-barrières, porter son masque, et tutti quanti... ainsi qu'oublier l'idée d'obtenir des autographes. La ministre des sports à Roxana Maracineanu pourrait être présente, contrairement au chef de l'État, pris par d'autres obligations mémorielles. Le duo Vendroux-Babout est à l'oeuvre de concert pour faire de ce 11 novembre un moment qui restera dans les mémoires.
Et de mémoire d'homme, rarement on aura vu un tel gratin à Colombey-les-Deux-Églises (si on excepte le défilé politique qui vient fleurir la tombe du Général chaque année, au risque de friser une récupération discutable). Après avoir cité les grands Michel Platini et Arsène Wenger, Jacques Vendroux égrène les noms : "Ils ont tous dit oui. Alain Giresse, Laurent Blanc, Fabien Barthez, Robert Pirès, Dominique Rocheteau..." À leurs côtés, de tout aussi talentueux Champenois : l'entraîneur troyen Laurent Baltles, le milieu de terrain Benjamin Nivet. "On aura Joël Quiniou. Le seul à avoir arbitré trois phases finales de Coupe du monde, en 1986, 1990, et 1994... Ce sera son dernier match." Il arbitrera la première mi-temps, et Patrick Lhermite (300 matches de Ligue 1 au compteur) la seconde. Deux jeunes locaux seront leurs juges de touche (assistants-arbitres).
Ces sommités ont fait rêver des millions de personnes, mais demeurent humbles à l'idée de ce 11 novembre si particulier. "Même un champion du monde est honoré de participer à cette inauguration." Après une visite chez De Gaulle et une cérémonie, ces champions seront vêtus de leurs plus beaux atours : en bleu-blanc-rouge (couleurs de l'équipe de France), avec une croix de Lorraine. Un T-shirt collector a aussi été spécialement conçu pour cette rencontre, bleu, avec croix de Lorraine lui aussi. Ainsi qu'au dos, une citation de Charles de Gaulle : "À la base de notre civilisation, il y a la liberté de chacun dans sa pensée, ses croyances, ses opinions, son travail, ses loisirs." Une citation (parmi tant d'autres) datant de 1941, prononcée en Angleterre, alors sous le feu des bombardements nazis.
En 1941, Anne de Gaulle est âgée de 13 ans. Il s'agit de la fille peu connue du Général et de Tante Yvonne, trisomique. On la voit d'ailleurs dans le film De Gaulle, réalisé par Gabriel Le Bomin et sorti en 2020. Elle meurt en 1948, et la fondation Anne de Gaulle porte depuis son nom. C'est à elle que tous les bénéfices de cette rencontre seront reversés. Jean Vendroux (et pas Jacques, il faut suivre), un autre petit-neveu d'Yvonne de Gaulle (et cousin de Jacques) la préside. "La fondation accueille et accompagne 100 personnes handicapées qui sont déficientes intellectuelles. Au sens large, donc pas que les personnes trisomiques."
"Notre gros projet, en Île-de-France, est d'ouvrir un 'living lab' d'une centaine de places. L'idée de cet espace, c'est permettre un échange entre le monde scientifique, à l'origine des nouvelles technologies, et le monde du handicap et de la vulnérabilité." Ces "NT" vont d'outils permettant une meilleure autonomie ou une géolocalisation, à des intelligences artificielles, en passant par des planchers intelligents. Pour Jean Vendroux, tout ceci n'est que "le début d'une vague qui va déferler d'ici quelques années".
On va permettre un échange entre le monde scientifique, à l'origine des nouvelles technologies, et le monde du handicap et de la vulnérabilité.
D'où son plan. "Ainsi, les start-ups [ou jeunes pousses; ndlr] vont développer leurs solutions avec les personnes déficientes intellectuelles; au lieu de le faire de leur côté et d'avoir un résultat pas adapté aux bénéficiaires." Rien que pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, les promesses seraient immenses. Surtout quand on sait que les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ne leur sont pas assez adaptés. Un plan à 25 millions d'euros, qui devrait voir le jour en 2022. Nul doute que les hommes de Jacques Vendroux y auront bien contribué. Un beau coup de pouce d'un cousin Vendroux à un autre.