A Val-de-Meuse, près de Langres, en Haute-Marne, il existe un site unique en France : un "point triple" hydrographique. Ici, l'avenir d'une goutte de pluie se joue à un mètre près : selon l'endroit où elle tombe, elle peut se retrouver en Méditerranée, dans l'Atlantique ou en Mer du Nord.
A Val-de-Meuse, près de Langres, en Haute-Marne, c'est un champ en apparence banal, devant lequel il serait aisé de passer, sans même se douter qu'il est unique en France.
Recouvert d'un tapis verdoyant de maïs à peine sorti de terre, il renferme un petit secret : ce champ est en fait le seul "point triple" hydrographique de France.
Un lieu unique en France
"La goutte de pluie, selon l'endroit où elle tombe ici, peut se retrouver dans trois zones différentes", explique Jean-Claude Fourtier, langrois passionné de l'eau et fondateur d'un site internet sur le sujet. Elle peut d'ailleurs se retrouver d'un bout à l'autre de la France. Une sorte de grand carrefour pour l'eau.
Car ce champ marque la jonction entre les bassins versants Atlantique, Mer du Nord et Méditerranée. Le destin d'une goutte de pluie ne se joue qu'à un mètre : si elle tombe plus au Nord, elle se déversera plus tard dans la Meuse et finira dans la Mer du Nord. Si elle tombe plus au Sud-Est, elle achèvera son parcours en Méditerranée, après un passage par le Rhône. Et si elle tombe dans la zone Ouest, elle alimentera la Seine, et à terme l'Atlantique.
"C'est exceptionnel, s'enthousiasme Jean-Claude Fourtier, et c'est même unique en France !"
"La croisée des mondes"
Mais comment expliquer la présence de ce "point triple" à cet endroit en particulier, au beau milieu d'un champ de maïs, perdu dans la campagne haut-marnaise ?
"C'est à cet endroit précis que se croisent deux lignes de partage des eaux", explique Jean-Claude Fourtier. Des frontières naturelles discrètes, voire invisibles à l'oeil nu, souvent sous la forme d'une ligne de crête. L'eau prend une direction différente, selon si elle s'écoule d'un côté ou de l'autre de cette ligne de partage.
Dans ce champ, deux lignes se croisent donc : l'une part du détroit de Gibraltar en Andalousie, et court jusqu'au détroit de Béring en Sibérie. L'autre commence en Suisse, et se retrouve également en Russie. "Ce point triple à Val-de-Meuse, c'est un peu la croisée des mondes", sourit Jean-Claude Fourtier.
Une affaire d'imagination
Un point unique, pourtant quasi invisible : de quoi mettre en marche l'imagination et la plume de Frédéric Chef, un écrivain rémois d'origine langroise. Il publie "Le partage des eaux, Langres et alentour" aux éditions Le Pythagore. Un récit de ses déambulations poétiques, notamment le long de la ligne de partage des eaux Gibraltar/détroit du Behring, qui passe par le "point triple".
C'est une ligne mythique. Quand on est gamin, ça nous fait rêver, on voit les panneaux et on se demande ce que c'est.
Dans son récit, il décrit la chaleur étouffante de cette marche sous le soleil d'été, et le vide de ce champ immense, où le "point triple" se devine. "En réalité, on ne voit rien, c'est plutôt de l'ordre de l'imaginaire", sourit Frédéric Chef.
Un atout touristique
Bien que discret, ce point triple pourrait être un atout touristique, selon le maire de Val-de-Meuse. Il souhaite notamment attirer les Hollandais, qui partagent avec nous le fleuve de la Meuse.
Nous avons de plus en plus de touristes qui s'intéressent à notre monde rural, à la verdure et aux paysages. Nous voudrions guider ces touristes, avec des aménagements, comme une table d'orientation, des tables de pique-nique, un parking, etc. Il faut accueillir tout ce monde dans de bonnes conditions.
De quoi intéresser aussi les locaux. "Les gens de notre territoire sont peu au courant du fait qu’il y a un point triple ici, regrette le maire de Val-de-Meuse, Romary Didier. L'idée, ça serait de recevoir des habitants de notre territoire, pour montrer les caractéristiques de cet endroit, mais aussi de recevoir les enfants des écoles, des collèges et des lycées".
La commune a débloqué 40.000 euros pour aménager cet endroit, à l'horizon 2022.