Les hôtels sont boudés par la clientèle. La Champagne-Ardenne n'est pas épargnée par le phénomène. Dans certains endroits, le taux de remplissage ne dépasse pas les 10 % et les prévisions sont très pessimistes. Enquête avec les professionnels du secteur.
"Chéri et si on s’arrêtait à l’Europe ?" A Langres cet hôtel est une véritable institution. "Il doit avoir 40, 50 ou 60 ans" estime Sylvie Nicard, directrice de l’établissement depuis 3 ans. Elle a, avec son équipe, rouvert les portes de l’hôtel le 3 mai dernier, "ça n’a été que annulations sur annulations, très calme au niveau du restaurant mais on sent naître une reprise à partir du 15 ou 20 juin" explique-t-elle le nez sur son logiciel de réservations encore très clairsemé.
A l’image de beaucoup de structures hôtelières en Champagne-Ardenne, l’Europe a vu disparaître malgré le déconfinement sa clientèle d’affaires, "on en a plus du tout" s’étrangle Sylvie Nicard. Quant aux touristes, Langres est une ville d’étape pour beaucoup de voyageurs, "on n’en a pas non plus vus puisque les frontières sont quasiment toutes fermées."
Trois chambres occupées sur 26
Une situation compliquée car les touristes étrangers constituent l’essentiel des occupations, 85 % dans les meilleures périodes et 60 % dans les plus mauvaises. Parmi eux des Hollandais, Irlandais et Belges. En temps normal, ce qui marche bien dans cet hôtel qui fait partie de la chaîne des Logis de France ce sont les soirées étapes, mais actuellement elles ne sont plus plébiscitées. Et les groupes ne viennent plus non plus.
L’ambiance est un peu morose mais pas question de succomber à la sinistrose. Seules trois chambres sont occupées ce matin sur 26. Evidemment, ici on s’est adapté, cela passe par le fait de rassurer la clientèle, au plan sanitaire avec le respect des distances, au niveau de l’accueil, avec des petites attentions comme offrir le parking gratuit, dans la cour de l’hôtel.
Côté restaurant aussi, "les tables sont plus espacées et le petit-déjeuner buffet a disparu" explique Sylvie Nicard, un plateau est disposé sur chaque table avec tout ce qu’il faut dessus et un employé sert à table, le pain est distribué avec une pince pour éviter tout contact avec la nourriture.
Signe inquiétant les quelques séjours réservés sont plus courts, plutôt une nuit alors que d’habitude c’est au moins deux. Mais ici on attend les jours meilleurs, le beau temps devrait aussi faire revenir du monde, "on en profitera pour ouvrir la terrasse."
Soigner l’accueil et aussi adapter la politique tarifaire, l’Europe propose par exemple la soirée étape à partir de 80€ qui comprend la chambre, le repas et le petit-déjeuner. Ou encore la nuitée à 60€. Ce serait dommage de ne pas en profiter pour découvrir la ville fortifiée de Langres.
Une véritable catastrophe
Toujours en Haute-Marne mais à Chaumont, l'heure n'est pas à la franche gaieté non plus. Hervé Besa tient l’hôtel Ibis Style de Chaumont, 43 chambres en plein centre-ville. A la réouverture il a rempli un peu son établissement, mais le weekend dernier seulement trois chambres étaient occupées. "J’ai fait les comptes je suis en moyenne à un taux d’occupation entre 10 et 20 %, une catastrophe."
"Je pensais qu’avec la fin des 100km, les choses s’amélioreraient mais pas du tout, au contraire, c’est pire ! On a perdu la clientèle de business, les techniciens, les gens comme ça ils ne viennent quasiment plus." Pas de commerciaux car "leurs employeurs ne sont pas très chauds pour qu’ils se déplacent" explique excédé Hervé Besa.
Autre effet collatéral, son restaurant, impossible de faire du chiffre là encore : "aujourd’hui j’ai fait dix couverts alors que j’ai une capacité de 70" explique l’intéressé dépité. C’est un casse-tête au niveau de ses employés. Ils viennent à 10h et comme il n’y a rien à faire il les renvoie chez eux à 14h. Dur. Et puis se pose le problème de payer les salariés : "là il va y avoir les congés payés à régler, une problématique de plus au moment où déjà l’argent ne rentre plus. C’est dramatique, sur la période j’ai déjà perdu 400 000 €". Également directeur de l’UMIH, l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie de la Haute-Marne, Hervé Besa a une vision très sombre de l’avenir.
Pas de clientèle d’affaire et peu d’optimisme quant à la venue des touristes étrangers sur le département. Chaumont est une ville carrefour, une ville étape pour Belges, les Anglais et les habitants du Bénélux. Mais comme les frontières de l'Europe ne sont pas encore toutes rouvertes les réservations n’arrivent pas.
Dans l’Aube, à Nogent-sur-Seine, Marylin Mathé a la chance d’être à la tête d’un hôtel au carrefour de quatre départements et de trois régions dont l’Ile-de-France. Situé à Nogent-sur-Seine. Elle aussi a vu la clientèle d’affaire disparaître : "plus de séminaires regrette l’intéressée." Mais surtout le lieu qui s’y prête à vu s’évaporer toute la clientèle des mariages, baptêmes et cousinades. "Notre saison c’est du 15 mars au 15 juillet, heureusement on a pu reporter certaines réservations à l’année prochaine."
Le ton se veut plus grave quand Marylin Mathé évoque les prévisions d’avant-Covid, les réservations avaient atteint un chiffre record, le meilleur depuis toujours. Et en quatre heures tout s’est arrêté. Beaucoup ont pensé que les hôtels avaient fermés, or il n’en était rien,"nous sommes restés ouverts mais nous n’avons eu aucun client", regrette Marylin Mathé.
Elle aussi a vu la clientèle des touristes étrangers s’évaporer. Mais elle se veut optimiste pour la suite. L’hôtel comporte un parc de 17 hectares, non loin il y a aussi un golf, c’est du tourisme au vert. Et le musée Camille Claudel qui vient de rouvrir. Elle espère capter une clientèle française à moins de deux heures de Nogent.
En France les hôtels seraient au quart de leur remplissage, ce mardi 9 juin, le domaine des Graviers, l'hôtel de Marylin Mathé a un taux d’occupation de cinq chambres sur 26.