Cet hiver, en Haute-Marne, neuf chiens de chasse sont morts après avoir contracté la maladie d'Aujeszky, transmise par des sangliers. La fédération des chasseurs du département lance un appel national pour la création d’un nouveau vaccin.
On l’appelle la pseudo-rage. Depuis quelques semaines, les chiens de chasse sont menacés par une recrudescence de la maladie d’Aujeszky. Le virus, transmis par les sangliers lors des battues, touche le système nerveux de l’animal et entraîne une mort soudaine. Depuis le début de l’hiver, neuf chiens ont été contaminés en Haute-Marne.
Laurent Nicollin, chasseur à Euffigneix, a perdu deux de ses fidèles compagnons suite à la maladie : “Tout a commencé mi-décembre, raconte-t-il. Je vais chasser avec mes trois chiennes dans le secteur de Colombey-les-deux-Eglises. Elles prennent des sangliers en chasse, puis finissent par en attraper un, une petite bête de 15 kilos. Seulement, quatre jours plus tard, l’une des chiennes commence à se gratter. Elle a la tête enflée, le corps en sang, elle s’arrache la peau contre des pierres.”
Inquiet, pensant que sa chienne s’est battue avec ses congénères, Laurent Nicollin se précipite chez son vétérinaire. Le verdict tombe : il s’agit de la maladie d’Aujeszky. “Dans ces cas-là, il n’y a rien à faire, indique le Dr Vincent Desbarax, vétérinaire à Chaumont. Il n’y a aucun traitement qui existe. Une fois les symptômes déclenchés, la mort de l’animal intervient dans les heures qui suivent.”
Le lendemain, Laurent Nicollin découvre une autre de ses chiennes quasiment inconsciente. “Elle est morte le soir même sans qu’on ait pu rien faire, soupire le chasseur. Heureusement, ma troisième et dernière chienne, qui était restée plus en retrait lors de l’attaque du sanglier, n’a pas été contaminée.”
Un virus foudroyant pour les chiens, inoffensif pour les sangliers
La maladie d’Aujeszky est portée par les porcs et les sangliers. Mais ce sont des porteurs sains : ils transmettent le virus mais ne déclarent pas de symptôme. Seuls les jeunes marcassins peuvent être touchés. En revanche, d’autres espèces peuvent contracter la maladie, dont les chiens. “Le virus est concentré dans les intestins des sangliers, explique le vétérinaire. La pire chose à faire, c’est de vider le gibier juste après la chasse et de donner les abats aux chiens. Mais la contamination peut aussi se faire lorsque le chien mord le sanglier et qu’il est en contact avec du sang. En général, il y a une période d’incubation de 2 à 6 jours avant que les symptômes ne se déclenchent. Il s’agit de symptômes prurit-démentiels. Le chien se gratte de manière compulsive jusqu’à tomber dans le coma, puis meurt en moins de 24 heures.”
En revanche, il semble n’y avoir aucun risque pour l’Homme. "Le virus se transmet uniquement aux chiens, aux chats, et peut-être aux renards, précise le Dr Vincent Desbarax, mais pas à l’être humain. De plus, il est détruit par la chaleur, donc aucun danger à manger de la viande de porc ou de sanglier.”
Des sangliers plus nombreux qui contaminent davantage
En Haute-Marne, depuis le début de la saison, neuf chiens ont perdu la vie après avoir été contaminés. Les saisons précédentes, on ne recensait que des cas isolés, voire pas du tout. “Les populations de sangliers ne cessent d’augmenter, explique Thomas Corvasce, président de la fédération des chasseurs de Haute-Marne. Qui dit plus de sangliers, dit plus de chance d’être contaminé.”
“Il semblerait que le virus vienne de l’Aube, ajoute le vétérinaire. Des populations de sangliers infectés ont migré en Haute-Marne ces dernières années, propageant le virus avec elles. On estime que 30% des sangliers du département sont porteurs de la maladie.”
Les chasseurs se mobilisent pour financer un nouveau vaccin
La majorité des chiens touchés par la maladie était vaccinée. Les trois chiennes de Laurent Nicollin, le chasseur d’Euffigneix, l’étaient également. Mais le vaccin n'est pas efficace à 100%. “On estime qu’il protège deux chiens sur trois, indique le vétérinaire Dr Vincent Desbarax. Au départ, le vaccin a été pensé pour les élevages porcins. Le protocole a été adapté pour la vaccination canine, mais il n’a pas vraiment fait l’objet d’une validation scientifique.”
Face aux nombres grandissant de cas, en Haute-Marne comme dans d’autres départements, la fédération départementale des chasseurs lance un appel national : “Ce qu’on voudrait, c’est l’élaboration d’un vaccin spécialement pour les chiens, déclare son président Thomas Corvasce. Mais pour ça, il faut mobiliser les laboratoires et financer la recherche. C’est pourquoi je propose qu’on augmente le prix des permis de chasse d’un euro, et qu’on utilise cet euro supplémentaire pour financer le vaccin. En France, nous sommes presque 1,2 millions de chasseurs, donc 1,2 millions d’euros pour lancer les premières recherches.”
En attendant un possible vaccin, la communauté des chasseurs reste prudente. “Certains collègues n'amènent plus leurs chiens, affirme Laurent Nicollin. D’autres ne vont même plus à la chasse. Personnellement, je me suis posé la question après la mort de mes deux chiennes. Finalement, je continue de chasser avec celle qui reste, mais je fais bien plus attention qu’avant.”
Quand j’ai perdu mes chiens, j’ai eu des dizaines d’appels de soutien. On m’a même proposé de m’offrir des chiots.
Laurent Nicollin, chasseur
Malgré l’inquiétude, le chasseur haut-marnais constate un élan de solidarité entre les passionnés de chasse. “Quand j’ai perdu mes chiens, j’ai eu des dizaines d’appels de soutien, confie-t-il. Certains chasseurs du sud-ouest de la France m’ont contacté. On m’a même proposé de m’offrir de nouveaux chiens. Finalement, j’ai adopté deux chiots qui pourront bientôt chasser à leur tour !”