C'est une exception en France, en vertu du Concordat
En février, trois jeunes filles du groupe Pussy Riot avaient osé pénétrer dans une cathédrale de Moscou pour entamer une sorte de prière anti-Poutine. L'affaire a pris un tour politique mais aussi religieux, puisque les chanteuses risquent trois ans de camp pénitentiaire, notamment pour incitation à la haine religieuse.
Pour certains croyants, elles incarneraient le blasphème et la profanation. En France, le blasphème ne tombe pas sous le coup de la loi. Sauf en Alsace-Moselle, du fait du droilt local. Mais depuis la Deuxième Guerre mondiale, aucune condamnation n'a été prononcée pour délit de blasphème dans la région.
Le délit de blasphème reconnu en Alsace-Moselle par France3Alsace
Le procureur a requis trois ans de camp mardi contre trois jeunes femmes du groupe Pussy Riot accusées d'avoir chanté une "prière punk" anti-Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, et qui ont reçu le soutien de nombreuses stars internationales de la chanson.
Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 29 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, sont coupables "de hooliganisme et d'incitation à la haine religieuse", a déclaré le procureur Alexandre Nikiforov, dans la salle du tribunal Khamovnitcheski de Moscou. Les trois prévenues "se sont livrées au hooliganisme, motivées par la haine religieuse et l'hostilité aux croyants orthodoxes", a-t-il estimé. En détention depuis cinq mois, les trois jeunes femmes, qui risquaient jusqu'à sept ans de camp, ont écouté avec sérénité le procureur qui les a par ailleurs accusées de "s'être livrées à une provocation soigneusement planifiée" et de "s'opposer au monde orthodoxe".
Le procureur a précisé qu'il demandait trois ans de camp pour chacune, ayant pris en considération que leur casier judiciaire était vierge et que deux d'entre elles, Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina, avaient des enfants en bas âge. La chanteuse américaine Madonna, qui doit donner un concert mardi soir à Moscou et un autre jeudi à Saint-Pétersbourg, a espéré que "le tribunal ferait preuve de clémence et que ces femmes seraient bientôt remises en liberté", selon des propos cités par les médias russes.
En février, les jeunes femmes du groupe Pussy Riot - alors quasiment inconnu - étaient apparues encagoulées, avec guitares et sonorisation, dans la cathédrale du Christ-Sauveur et avaient entonné une "prière punk" anti-Poutine incluant des passages dénonçant le soutien de l'Eglise à l'Etat. Jeudi dernier, le président Vladimir Poutine avait estimé qu'il n'y avait "rien de bon" dans ce que les jeunes femmes avaient fait, mais il avait semblé plaider en faveur d'une certaine indulgence. "Je ne pense pas qu'elles doivent être jugées trop sévèrement pour ce qu'elles ont fait", avait-il déclaré en marge d'une visite aux jeux Olympiques de Londres.
La militante pour les droits de l'homme Lioudmila Alexeeva, citée par l'agence Interfax, a estimé que le réquisitoire du procureur était "une honte, qui sera une honte pour la Russie et toute l'Eglise orthodoxe si les prévenues ne sont pas libérées".
L'avocat de la défense Violetta Volkova a annoncé à l'audience qu'elle allait saisir la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg pour dénoncer les "tortures" dont ont été victimes, selon elle, les Pussy Riot et la façon dont le procès s'est déroulé : documents fabriqués par le tribunal, temps limité pour prendre connaissance du dossier, débats menés de manière expéditive et témoins de la défense empêchés de s'exprimer.
Un autre avocat de la défense, Mark Feïguine, a dénoncé "une commande politique venant d'en haut pour mettre en prison" les Pussy Riot, "des opposantes politiques qui ont critiqué à leur manière l'alliance entre l'Eglise et un Etat autoritaire". Les trois avocats de la défense ont plaidé la relaxe de leurs clientes. Les trois jeunes femmes, qui ont également demandé la relaxe, ont nié tout caractère anti-religieux à leur action et souligné qu'il s'agissait d'une action politique. "Nous sommes des bouffons, pas des criminels", a déclaré Nadejda Tolokonnikova. L'action des Pussy Riot a suscité de vives réactions au sein de l'Eglise orthodoxe, de nombreux prêtres et fidèles dénonçant la profanation de la cathédrale et une attaque en règle contre l'Eglise.
Le patriarche Kirill avait apporté un soutien appuyé à Vladimir Poutine, élu président le 4 mars, malgré une vague de contestation sans précédent de son régime depuis son arrivée au pouvoir en 2000. L'Eglise orthodoxe connaît une renaissance depuis la disparition de l'URSS en 1991. Près de 70% de la population russe se déclare orthodoxe, même si le nombre des pratiquants réguliers n'excède pas 5 à 7%, selon divers sondages. De nombreuses personnalités russes et étrangères ont pris la défense des Pussy Riot, jugeant les poursuites à leur encontre et leur maintien en détention disproportionnés avec les faits reprochés. Des musiciens britanniques de renom, parmi lesquels Pete Townshend et les Pet Shop Boys, ont publié la semaine dernière dans le Times une pétition en faveur des trois femmes. Le chanteur du groupe de rock américain Red Hot Chili Peppers, Anthony Kiedis, et le chanteur britannique Sting ont eux aussi exprimé leur soutien aux Pussy Riot. L'Union européenne s'est déclarée mardi "préoccupée" par les conditions de détention des trois membres du groupe Pussy Riot et par les actes d'intimidation contre leurs défenseurs. AFP