En hiver, la fonte des neiges et la pluie provoquent chaque année des inondations dans le Ried. Mais contrairement à la majorité des cas, les crues ne sont pas ici considérées comme des catastrophes. Beaucoup les attendent même impatiemment car ce phénomène naturel comporte de nombreux bienfaits.
C'est un tableau magnifique, de l'eau à perte de vue qui redessine le paysage. Chaque année, lorsqu'il pleut beaucoup et surtout que la neige fond dans les Vosges, en hiver ou au début du printemps, les prairies du Grand Ried sont inondées. Mais loin d'être vécues comme des catastrophes, les crues sont majoritairement appréciées pour leurs bienfaits dans ce coin d'Alsace.
Il y a bien sûr le plaisir qu'elles offrent aux photographes, amateurs ou professionnels. "On croirait que certaines de mes photos ont été prises en Finlande, sourit Benoît Koenig, alias Ried Mann. En période d’inondations, je suis souvent dehors quatre ou cinq heures le matin et quatre ou cinq heures l’après-midi".
Un décor dont se plaisent aussi à profiter les habitants du coin. Certains d'entre eux font ainsi dormir dans leur garage leur propre canoë, qu'ils sortent aux beaux jours sur l'Ill... et en hiver sur les prairies inondées. Lorsque les températures baissent très bas et que l'eau gèle, ils troquent leurs bateaux pour des patins : des dizaines d'enfants et leurs parents se déplacent pour goûter à ce bonheur de glisser les quelques jours où les conditions le permettent.
Un phénomène naturel
Mais au-delà de ce panel d'activités, les crues sont surtout bénéfiques pour la nature et sont un phénomène tout à fait naturel. Lors de la fonte des neiges ou de fortes précipitations, l'Ill sort de son lit mineur qu'elle occupe habituellement pour submerger son lit majeur. C'est ainsi que fonctionnent tous les cours d'eau, du moins lorsqu'ils n'ont pas été canalisés par l'homme, c'est-à-dire contenus dans un lit mineur endigué.
Entre Mulhouse et Colmar, l'Ill ne peut plus s'étaler dans son lit majeur. Elle peut en revanche encore s'étendre naturellement dans le Grand Ried, entre Illhauesern et Erstein, là où les inondations surviennent encore aujourd'hui. Cette eau permet de réalimenter la nappe phréatique, dont le niveau baisse fortement lors des épisodes de sécheresse estivale. "Comme un réservoir, la nappe doit être réapprovisionnée sinon l’eau finit par manquer. Ces inondations sont donc fondamentales", assure Alain Kauss, bénévole à la maison de la nature de Muttersholtz, village dont la moitié ouest du ban communal est inondable.
Les limons charriés par l'Ill sur les prairies agissent également bénéfiquement sur la fertilisation de ces terres agricoles. Des terres qui abritent une faune et une flore bien particulières, propres aux milieux humides.
Les polluants dilués
Autre effet positif des inondations, elles contribuent au maintien des prairies dans le Grand Ried, tout autre type de culture étant impossible dans cette zone. Et ces prairies ont une fonction majeure : "Elles retiennent bien davantage de polluants que les champs de maïs, très perméables. Et en plus, dans ces grandes quantités d’eau, les polluants sont dilués. Plus il y a de l’eau, plus ce qu’elle contient – engrais, pesticides – est dilué", explique encore Alain Kauss.
À Muttersholtz et environ, la plupart des habitants ont ainsi compris le rôle de l'eau et appris à vivre avec elle, en s'adaptant. Dans le village, beaucoup de maisons n’ont par exemple pas de cave. Les inondations, aussi longtemps qu'elles n'atteignent pas des niveaux anormalement élevés qui mettrent en péril les habitations, constituent surtout un atout.