Inondations en Alsace : ce qu'il faut savoir sur la crue du Rhin

Le Rhin reste en vigilance orange aux risques de crues ce jeudi 15 juillet. Un spécialiste des Voies navigables de France (VNF) a répondu aux questions de France 3 Alsace.

Avec ses 1.230 kilomètres de long, le Rhin est l'un des plus grands fleuves d'Europe. Et il ne s'agit pas toujours d'un long fleuve tranquille, en témoigne une vigilance orange aux risques de crues en Alsace.

Cette vigilance se poursuit ce jeudi 15 juillet 2021, après un début lors du 14 juillet. La faute à des précipitations particulièrement importantes.

Pour autant, il ne s'agit pas d'une crue exceptionnelle. Pas plus que la décision de mettre en eau le polder situé à Erstein (Bas-Rhin, voir sur la carte ci-dessous).
 


France 3 Alsace a interrogé Vincent Steimer, directeur des unités territoriales du Rhin aux Voies navigables de France (VNF).

Quelle est la fréquence de ces crues ?

"C'est un phénomène qui se produit en général plutôt au printemps lorsqu'on a la fonte des neiges dans les Alpes : le Rhin est alimenté par le massif alpin, notamment suisse. Lorsque la neige fond, quand on a un réchauffement brutal au printemps, ça entraîne ce phénomène. Cette fonte des neiges se cumule parfois à des précipitations importantes, ce qui peut encore amplifier le phénomène."


Que peut-on dire des crues actuelles ?

"Là, c'est un peu plus inhabituel. On est dans un fort épisode de précipitations connues ces derniers jours. Surtout dans le bassin versant du Rhin, qui comprend la Suisse, l'Alsace, l'Allemagne... Les précipitations sont tombées abondamment et ont gonflé l'ensemble des cours d'eau affluents du Rhin. Ce qui nous amène à cette situation."
 

Ce débit avoisine quatre fois le débit moyen du fleuve.

Vincent Steimer, directeur des unités territoriales du Rhin aux VNF


Quand est-ce que ça a commencé ?

"On a eu un premier pic de crue la semaine passée, avec une pointe à 3.000 mètres cubes par seconde. C'est trois fois plus que le débit moyen du fleuve - qui est de 1.000. Et là, on a deux nouvelles pointes de crue : une hier, qui a atteint 3.800 mètres cubes par seconde. Et la nouvelle qui nous arrive demain, et qui va atteindre à peu près le même niveau. Ce débit avoisine quatre fois le débit moyen du fleuve." 


Comment faites-vous vos mesures ?

"Le Rhin est équipé de stations de mesures, réparties sous les ponts, sur les bords... depuis la Suisse jusqu'au lac de Constance. On enregistre ces débits, on en garde des traces, et on corrèle tout ça. Ce qui permet de connaître à tout moment les débits du Rhin. Ensuite, il existe des modèles pour faire de la prévision. L'ensemble des données est partagé avec plusieurs interlocuteurs : EDF, VNF, les services allemands et suisses... Nous confrontons nos prévisions, ce qui permet de connaître la situation et contrôler les débits du fleuve."
 


Comment gérez-vous la situation ? 

"Le Rhin est aménagé, canalisé sur une grande partie de notre secteur, donc entre Bâle - en Suisse - et Lauterbourg. Sur ces 180 kilomètres, quasiment l'intégralité du Rhin est canalisé : il est contenu entre deux réseaux de digues qui permettent de faire transiter ces crues sans que le Rhin ne déborde."

"Et on a les 18 derniers kilomètres, à l'aval du dernier barrage sur le Rhin - qui est à Iffezheim, à hauteur du village des marques de Roppenheim. Jusqu'à Lauterbourg, c'est ce qu'on appelle le Rhin en courant libre. Sur cette partie, le Rhin voit son niveau monter lorsqu'il est en crue, et il peut sortir de son lit, déborder et venir inonder les terres avoisinantes."


Quelles sont les dispositifs de protection à cet endroit ?

"On a un rideau de digues de hautes-eaux sur ce secteur. Elles sont aménagées à l'intérieur des terres pour contenir les débordements et éviter les inondations dans des villages avoisinants. La zone fait l'objet d'une surveillance renforcée. Car le Rhin est contenu dans des digues toute l'année, elles ne sont pas en eau, ce sont des digues sèches. Quand le Rhin vient les mettre en charge, on les surveille de manière continue en mettant en place une équipe dédiée."
 

La situation est sous contrôle.

Vincent Steimer, directeur des unités territoriales du Rhin aux VNF


Comment donc qualifier la situation actuelle ?

"La situation est sous contrôle. Sur la partie canalisée, les ouvrages sont dimensionnés pour faire transiter ce genre de crues sans trop de problèmes. On met en oeuvre un certain nombre de mesures, qui visent à stocker de l'eau pour limiter les conséquences des crues à l'aval. On fait de la rétention dans les polders, comme celui d'Erstein."


Que peut-on dire sur ce polder d'Erstein ?

"Le stockage de l'eau va commencer ce soir. Nous y agissons pour le compte de l'État. Et nous, Voies navigables de France, sommes l'opérateur. Nous sommes à la manoeuvre. Mais la mise en eaux est décidée par la préfecture. "
 


De quels autres ouvrages disposez-vous pour lutter contre les crues ? 

"On a des ouvrages aménagés de l'autre côté du fleuve, en Allemagne. C'est dans le cadre d'une concertation internationale : chaque acteur n'agit pas dans son coin. L'ensemble des mesures est déclenché en fonction d'un plan pré-établi."


Jusqu'à quel niveau peuvent servir ces ouvrages ?

"Les ouvrages sont dimensionnés pour faire passer des crues millénales, c'est à dire des crues qui ont une chance sur mille de se produire. L'épisode actuel, c'est une crue décennale, donc qui a une chance sur dix de se produire chaque année. C'est une crue relativement classique; assez importante, mais classique."


Faut-il s'inquiéter de ces crues décennales rapprochées ?

"Non, on a des années sans crue, et d'autres où on peut avoir deux ou trois épisodes. Par exemple, cette année, on a eu deux épisodes. Le pic de crue du mois de janvier, lié à un épisode de fonte des neiges avec des précipitations. Et sur ce mois de juillet, c'est juste les pluies. En 2018, on avait eu une crue, mais pas en 2019, et encore moins en 2020, qui était plutôt une année de sécheresse. C'est donc assez aléatoire."
 

On lisse le phénomène dans le temps, et ça génère moins de conséquences.

Vincent Steimer, directeur des unités territoriales du Rhin aux VNF


Pour revenir aux ouvrages, quel est leur but précis ?

"Ils doivent freiner la pointe de crue maximale. Quand on vient retenir l'eau au bon moment, ça permet d'avoir une crue qui a moins d'ampleur que ce qu'elle pourrait avoir si on ne faisait rien. Quand c'est passé, on libère cette eau qu'on a stockée. Et on lisse le phénomène dans le temps. Ça génère donc moins de conséquences."


De quelles conséquences parle-t-on ?

"Il n'y a pas eu de réelles conséquences environnementales. Pour celles sur l'activité humaine, il y a l'arrêt de la navigation. Sur le Rhin transitent beaucoup de marchandises, 20 à 30 millions de tonnes annuelles. Donc ça perturbe l'approvisionnement des entreprises, notamment en Suisse, qui est approvisionnée par le Rhin. Mais les transporteurs s'organisent pour mettre ces marchandises sur le train, ou sur des camions le temps de rétablir la situation."

"En matière d'inondations proprement dites, comme la crue est contenue par l'endiguement, il n'y a pas vraiment de conséquences. On peut avoir des remontées de nappes phréatiques provoquant des inondations de caves dans les habitations qui sont proches du Rhin. Mais ce ne sont pas les inondations qu'on peut voir sur des cours d'eau non-aménagés."

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