Intempéries : situation très contrastée dans les vergers, le gel nocturne entraîne jusqu'à 50% de pertes

Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture l'a déclaré : "C'est probablement la plus grande catastrophe agronomique de ce début de siècle". Les dernière nuits très froides ont en effet, selon les secteurs, provoqué d'importants dégâts, mais parfois aussi, des promesses de récolte abondante.

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Entre le sud et le nord de l'ancienne région Champagne-Ardenne, les effets du gel de ce mois d'avril 2021 sur les cultures, font apparaître des différences. 20 à 30 % de pertes pour certains, mais aussi, 50% pour d'autres. Les intempéries subies par les exploitants, ces derniers jours, ne sont pas toutes encore chiffrées.

A Tourteron, dans le département des Ardennes, Luc Lenoble estime qu'il est difficile de se prononcer trop vite. "Est-ce-que ça va continuer ?", s'interroge l'arboriculteur. "On espère qu'il n'y aura pas encore de gel, d'ici au 15 mai, voire au 1er juin. Il y a déjà des pertes de fleurs ou de boutons floraux. Il en manquera. La nature est compliquée. Il faut que ça féconde". Mais tous ne sont pas aussi prudents. C'est le cas de Blandine Capitaine, chef d'exploitation cidricole, à Lalobbe, à une vingtaine de kilomètres de Signy-l'Abbaye, dans les Ardennes.

En 2019, sur un demi verger, on avait eu 95% de dégâts. On a dû acheter des fruits ailleurs pour produire nos boissons.

Blandine Capitaine, Chef d'exploitation cidricole.

50% de pertes sur les poires

C'est sous la marque des "Bulles Ardennaises", que Blandine Capitaine propose cidre, jus de pommes, de poires, et l'apéritif "rubis d'Ardennes", sur son domaine de Lalobbe, dans les crêtes préardennaises. Au total, ce sont quarante boissons différentes qui sont produites sur l'exploitation, une entreprise familiale créée en 2002. " Les dégâts sur les pommes sont de 15 à 20%", estime-t-elle. "Mais sur la partie poires, il y a 50% de pertes. Ce n'est pas terrible", soupire-t-elle, "et pas facile. Tous les jours, il y a au moins une gelée".

Au mois de septembre de cette année 2021, l'ensemble des neuf hectares de l'exploitation seront passés en agriculture bio. Cinq hectares sont en plein rendement, les quatre autres ont été plantés l'an dernier.  "C'est beaucoup de contraintes", reconnaît la chef d'exploitation, "mais ça offre également des atouts pour nos 110 tonnes de fruits récoltées chaque année. 5% des produits des "Bulles Ardennaises" partent à l'exportation, vers la Russie et la Belgique.

Le mauvais souvenir de 2019

L'année où Blandine Capitaine a repris l'affaire de ses parents, en 2019, a été marquée par d'importantes gelées. "Sur un demi verger", se souvient la productrice, "on avait eu 95% de dégâts. C'était catastrophique. On avait pu sauver 500 kilos de fruits, contre dix à douze tonnes espérées, et on a dû acheter des fruits ailleurs pour produire nos boissons". Concernant les annonces du gouvernement, Blandine Capitaine attend d'en connaître les détails.

Les gelées d'avril 2019 n'ont été indemnisées qu'en novembre 2020. Pas facile de faire face pour les professionnels. Cette année, c'est dur  également, financièrement, au point qu'il a fallu renoncer à faire du feu pour protéger les vergers. A cela, il faut ajouter une perte de clientèle de 80% depuis le début de l'épidémie de Coronavirus, à cause de la fermeture des restaurants et du manque de touristes. A Lalobbe, donc on espère bien en avoir fini, avec les gelées, pour cette année.

Dans le département des Ardennes, on attend qu'il fasse chaud, et l'on compte sur la nature pour faire la différence. "N'empêche que c'est déprimant, pour les cerises, les mirabelles, les quetsches !" nous confie-t-on, dans un autre secteur du département.

Il faudra attendre jusqu'au 15 mai, pour dresser un bilan définitif, car il reste encore des fleurs non détruites.

Jean-Chrisophe Léglantier, arboriculteur.

Une belle floraison  dans le Sézannais

Le Verger de l'Arly est situé, à Saudoy, à près de six kilomètres de Sézanne, dans le sud du département de la Marne. Jean-Christophe Léglantier y exploite 40 hectares de vergers à pommes, pour moitié, des pommes à cidre. Le reste produit des pommes de table. Alors qu'un peu partout en France, des producteurs de fruits constatent que le gel a provoqué d'importants ravages sur leur culture, l'arboriculteur marnais indique ne pas avoir à se plaindre.

"On a une chance inouïe", dit-il. "On n'est pas dans un secteur qui a souffert. On a une très grosse année de floraison. Il faudra en enlever, pour qu'il y ait des fruits. Ca nous rend service pour l'année d'après, et on n'a pas besoin d'utiliser des traitements". Celui qui est administrateur à la Fédération Nationale des Producteurs de Fruits à Cidre, et adhérent de l'association Pommes Poires, possède une station météorologique, sur son exploitation. "Dans les champs, ce matin, on relevait une température de – 0,9 degré. On a senti le vent du boulet, mais ça va, quand on pense qu'à Aix-en-Provence, ils annoncent des – 7, -8°. Ailleurs, en France, on constate des dégâts considérables".

Une année hors norme

Si actuellement, Jean-Christophe Léglantier est serein, c'est parce que du gel entre le 6 et le 20 avril, il en a déjà vu. N'empêche que le 6 avril, il y a eu des giboulées de neige, et la température, dans son exploitation, a chuté à – 3, - 4 degrés. On enregistre des dégâts, à partir de – 2,2 degrés, aussi, aujourd'hui, l'arboriculteur annonce des pertes, à hauteur de 20 à 30%. "Mais ça nous permet un éclaircissage précoce", indique –t-il. "Il faudra attendre, jusqu'au 15 mai, pour dresser un bilan définitif, car il reste encore des fleurs non détruites".

Les agriculteurs le savent, la période des Saints de glace, est souvent un tournant. Jusqu'aux fêtes de Saint Mamert, Saint Pancrace et Saint Servais, il faut rester prudent. Tenir compte des observations des anciens, reste plus que jamais d'actualité. Mais déjà, le Ministre de l'Agriculture, Julien de Normandie l'a annoncé, des aides seront mises en place, pour accompagner les agriculteurs.

"Nous avons eu un évènement climatique dramatique", a souligné Julien Denormandie. Des centaines de milliers d'hectares ont en effet été frappés, après plusieurs jours de température clémente, qui avaient permis un bon développement des plantes. Pour certains producteurs, les pertes économiques seront considérables. Quant aux consommateurs, ils pourraient être confrontés à une hausse des prix des fruits, dans les tout prochains mois.

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