Le musée des Beaux-arts de Strasbourg va consacrer une exposition au peintre alsacien du XIXème, Jean-Jacques Henner. C'est la première exposition de cette envergure en Alsace. Car même si l'artiste dispose d'un musée national à son nom à Paris, il reste peu connu dans sa région natale.
La caisse en bois est posée au sol. Elle est arrivée il y a quelques jours de Paris dans les salles du musée des Beaux-Arts de Strasbourg. Le moment est solennel. Techniciens, muséographes et conservateurs font silence autour d'elle. Quelques tours de dévisseuses. Le technicien aux mains gantées extrait délicatement le tableau de sa caisse et le dépose sur des couvertures sur une petite table. Le tableau fait 60 cm sur 30 de large. Il paraît plus petit que l'énorme réputation qu'il a eu au cours de son existence. Il s'appelle "L'Alsace. Elle attend.". La toile a été peinte en 1871 par l'artiste alsacien alors exilé à Paris. Nous sommes au lendemain de la guerre de 1870. Jean-Jacques Henner fait partie de ces Alsaciens qui ont décidé de quitter leur région d'origine pour ne pas devenir allemands à la suite du traité de Francfort. "C'était il y 150 ans. Quelle émotion! Ce tableau n'était jamais venu à Strasbourg. Il rentre dans la capitale alsacienne pour la première fois", déclare avec une émotion palpable le directeur de musées de Strasbourg, Paul Lang.
En 1871, le tableau est offert à Léon Gambetta par un groupe d'épouses d'industriels alsaciens réfugiés à Paris. Gambetta est alors un des plus farouches opposants à l'abandon de l'Alsace-Lorraine. La toile deviendra le symbole de cet abandon et de la souffrance des Alsaciens exilés.
"Je dirais que c'est un tableau citoyen plutôt que patriotique, analyse Paul Lang. Jean-Jacques Henner est le peintre alsacien le plus célèbre du XIXème siècle. On a longtemps considéré que la peinture du XIXème siècle c'était l'impressionnisme, le symbolisme, Courbet, le réalisme. L'académisme a été complètement négligé. Je pense que la chose importante que nous voulons rappeler à nos visiteurs c'est que le XIXème siècle ce n'est pas que l'avant-garde c'est aussi la peinture très personnelle d'artistes comme Jean-Jacques Henner. Il évoluait à côté de l'impressionnisme, il regardait ce que faisait les autres mais ne les a jamais copiés. Il a fait du Jean-Jacques Henner. C'est un poète de la peinture."
Un musée national est consacré à Jean-Jacques Henner à Paris. De nombreuses toiles issues de l'institution seront présentées à Strasbourg à compter du 8 octobre. Ses oeuvres sont présentes dans tous les musées régionaux, à Strasbourg, Mulhouse mais surtout à Altkirch. C'est dans la capitale du Sundgau que sa vocation d'artiste a pris forme. C'est là qu'enfant, il fréquente le collège et les cours de son professeur de dessin Charles Goutzwiller.
L'enfant de Bernwiller, né en 1829, le plus jeune d'une fratrie de six enfants, a toujours été encouragé dans la pratique de son art par sa famille, modeste. L'artiste restera attaché toute sa vie à cette famille et à son village. Il y viendra tous les ans pour séjourner dans une maison bourgeoise qu'il a fait construire. Mais c'est à Paris qu'il fait carrière et qu'il meurt en 1905. L'Alsace alors est toujours allemande.