C'est un immeuble de 7 étages au bord du canal à Strasbourg, entièrement recouvert de tuiles d'argiles. Il est le premier immeuble "co-conçu" de France. Il est l'oeuvre d'un promoteur-constructeur alsacien atypique, Christophe Boule.
Pour mettre tout de suite les -L- en place, il faut savoir que Christophe Boule écrit son nom avec un -L- mais que le nom de sa société s'écrit avec deux -L- parce qu'il l'a créé il y a 15 ans avec son frère. Deux Boule donc deux -L-. Bref.
Christophe Boule a développé, avec ses équipes, un concept simple: plutôt que de construire un immeuble et de vendre les appartements, il s'est dit que ce serait intéressant de rencontrer d'abord d'éventuels acheteurs et de construire leur immeuble après. C'est un peu le principe de l'autopromotion sauf que dans le concept de co-conception, c'est toujours le promoteur qui régule les desiderata des uns et des autres. "Nous avons commencé à rassembler environ 40% des futurs acheteurs, intéressés par ce terrain, et nous avons commencé à réféchir ensemble", explique-t-il. Chaque acheteur potentiel débourse 1000 euros pour pouvoir accéder à l'application de la "co-conception" mise en place par les informaticiens de l'entreprise. Cette somme lui est remboursée s'il quitte le projet.
"Via une messagerie numérique, tous les co-concepteurs échangent leurs idées. Leur référent au sein de la société Boulle leur répond en temps réel et leur précise si leurs idées peuvent être validées ou pas. C'est un gain de temps pour nous en tant que constructeur mais un gain de temps aussi pour les futurs propriétaires". Christophe Boule fait défiler les centaines de messages:"vous voyez sur cette photo, le revêtement extérieur de la maison a été proposé par Isabelle, une co-conceptrice. J'avais vu ça également à Copenhague et je trouvais ça vraiment très bien". Avec la plate-forme de co-conception, chaque acheteur peut concevoir son appartement comme il l'entend, choisir la taille des pièces, leur nombre, le type de chauffage, les revêtements...A chaque proposition d'aménagement correspond un coût. L'acheteur a donc une idée très précise du prix que lui coûtera son futur appartement.
Dans cet immeuble de l'éco-quartier Danube, les copropriétaires, plutôt que de condamner l'accès au toit panoramique, ont choisi d'installer une immense terrasse. Ils ont décidé de payer leur mètre carré plus cher pour pouvoir disposer ensemble d'un rooftop avec une vue époustouflante. Le mobilier de jardin est d'ailleurs en construction dans un espace commun au rez-de-chaussée de l'immeuble.
Christophe Boule estime que l'avenir de la construction est dans la co-conception: "les copropriétaires se connaissent mieux, partagent des valeurs communes".
Christophe Boule a bien d'autres idées en tête. Ce constructeur avant-gardiste ne travaille plus qu'avec des fournisseurs locaux pour le bois. Il envisage d'ailleurs de ne plus faire que des immeubles habillés de bois. Son objectif: faire baisser le CO2, celui qu'il utilise pour construire ses immeubles mais aussi celui que consomment ses appartements à l'usage.
Il entrevoit une autre tendance dans le monde de la construction: le "co-living". "Les jeunes générations ne veulent plus vivre dans des espaces clos, verrouillés comme nous aujourd'hui dans nos appartements. Il faudra leur prévoir des espaces de vie communs", pronostique Christophe Boule.