Aujourd'hui en Alsace, un agriculteur sur quatre est engagé dans une Cuma, une coopérative d'utilisation de matériel agricole. Un moyen de partager les coûts liés à l'achat des machines mais aussi de travailler ensemble.
Nous avions rendez-vous à Littenheim avec Thierry Willem, un agriculteur et président de la Cuma de la Zorn. Nous devions faire son interview. A l'approche de l'exploitation, nous observons que ce n'est pas une voiture mais bien une dizaine de véhicules et autant d'agriculteurs qui nous attendent. Thierry Willem nous explique: "le collectif, c'est le collectif!".
La Cuma de la Zorn est une des plus anciennes de la région. Créée en 1997, elle regroupe aujourd'hui, 16 exploitants. Elle s'est constituée au départ pour permettre l'achat de gros matériels destinés à l'élevage laitier: des machines à ensiler, l'épandage des fumiers... Aujourd'hui, la Cuma compte 40 machines. Elles sont proprement alignées sous un hangar construit par et pour les adhérents de la Cuma. Chaque groupe de machine a un responsable. C'est lui qui planifie l'utilisation des outils et active les réparations s'il y a lieu. L'achat de chaque machine est discuté au cours de réunions de groupe. La diffusion du planning d'utilisation des machines se fait via des réseaux sociaux comme Whatsapp ou des messageries.
Tenir les idées noires à distance
A quelques kilomètres de là, Matthieu Goehry est producteur laitier à Mittelhausen. Engagé très jeune dans une Cuma avec des amis agriculteurs, il est aujourd'hui le président des Cuma du Grand Est. Pour lui, la Cuma est une des solutions aux problèmes de trésoreries des agriculteurs. Lui-même n'a plus un seul tracteur sur son exploitation mais il peut disposer des cinq tracteurs de la Cuma de la Rosée à laquelle il appartient. "Dans une Cuma, on ne gagne rien, on économise, dit-il. Si une machine coûte 500 à 600 euros à l'hectare à un propriéaire unique, ce coût peut tomber à 300 euros/ha dans une Cuma". Chaque coopérative dispose d'un règlement intérieur qui fixe les règles d'adhésion, d'utilisation des machines.
Mais au-delà de l'aspect matériel, tous les adhérents rencontrés citent surtout la grande solidarité qui existe dans une Cuma. Les soirs de réunion, il est question des machines mais aussi des difficultés des uns et des autres.
Lors de notre rendez-vous à Littenheim un agriculteur évoque spontanément le film d'Edouard Bourgeon, "Au nom de la terre". Il est allé le voir en famille. Il dit être sorti de la salle avec la boule au ventre et le sentiment de connaître toutes les difficultés évoquées dans le film, jusqu'à la hantise du suicide. Etre ensemble en Cuma permet peut-être aussi cela, tenir à distance les idées noires.