Lourdement frappés par la fermeture et l'interdiction des grands rassemblements festifs, les distributeurs et grossistes de boisson estiment être les oubliés de la crise. En 2020, ils ont été quasiment à l'arrêt pendant cinq mois et ont perdu la moitié de leur chiffre d'affaires annuel.
Parmi les professions touchées par la crise sanitaire, les distributeurs et grossistes de boisson se disent être les grands oubliés. La plupart d'entre eux ne parviennent en ce moment qu'à réaliser péniblement 10 % de leur chiffre d'affaires habituel. Sans les restaurants - fermés - et les manifestations diverses - interdites - leur activité est quasiment au point mort.
"L’an dernier, nous avons été à l’arrêt pendant cinq mois, nous avons donc perdu la moitié de notre chiffre d’affaires annuel, regrette Paul Adam, PDG de l'entreprise Adam Boissons. En temps normal, nous livrons 1.000 restaurants ou autres établissements, c’était impensable qu’ils soient tous fermés. Jamais, on n’aurait pu imaginer cela."
La survie des entreprises en question
Pas ou peu de rentrées d'argent et des stocks qui s'entassent. "Ça nous fait mal de voir l'entrepôt aussi calme, normalement il se passe plein de choses ici. On a envie de remplir notre mission, que nos salariés puissent travailler. Ce n'est pas dans nos habitudes de ne rien faire", se désole-t-il encore.
Pour certaines marchandises, la date de durabilité minimale est déjà dépassée
55 des 70 salariés de la société familiale sont actuellement au chômage partiel, et de nombreuses caisses de boisson ne pourront plus être vendues. "Pour certaines marchandises, la date de durabilité minimale est déjà dépassée".
Une situation difficile à gérer pour le patron, troisième génération de la famille Adam à diriger l'entreprise, créée en 1923 : "On doit fêter notre 100e anniversaire en 2023. On était déjà en train de réfléchir aux festivités, mais la préoccupation maintenant est plutôt d'être toujours en vie d'ici là". La crise tombe d'autant plus mal pour Adam Boissons que la société haut-rhinoise a ouvert un deuxième entrepôt de 1.000 mètres carrés dans le Bas-Rhin, à Valff, en novembre 2019. Il n'a tourné à plein régime que quelques mois.
Les particuliers, ultime cible des distributeurs
Les distributeurs et grossistes misent désormais sur les particuliers pour sauver les meubles. À Artolsheim, l'entreprise Dolt Martin et fils a ainsi mis en place un système de livraison à domicile dans tous les villages alentours pour toucher de nouveaux clients, en plus de ceux déjà livrés en temps normal. Et l'initiative séduit. Certains ont décidé de changer leurs habitudes et de tourner le dos aux grandes surfaces, convaincus par le service.
D'autres achètent clairement par soutien : "Ils ont fait leur stock sans prévoir un deuxième confinement. Ils pensaient écouler leur marchandise facilement dans les restaurants ou sur les marchés de Noël en décembre mais tout est tombé à l’eau. Alors on essaye de les aider comme on peut", confie un client au moment de réceptionner de la bière de Noël. La patronne l'avait commandée au mois d'août et se retrouve avec une grande quantité sur les bras.
Avec les problèmes que l'on a connus, les clients veulent maintenant privilégier les bouteilles en verre, consignées. Cela m’aide à garder la tête hors de l’eau.
Chez elle, les particuliers ont augmenté de 20% depuis le début de la crise sanitaire. La grande majorité se déplace directement au dépôt pour faire ses achats. "Avec les problèmes que l'on a connus, les clients veulent maintenant privilégier les bouteilles en verre, consignées, et se disent qu’il vaut mieux opter pour des caisses pour vider leurs poubelles des satanées bouteilles en plastique. Nous avons notamment de plus en plus de jeunes, soucieux de l'environnement. Cela m’aide à garder la tête hors de l’eau", explique ainsi Martine Schwoehrer.
Une profession "oubliée"
De la solidarité et de la débrouille, c'est devenu le quotidien des distributeurs depuis plusieurs mois. Le 21 décembre dernier, ils organisaient une opération escargot sur l'autoroute aux abords de Strasbourg pour attirer l'attention des autorités.
"Les fermetures imposées à nos clients depuis le début de la crise, induisent de facto l’arrêt de notre activité sans que nous soyons nous-mêmes sous le coup d’une fermeture administrative, ce qui nous rend inéligibles aux aides spécifiques du secteur de l’hôtellerie-restauration dont nous dépendons entièrement. Nos entreprises puisent ainsi dans leurs réserves depuis mars dernier pour faire face à leurs charges fixes et cette situation n’est plus tenable !", indiquaient-ils alors dans un communiqué.