La distribution d'une trentaine de colis alimentaires par semaine, financée par une boutique de vêtements de seconde main et rendue possible par l'aide d'une soixantaine de bénévoles. C'est cela, les Greniers de Joseph, association solidaire à Diemeringen.
Non, la pauvreté n'est pas un fléau réservé aux grandes villes. Depuis une dizaine d'années, à Diemeringen en Alsace Bossue, un nombre croissant de personnes en grande précarité venait frapper à la porte du presbytère protestant, pour demander de la nourriture ou de quoi se vêtir. C'est pourquoi l'association Les Greniers de Joseph est née en 2012, afin de tenter de répondre à ces besoins de manière plus appropriée.
L'association a deux activités complémentaires : fournir des colis alimentaires complets, grâce au partenariat avec la Banque alimentaire et quelques magasins du secteur. Et gérer une grande boutique de vêtements de seconde main, dont les bénéfices permettent de couvrir les frais des colis. Et ça fonctionne. Le résultat a même très rapidement dépassé toutes les espérances. Tous les quinze jours, environ 200 personnes bénéficient d'un colis alimentaire. Et la boutique de vêtements fait le bonheur d'une clientèle nombreuse et variée, qui vient d'un rayon de 30 kilomètres à la ronde.
Un magasin de vêtements éco-responsable
Jolie vitrine décorée dans une ambiance pascale, parking, proche du centre-ville, la boutique de vêtements des Greniers de Joseph attire du monde. Ouverte depuis novembre 2014, elle accueille ses clients les mercredis et samedis toute la journée, ainsi que les lundis et vendredis dans l'après-midi. Elle fonctionne avec une seule salariée, les autres personnes qui la font tourner sont toutes bénévoles. En ce mercredi matin, devant l'entrée, une demi-douzaine de clients disciplinés et masqués attendent tranquillement leur tour.
Certains sont chargés de gros sacs. Des vêtements qu'ils apportent. "J'ai fait du rangement chez moi" explique une jeune maman qui arrive avec une poussette et trois gros sacs. "Si on a trop de choses, ça fait de la place dans les armoires, et d'autres en profitent." Dès son entrée dans le magasin, elle est délestée de son don. Et en profite pour jeter un œil à la nouvelle collection de printemps. "J'achète régulièrement ici" avoue-t-elle. "J'ai quatre gamins, donc ça vaut la peine."
Le magasin ne désemplit pas. Et régulièrement, des clients viennent d'abord déposer des sacs bien pleins, avant de faire un tour dans les rayons, puis repartent tout sourire avec de nouvelles acquisitions. Il faut dire qu'avec des vêtements à deux ou trois euros pièce, se faire plaisir n'est pas très douloureux pour le porte-monnaie.
"J'ai connu ce magasin par le bouche à oreille" explique une jeune femme. "Je suis entrée, j'ai déjà fait plusieurs achats, c'est intéressant. Ça permet d'acheter des habits pas trop chers. Il n'y a pas de honte." – "Il y a du choix, et on a le temps de bien regarder", renchérit une autre. "Ici, on trouve du presque neuf. Au lieu d'être jeté, ça peut resservir."
La présentation claire et aérée de l'assortiment printanier fait envie, car les vêtements proposés sont de qualité. Et même si, crise sanitaire oblige, le coin café ne fonctionne pas pour l'instant, clients comme bénévoles sont manifestement contents d'être là. D'autant plus qu'au-delà des prix tout doux et de l'attitude éco-responsable, beaucoup apprécient de participer ainsi à une forme de solidarité active. Car ils savent que les bénéfices du magasin permettent de financer le loyer du local (un ancien magasin de tondeuses), le salaire de l'unique employée, et de couvrir les frais pour les colis alimentaires.
Tout cela est possible grâce à l'engagement de près de 70 bénévoles, de (presque) sept à soixante-dix-sept ans. La plus jeune, Apolline, a 9 ans. "Mamie vient ici comme bénévole, et je suis venue avec elle" explique-t-elle avec grand sérieux. "J'ai trié les habits de bébés et les ai rangés par couleur."
En coulisses, derrière un paravent, d'autres bénévoles réceptionnent et trient les vêtements qui viennent de rentrer. "Actuellement, on reçoit des vêtements d'hiver" précise l'une d'elles, Brigitte Leyser. "On va les mettre de côté." Et parallèlement, il faut rouvrir les gros cartons d'habits de printemps, reçus l'automne dernier : "On avait tout vérifié et stocké. Maintenant, on réexamine chaque pièce avant de la mettre en rayon. Ça fonctionne comme ça."
Le magasin tourne parfaitement avec les vêtements reçus de particuliers. Il en reçoit même plus que nécessaire, au point de pouvoir, tous les mois, donner des dizaines de sacs de surplus à l'association Vetis, qui sait mieux recycler des vêtements de moindre qualité, et fait des chiffons avec ceux qui ne sont plus mettables. De cette manière rien, absolument rien, n'est jeté.
La préparation des colis alimentaires
En parallèle, chaque mardi, d'autres bénévoles se rendent à la Banque alimentaire du Bas-Rhin, à Illkirch-Graffenstaden, chercher une tonne et demi d'aliments secs, frais et congelés. Et deux à trois fois par semaine, ils font la tournée auprès de deux supermarchés et un commerçant du secteur, qui donnent leurs invendus.
Toute l'activité liée à l'alimentation se déroule dans un grand local sous le magasin de vêtements, un ancien garage également transformé et repeint à neuf. Là, d'autres bénévoles trient les aliments et préparent les colis. Les aliments avec une DLUO (date limite de consommation) dépassée sont mis de côté, et proposés en surplus, gratuitement. De même, tous les fruits et légumes sont repris en main et vérifiés. Seuls ceux en parfait état sont intégrés aux colis. Les autres, tachés ou gâtés, sont sont récupérés par un éleveur de porcs.
Une trentaine de colis distribués tous les mercredis après-midis
La distribution des colis a lieu les mercredis après-midis. Sur rendez-vous durant la crise sanitaire. "Les premières distributions, en 2015, concernaient 25 familles" se souvient Astrid Geyer, présidente des Greniers de Joseph. "En à peine trois mois, elles étaient 50." Actuellement, une soixantaine de ménages, soit près de 200 personnes, en bénéficie. "On a beaucoup de gens qui en ont besoin, car ils n'arrivent plus à joindre les deux bouts" précise Astrid Geyer. "Certains n'ont déjà plus rien à manger au début du mois, dès qu'ils ont payé leurs factures."
Ces bénéficiaires de tous âges, mamans isolées, chômeurs, retraités, accidentés de la vie, salariés pauvres, viennent d'une quarantaine de communes des alentours. Ce sont les assistantes sociales de secteur qui les adressent à l'association, pour une durée de trois mois renouvelables.
Dès 14 heures, la distribution commence. Les colis ont été préparés d'avance, selon la composition familiale, et les bénéficiaires peuvent compléter en se servant de produits d'hygiène et de nettoyage. Pour une personne seule, un colis alimentaire pour deux semaines est constitué de plus d'une vingtaine de kilos de produits d'épicerie secs, complétés par du frais et du surgelé. Sa valeur réelle est de l'ordre de 150 euros, et il est demandé à la personne de participer à hauteur de 3 euros. "Une somme que certains peinent à donner" précise Astrid Geyer. "Tous paient, mais parfois avec du retard." Elle évoque avec émotion ce bénéficiaire, arrivé avec une poignée de pièces d'1 centime. Ou cette maman qui a reconnu avoir cassé la tirelire de son enfant pour réunir l'argent nécessaire.
"C'est vraiment généreux" se réjouit une dame en découvrant son colis. "Sans ça, on n'y arriverait pas." Mais spontanément, elle ressort les deux boîtes à œufs qui lui avait été attribuées, en expliquant : "Comme on a des poules, je les laisse pour les autres."
Une autre bénéficiaire apprend que ce colis est le dernier, puisque la durée de trois mois est écoulée. "Je vais demander une prolongation à l'assistante sociale, car je suis toujours en arrêt maladie" explique-t-elle. Pourtant, comme toutes les autres personnes qui viennent ici, elle souhaiterait sortir le plus rapidement possible de cette situation. "J'espère pouvoir bientôt retravailler. Le travail me manque" assure-t-elle.
Un espoir d'ailleurs partagé par l'équipe des Greniers de Joseph. "On se réjouit d'accueillir les gens" sourit Astrid Geyer. "Mais d'un autre côté, on leur dit qu'on espère ne plus les voir… Car cela signifie que leur situation s'est améliorée."
En effet, la finalité de l'association serait de pouvoir, un jour, redevenir inutile. Mais malheureusement, et d'autant plus avec la crise actuelle, l'action de cette jeune association risque de s'avérer indispensable encore un bon bout de temps. D'ailleurs, selon Astrid Geyer, les assistantes sociales du secteur affirment régulièrement ne plus savoir comment elles faisaient lorsque les Greniers de Joseph n'existaient pas encore.