Le réseau Obepine (OBservatoire ÉPIdémiologique daNs les Eaux usées) mène des travaux de recherche très utiles pour l'avenir. Il développe un outil capable de détecter de manière fiable la circulation de virus, tels que le SARS-CoV-2, le virus de la gastro entérite et d'autres encore.
La 5e vague est bel et bien là. Dès octobre, sur les courbes du réseau Obepine devenu le GIS (Groupement d'intérêt scientifique) Obepine (OBservatoire ÉPIdémiologique daNs les Eaux usées), on pouvait observer avec un peu d'avance des signes évidents de cette vague. Dans le Grand Est en particulier, les eaux usées sont prélevées sur différentes stations d'épuration, et il y avait peu de doute sur la remontée en quantité de la présence du virus. Christophe Gantzer, co-directeur du Groupement d'intérêt scientifique Obepine, professeur de virologie à l'université de Lorraine, directeur du Laboratoire de chimie physique et microbiologie pour les matériaux et l'environnement, nous confie les dernières courbes et nous aide à les comprendre.
On avait vu une remontée de la concentration virale dans les eaux usées avant qu’on ne le constate sur les incidences"
"Le virus circule très fort actuellement, c’est évident. On avait vu une remontée de la concentration virale dans les eaux usées avant qu’on ne le constate sur les incidences". Mais pour Christophe Gantzer, la difficulté de l’outil "Obepine" est que s’il permet de détecter la quantité de virus dans les eaux usées, il ne peut pas faire la différence entre des porteurs asymptomatiques (vaccinés ou non). Il ne peut donc pas prévoir l’effet immédiat sur le risque d’affluence de malades dans les hôpitaux". Il ajoute : "Il ne faut pas opposer les indicateurs. L’indicateur "eaux usées " donne une vraie information globale, qui est d’ailleurs largement moins chère que de surveiller toute la population avec des tests PCR par exemple. C’est là que cela prend tout son sens."
Variant Delta
Pour l'instant ce qu'observent les chercheurs du réseau Obepine, c'est le variant Delta. Mais ils cherchent Omicron aussi. "Depuis une semaine, nos efforts se portent sur la détection du variant Omicron. Dans les eaux usées, cette recherche est complexe. Si on recherche le SARS-CoV-2, de manière globale, on peut le détecter facilement dans les eaux usées. Le variant Omicron présente certaines mutations qui le caractérisent et le différencient du variant Delta. Pour le mettre en évidence, on a deux étapes à respecter : d'abord détecter un certain nombre de mutations du SARS-CoV-2 dans les eaux usées. Mais ce n'est pas une condition suffisante. On peut dire, il y a suspicion d'omicron parce qu'on trouve quelques signatures. Mais ensuite, pour confirmer, il faut séquencer. Ce qui est fait actuellement dans les hôpitaux sur la base de prélèvements nasaux pharyngés. Dans les eaux usées, c'est plus compliqué".
Omicron
Le GIS, groupement d'intérêt scientifique, qui est un réseau de laboratoires de recherche, est en discussion avec le ministère de la Santé et celui de la Recherche pour mettre en route les stratégies de surveillance d'Omicron dans les eaux usées. Certaines villes sont déjà en surveillance. "Pour le variant Delta, nous surveillons 200 sites en France, ce qui représente 35 % de la population française. Sur Omicron, on ne va pas pouvoir le faire aussi largement". Avec un peu plus de temps et de moyens, la recherche peut identifier la signature d'Omicron. "Nous sommes capables de le faire avec du personnel et des moyens techniques. Nous sommes mobilisés pour cela. Nous le faisons à petite échelle parce que c'est notre domaine de recherche." À Nancy, les scientifiques traquent donc déjà Omicron dans les eaux usées. Mais les données ne pourront pas être diffusées au grand public. La recherche sur les eaux usées n'est pas la surveillance des eaux usées. Pour cela, les scientifiques du GIS Obepine ont travaillé à des protocoles très précis. Ces protocoles doivent maintenant passer par des organismes officiels pour être codifiés, certifiés, devenir des normes. Après quoi, ils seront aux mains des laboratoires qui seront chargés de cette surveillance à l'échelle du territoire par les pouvoirs publics.
Virus de la gastro-entérite
Le GIS Obepine a une vocation plus large à développer des projets de recherche autour de cette thématique de l'épidémiologie via les eaux usées. À Nancy, les scientifiques travaillent sur des méthodes qui faciliteraient la détection des virus dans les eaux usées, détections de variants de toute nature. "On trouve les virus de la gastro-entérite. On a un autre virus d'intérêt, celui de l'hépatite E. Ce n'est pas un virus qui pose un problème important d'un point de vue épidémiologique. Mais ce sont des virus qui se transmettent par les aliments. Le virus de l'hépatite E est un virus que l'on trouve dans le foie de porc, par exemple. Il se transmet de l'animal à l'homme. Dans certaines régions, il circule plus qu'ailleurs : région PACA, Sud-ouest et Grand Est. Nous, on explore la piste de la transmission environnementale". Le SARS-CoV-2 est assez fragile. Très rapidement, il est inactivé dans les eaux usées. Il l'est déjà à l'entrée de la station d'épuration. D'autres virus ,comme celui de la gastro-entérite, passent très facilement la barrière des traitements. Dans certaines régions, on les retrouve dans les fruits de mer. C'est un point très important de nos recherches en virologie. L'hiver 2019 – 2020, les zones d'ostréiculture ont subi de fortes pollutions virales.
Recherche d'avenir
Le fruit du travail des chercheurs du réseau Obepine n'a sans doute pas une finalité immédiate. Il pourrait permettre à plus long terme de mettre en place un réseau de surveillance des eaux usées. Il s'agirait alors de détecter les prochaines vagues de covid-19, mais aussi d'autres virus, celui de la gastro-entérite, celui de la grippe et peut-être les prochaines menaces, dont on ne sait encore rien.