Marne, Verdun... le Monopoly Première Guerre mondiale divise les associations de mémoire

En recommandant l'édition Première Guerre mondiale du célèbre Monopoly comme cadeau de Noël le mardi 22 décembre, le musée de la Grande Guerre à Meaux (Seine-et-Marne) a suscité des critiques des internautes sur les réseaux sociaux. L'idée ne fait pas l'unanimité chez les associations de mémoire.

Ce n'est peut-être pas la meilleure idée de cadeau de Noël. En suggérant sur son compte Twitter de placer le Monopoly édition Première Guerre mondiale au pied du sapin, le musée de la Grande Guerre de Meaux (Seine-et-Marne) s'est attiré des critiques. Immédiatement après la publication de cette "idée cadeau", le mardi 22 décembre 2020, plusieurs internautes ont fait part de leur mécontentement.

Cette version franco-anglaise du Monopoly est semblable à celle que nous connaissons tous et toutes. Les différentes cases ont simplement été changées pour faire référence à de célèbres batailles de 14-18 (comme celles de l'Artois ou de la Somme, listées sur la carte ci-dessous). De plus, des tanks intègrent les pions; la Caisse de communauté est remplacée par le Bleuet de France, et la compagnie d'électricité par le dépôt de munitions par exemple.
 


Parmi les commentaires remontés, ceux des historiens - sous pseudonyme - Padre Pio ("Non mais franchement, vous avez pensé à quoi au moment de valider une idée pareille, enfin ?", visible ci-dessous) ou Cocktail mazal-tov. Ce dernier cite Anatole France en rappelant le lien capitalisme/boucherie des combats ("L’on croit mourir pour la patrie, l’on meurt pour les industriels et les banquiers."). D'autres, comme une certaine Hélène Strabo, se demandent ce que donnerait une édition Seconde Guerre mondiale ("À quand une version camps de la mort ? C'est absolument indécent.").

Du côté des associations mémorielles, jointes par France 3 Champagne-Ardenne, l'avis est plus positif. Le président de celle de Dormans (Marne), Gérard Renault, n'avait pas entendu parler de ce Monopoly, mais il n'y est pas opposé. "Personnellement, ça ne me dérange pas trop. Ça ne me choque pas. C'est possible que certains soient susceptibles, bien sûr. Mais c'est une solution comme une autre pour se rappeler de l'histoire de France."
 


La première vice-présidente de l'association, Christine Galopeau de Almeida, est également professeure d'histoire au collège de Dormans. Elle était au courant. "J'ai trouvé que c'était une bonne idée... C'est intéressant, par le biais du jeu, d'intéresser les plus jeunes qui ne vont pas forcément vers nos associations. Mais j'aimerais bien le voir pour le tester." Il est vrai qu'on est plus proche du produit dérivé que de la médiation ludique, rappelait l'un des commentaires négatifs sur Twitter.

L'enseignante se rappelle d'un autre jeu, les Taxis de la Marne. "C'était un jeu de cartes coopératif que j'avais acheté au musée de Meaux. On part des Invalides en remplissant les taxis pour se rendre sur les lieux des combats. Le jeu est vraiment un outil intéressant pour les jeunes générations."
 

Devoir de mémoire

Du côté de l'Association nationale pour le souvenir de la bataille de Verdun (Meuse), son président Maxime Prudent était aussi au courant. "Mais pour être franc, je ne l'ai pas encore vu. Ça m'a l'air intéressant. Apprendre l'histoire en amusant, ça fonctionne. C'est une très bonne idée. Je n'y vois pas de problème particulier. De toute façon, si vous faites quelque chose, les gens vous critiquent... et si vous ne faites rien, c'est pareil."

 

Au risque de paraître vieux-jeu, ça reste un sujet sensible...

Robert Lenhardt, président des Amis du Hartmannswillerkopf


Marcel Zimmermann, fondateur de l'association alsacienne Culture et solidarité, voit là "une bonne manière de transmettre la mémoire". L'avis diverge chez les Amis du Hartmannswillerkopf (Haut-Rhin). Son président, Robert Lenhardt, se dit surpris. "Un jeu à la Trivial Pursuit, je comprends. Mais un Monopoly ? Si encore il y a un fond historique : on tire la carte du HWK et apprend des choses, on a envie de se plonger dans l'histoire..."

"Mais là, il y a juste un côté mercantile. Ça me paraît bizarre, j'ai du mal à comprendre l'intérêt d'acheter des champs de bataille. Si on tombe sur la case du HWK, on meurt ? Je ne sais pas à quoi pensait l'inventeur : au risque de paraître vieux-jeu, ça reste un sujet sensible. Des gens sont morts, et pour pas grand-chose en plus."

 

Pas une première

Des critiques, Hasbro, l'éditeur de Monopoly, en a déjà reçues. Et pas forcément pour d'autres éditions "guerrières" du célèbre jeu, par exemple celle de la Seconde Guerre mondiale (qui existe donc déjà) ou du Débarquement de Normandie. Ces deux éditions sont vendues par le Mémorial de Caen (Calvados); tout comme Verdun et l'Ossuaire de Douaumont (Meuse) vendent la fameuse édition 14-18 du Monopoly.

Une controverse était née de l'édition Millenials, sous-titrée "Oubliez les propriétés, vous n'avez pas les moyens de vous les payer". Cette version avait été jugée clichée et offensante. Les Corses n'avaient pas non plus apprécié leur Monopoly, car Corte était la propriété la moins chère, la plus négligeable. Or, il s'agit de la capitale historique de l'île de Beauté, bien avant Ajaccio. Avec ses centaines d'éditions au compteur, Monopoly, un jeu initialement anticapitaliste, réserve sans doute d'autres polémiques à l'avenir. 
 

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