Ils sont 700 000 par an à être harcelés à l’école en France : un véritable fléau. Victor a été victime de harcèlement pendant quatre ans dans un collège de la Marne. Aujourd'hui des actions de sensibilisation se mettent en place. Dire "Non au harcèlement" est devenu une priorité.
 

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Dans l’enceinte du collège Pierre-de-Coubertin de Cormontreuil, sous le préau, au niveau des casiers : « Scène 1, 1ere. Moteur, ça tourne ». Julie, Léana, Isis et Médina sont toutes les quatre en classe de 5e. Elles sont décrites, par la principale de l’établissement, comme des élèves très investies auprès des autres. Déléguées de classe, responsables de projet… toujours volontaires pour la cause des 542 collégiens de l’établissement. Bien sûr, elles ne sont pas seules mais l’altruisme, à leur âge, est une qualité à souligner et à encourager.

« Pour que rien ne nous échappe »

Alors lorsque ces jeunes filles ont demandé à participer au concours « Non au harcèlement », elles ont obtenu l’aval des responsables de l’établissement. « C’est une première pour l’établissement, explique Julie Calamy, la principale du collège Pierre-de-Coubertin. Les filles travaillent sur le concours « Non au harcèlement » organisé par l’Education Nationale dans le cadre du conseil de vie collégienne ».
Julie, Léana, Isis et Médina ont débuté ce projet sur leur année d’entrée en 6e.Leur clip sera remis pour le 31 janvier au jury du concours "Non au Harcèlement". « Le but est d’apporter des images sur ce qui peut se passer dans un établissement scolaire, des images concrètes », poursuit la principale. Des projets comme ceux-là font partie de la prévention mise en place, logiquement, dans tous les collèges. « Les séances de sensibilisation au harcèlement ont lieu, chez nous, dès l’entrée en 6e. On explique ce qu’est le harcèlement, comment le gérer en tant que victime et surtout en tant que témoin, précise encore Julie Calamy. L’important, c’est la communication ».

A partir du moment où l’on identifie quelque chose tout est mis en œuvre pour que tous les adultes soient au courant et portent un œil attentif à la situation pour que rien ne nous échappe.
- Julie. Calamy, principale du collège Pierre-de-Coubertin à Cormontreuil -


Au collège Pierre-de-Coubertin de Cormontreuil, une cellule de veille, composée de la direction, de la conseillère principale d’éducation, de l’infirmière, de l’assistante sociale et des professeurs se réunit toutes les trois semaines. « Toute situation où l’on observe un changement de comportement, baisse de résultats, absence, isolement, est prise en charge. On creuse pour voir ce qui se passe ». Julie Calamy insiste sur ce qui est pour elle essentiel dans la vie de ses collégiens : le bien-être à l’école.
 
  

« Beaucoup de gens se suicident à cause de cela »

Julie, Léana, Isis et Médina vont rendre leur copie dans quelques jours. Ce concours « Non au Harcèlement », elles y participent avec cœur et détermination. Pendant un an et demi, elles se sont informées, ont écrit leur storyboard et en parlent. « Je trouve que le harcèlement c’est un sujet qui touche beaucoup de monde. Je pense que les gens ne sont pas assez informés sur les risques, explique Médina, élève en classe de 5e. Il y a beaucoup de gens qui se suicident à cause de cela. Se donner la mort parce qu’il y a des gens qui vous embêtent, je trouve cela triste ».
« Il y a beaucoup d’enfants qui se font harceler chaque année en France et il faut arrêter cela parce que ce n’est pas normal », reprend Julie.
Bien sûr elles aimeraient que leur vidéo soit bien classée dans ce concours, mais là n’est pas l’essentiel.


Quatre années d’enfer

Lorsque Victor était élève dans un collège de la Marne, ce concours n’existait pas. C’était aussi avant la loi du 4 août 2014 qui désormais punit les actes de harcèlement scolaire.
De ses quatre années de collégien, un mot revient sans cesse : « l’enfer ». « C’était tout le temps, tout le temps. A chaque récréation, à chaque temps mort. Des insultes, des bousculades, des petits coups pour faire mal, pour blesser… oui tout le temps, explique je jeune homme aujourd’hui âgé de 19 ans. Au début, on se dit pourquoi moi. Et puis cette question devient annexe. On vit tellement au jour le jour. On part à l’école en se demandant : qu’est-ce qui va m’arriver aujourd’hui, qu’est-ce qu’ils vont inventer pour me faire mal, pour me toucher là où ils ne m’ont pas encore touché ».
Victor se renferme, s’isole, tout en prévenant ses parents tout de suite. Des démarches sont faites auprès du principal du collège, à plusieurs reprises. Mais face à la situation… rien ne se met en place. Une main courante est déposée en gendarmerie.
« La fermeture, elle est progressive, explique Victor. Elle se fait au fur et à mesure qu’on essaye de trouver des solutions ».

Il y a beaucoup de haine qui s’accumule. Une sensation d’injustice. Se dire… on pourrait m’aider, mais on ne le fait pas.
- Victor harcelé pendant quatre années dans un collège de la Marne -


Avec ses harceleurs, Victor n’a aucun dialogue. « Ils prennent un certain plaisir à se hisser plus haut que la personne. Je me demande si on ne peut pas parler de dépendance pour eux tellement ils prennent de plaisir à faire mal et à se sentir forts ».
Victor est passé à tabac plusieurs fois en plus des brimades habituelles. Venir au collège est l’enfer sur terre, ses résultats scolaires sont en chute libre et il n’a plus aucun intérêt à se lever le matin.

C’était comme si j’étais en guerre. On est dans l’élaboration de stratégies pour souffrir le moins possible. Si on commence à réfléchir, on est mort .
- Victor harcelé pendant quatre années dans un collège de la Marne -


La mort en réponse à la violence, Victor a failli se jeter du haut du 3e étage. Ce jour de vacances d’été, chez ses grands-parents, il se retrouve seul et s’installe, les pieds dans le vide, sur la rambarde du balcon. Une demi-heure de réflexion plus tard il en descend. « C’était pas comme dans les films, personne n’est venu me voir pour me dire de descendre. Je m’en suis sorti grâce à moi, seul. Je me suis dit, si je fais ça, c’est pour moi. Mais je pourrai tellement aider les autres. Mais à ce moment-là, il y a quand même une partie de moi qui a sauté ».


« Pour une école en paix »

Bien plus que ses harceleurs, Victor tient pour responsables « les cadres de l’établissement qui n’ont pas fait en sorte que ça s’arrête. Ils ne pouvaient pas dire qu’ils ne savaient pas ». Le principal est depuis parti de l’établissement, semble-t-il évincé de son poste.
Victor n’a jamais quitté ce collège. Pour sa dernière année, en 3e, « je n’étais plus le même reconnaît-il. Je n‘étais plus prêt à me laisser marcher dessus et j’ai rendu coup pour coup. Je n’en suis pas fier, mais à partir de là on m’a laissé tranquille ».

A la sortie de ses années de lycée, son bac en poche, Victor a décidé de créer l'association Les Cœur d’Espoir accueillie dans les locaux de La Filature à Bazancourt. Evidemment son objectif est de lutter et surtout de sensibiliser au harcèlement scolaire mais aussi à toutes les formes de violences au sein des établissements.
« Pour une école en paix », Victor a acquis un degré de résilience tel, qu’il travaille aujourd’hui dans le collège où il a été harcelé. La principale a accepté de l’accueillir pour mettre en place des séances de sensibilisation. Et dans chacune de ses interventions, Victor précise : « 700 000 enfants par an en France se disent harcelés, mais il y a tous les autres. Ceux qui ne parlent pas ».

 
Sylvain Portier, psychologue à l’association France Victime 51 : « Leur montrer qu’ils ont les ressources pour continuer »
Sylvain Portier est psychologue au sein de l’association France victime 51 – Le Mars. Le harcèlement scolaire n’est pas le plus gros de ses dossiers, mais il a pris en charge plusieurs victimes ces dernières années. « Lors du premier contact, je pars du principe que je ne sais rien. Je leur demande pourquoi ils sont là et qu’est-ce qu’ils attendent de moi », explique-t-il. Et puis tout le travail du début de prise en charge consiste à expliquer ce qu’est le harcèlement. Pourquoi cela survient. Comment se crée un phénomène de groupe. Pourquoi il y a des observateurs passifs qui ne réagissent pas », précise Sylvain Portier.
Et puis il faut évoquer forcément la place de l’adulte. Celui en qui l’enfant n’a plus du tout confiance parce qu’il n’a rien fait, il n’a pas réussi à le protéger.
« Il faut faire comprendre à l’enfant que l’adulte ne sait pas faire la part des choses entre une bagarre dans la cour et du harcèlement. Il n’y arrive pas. L’adulte peut être un outil à utiliser, mais il ne peut pas se reposer dessus. Il faut qu’il trouve lui aussi des solutions, d’autres armes ».
La partie commence à s’inverser lorsque l’enfant comprend cela et qu’il sait qu’il a les ressources pour le faire. « Là on peut alors travailler sur la recherche de solutions, d’autres espoirs. Et puis après, c’est le retour de l’estime de soi ».
Sylvain Portier explique également qu’aujourd’hui en France aucune étude scientifique n’a été réalisée dans ce domaine. Elles permettraient « de savoir ce qui marche ou pas dans la prévention. Il faudrait que l’on sache sur quoi s’appuyer. Comment on aborde cela avec les jeunes, comment on arrive à les sensibiliser pour qu’ils réagissent. On manque de protocole précis ».
Quant au rôle des psychologues, il estime qu’ils devraient intervenir dans les établissements scolaires, « comme dans les entreprises lors de situations de harcèlement ou de risques psycho-sociaux ». Le harcèlement « c’est vraiment très particulier. C’est un phénomène que l’on retrouve partout, on ne peut donc pas dire qu’il soit totalement anormal ».
Il faut l’étudier pour pouvoir lutter contre, efficacement.

 
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