Aujourd'hui, cette mère ne décolère pas, et dénonce un système où le harcelé a dû quitter son établissement, pas ses présumés harceleurs. Ils demandaient à son fils d'acheter des tacos pour "tout le monde" et lui, volait beaucoup d'argent à sa maman pour payer.
"Je me suis fait racketter. Le proviseur et le CPE m'ont traité de menteur." À 11 ans, Pierre* est victime de harcèlement depuis septembre dernier dans son collège du 11ᵉ arrondissement de Marseille. Sa mère, Stéphanie*, accuse aujourd'hui l'établissement scolaire de ne pas avoir sanctionné les élèves impliqués, son fils ayant dû changer de collège.
C'est vers la mi-octobre que sa mère, Stéphanie*, réalise le harcèlement qu'endure Pierre. "À l'heure du déjeuner, un jour, il est parti plus tôt que d'habitude. Il avait l'air en panique quand je lui ai demandé pourquoi il partait maintenant", nous confie-t-elle, gorge serrée et voix saccadée.
Acheter des tacos pour tout le monde
Cette même journée, la mère se rend compte que de l'argent a disparu de sa propre tirelire. En panique, Stéphanie fait de suite le rapprochement avec le comportement pressant de son fils et appelle le collège. Le CPE retrouve 500 € en liquide sur le jeune garçon et convoque la maman. À l'école, Pierre lui explique que l'argent volé devait servir à acheter des jeux vidéo et des tacos à tout le monde, tout en sanglotant à chaudes larmes. "À ce moment-là, le CPE n'a pas cherché à savoir", poursuit Stéphanie avec amertume. De retour à la maison, Pierre pleure et son discours est incohérent. Un coup, il avoue y avoir été obligé, un autre, il explique avoir voulu faire plaisir à ses camarades. "Mais je savais qu'il y avait quelque chose, qu'il avait peur."
Le lendemain matin, l'adolescent lui raconte toute l'histoire. À l'école, trois de ses camarades lui réclament de l'argent, allant jusqu'à des centaines d'euros, et d'aller acheter des tacos. Les demandes se font dans la cour de l'école, sous menaces. "La première fois, un des garçons lui a dit à la fin d'un cours : "Tu me suis ou je te frappe." Son fils le suit dans une petite ruelle cachée, à proximité de l'établissement scolaire. Il est "poussé, on lui donne un coup à l'épaule". À partir de ce moment-là, le jeune garçon accède à toutes les demandes de ses camarades par crainte.
Je lui ai dit aujourd'hui, c'est 500 €, demain ce sera 1 000 €. Tu vas faire quoi quand je n'aurais plus d'argent ? Il m'a répondu : "Et bien, je vais me suicider."
Stéphanie*, mère de Pierre*à France 3 Provence-Alpes.
Un déchirement pour cette mère qui n'a rien vu venir. "Son humeur à la maison ne changeait pas. C'est pour ça que ça nous a choqués", explique-t-elle.
L'incompréhension de la maman face à l'indifférence
La mère décide de prendre les choses en mains le jour où elle apprend tout ce que vit Pierre depuis deux semaines. Selon la maman, les parents des présumés harceleurs ont été convoqués par la scolarité . "Pas une seule fois les parents sont venus me voir", souligne-t-elle déçue.
Je ne comprends pas pourquoi on protège ces enfants, personne ne les a punis.
Stéphanie*, mère de Pierre*à France 3 Provence-Alpes.
Pendant un mois, Pierre reste à la maison. Son absence est justifiée par des certificats médicaux. Stéphane affirme n'avoir eu aucune nouvelle de l'école. "Rien n'a été mis en place pour lui. La seule solution, c'est qu'il devait retourner dans la même classe que ses camarades. Aucune mesure disciplinaire, ni mesure d'éloignement n'a été décidée", poursuit-elle agacée. La mère finit par appeler le rectorat qui programme des rendez-vous avec la scolarité.
La mère dénonce l'inaction de l'école
Pierre rencontre des représentants de la cellule Phare, le programme de lutte contre le harcèlement à l'école mis en place par le gouvernement, au sein du collège. Stéphanie affirme qu'au cours du rendez-vous, son fils est amené à confronter ses trois "harceleurs". "J'avais demandé qu'il les rencontre un par un, pas tous ensemble."
Lorsqu'elle vient chercher Pierre à l'école, le CPE et directeur adjoint lui font savoir qu'ils n'ont pas réussi à décerner la vérité. "Mon fils m'a raconté qu'ils lui avaient dit pendant le rendez-vous que c'était lui le menteur, qu'ils croyaient plus les autres que lui et qu'il avait été obligé de dire qu'il avait menti sous le coup de la pression."
Contactée par France 3 Provence-Alpes, l'école nous affirme avoir pris les mesures nécessaires face au harcèlement dénoncé par l'adolescent de 11 ans et nous confirme à nouveau "ne pas savoir qui disait la vérité". De son côté, le rectorat nous confirme avoir pris "très au sérieux la situation", que celle-ci "a été traitée au sein du collège." Mais, que "la preuve du racket n'a pas pu être établie".
Depuis, Pierre a changé d'établissement scolaire, à la demande de la mère et de l'enfant. Stéphanie estime que "la confiance s'est brisée". Les trois autres adolescents concernés par l'affaire n'ont pas reçu, à ce jour, de sanctions disciplinaires et n'ont pas changé de collège.
*Les prénoms ont été modifiés.