Témoignage. "Crève, bien fait", harcèlement d'une fillette dans son quartier, sa mère voudrait déménager rapidement

Publié le Écrit par Louise Beliaeff

Après avoir été frappée à son école du 9ᵉ arrondissement de Marseille, Synda 10 ans, ne sort pas de son traumatisme. Sa maman remue ciel et terre pour obtenir un nouveau logement social ailleurs dans Marseille et s'éloigner des bourreaux qu'elles croisent encore. En vain.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"Elle vit dans son cauchemar". Synda, 10 ans, vit dans le noir depuis deux mois. Le 7 juin dernier, elle est agressée par plusieurs élèves dans la cour de récréation de l'école Square Michelet, dans le 9ᵉ arrondissement de Marseille. Souffrant d'un traumatisme crânien sévère, Synda est hospitalisée une semaine. Depuis, la petite n'ose plus sortir de chez elle.

"Elle n'est toujours pas sortie du choc post-traumatique, décrit sa maman Leïla. Elle a des idées très noires, parle de suicide. Elle ne peut pas sortir de son traumatisme tant qu'elle est sur le lieu de l'agression, tous les psychiatres nous l'ont dit. La solution, c'est de déménager".

Leïla se démène pour obtenir un nouvel appartement, dans un autre quartier. Elle explique avoir effectué une demande de logement social "depuis quatre ans déjà". "Cette demande est renouvelée toutes les années. Et là, la mesure d'urgence n'est pas déclenchée malgré tout ce que je fais"

"250" mails envoyés, 2 propositions


Cette mère de famille solo âgée de 33 ans raconte avoir déjà envoyé "250 mails à tous les bailleurs sociaux". "J'ai demandé à tout le monde, 40 coups de fil à la mairie, j'ai tapé à toutes les portes. Métropole, département, mairie. Tout le monde dit qu'ils vont nous aider, ils semblent touchés, mais concrètement, il ne se passe rien."

Contacté par France 3 Provence-Alpes, le département indique "être au courant de la situation difficile" de Leïla : "Elle fait l'objet d'un accompagnement adapté par rapport à la protection de l'enfance. Mais le département n'est absolument pas compétent sur l'attribution de logements sociaux. Une assistance sociale des maisons des solidarités est là pour l'accompagner dans sa démarche." 

Une réponse dont la municipalité de Marseille s'étonne. "La Ville a pris en considération la demande de cette maman. Cela suit son cours. Elle traite son dossier dans les conditions d'attribution réglementaires. En revanche, le département a toute latitude d'en faire autant."

Du côté des bailleurs sociaux, Leïla indique avoir reçu deux propositions formelles. La première pour un T4 de 60 m² et la seconde, pour un appartement situé cité Château Saint-Loup, dans le 10ᵉ arrondissement de Marseille. Leïla a aussi reçu proposition informelle concernant un appartement du le quartier Saint-Thys.

"La première proposition, c'est trop petit pour mes trois enfants et moi. C'est une cage à poule et je suis éligible à un T5. Quant à la deuxième solution..."

Je ne peux pas habiter avec mes petits dans une cité où il y a des règlements de compte et des trafiquants de drogue. Qui voudrait ça pour ses enfants ?

Leïla, maman de Synda

France 3 Provence-Alpes

Leïla évoque la mort de Socayna, victime d'une balle perdue de kalachnikov alors qu'elle était dans son appartement en septembre dernier, cité Saint-Thys. "Je pars pour les 15 années à venir, après, je ne pourrai plus revenir à la charge, il faut une situation saine et durable pour mes enfants", clame-t-elle.

"Crève !", "Bien fait !"

Malgré ses coups de fil et innombrables mails, Leïla se retrouve face à un mur. "Je ne peux pas attendre. À la rentrée, ma fille va être scolarisée dans un autre établissement. Mais cela ne suffit pas, elle ne peut plus descendre de la maison". La maman indique que Synda est toujours harcelée par ses agresseurs.

"Quand elle est revenue de l'hôpital, ils étaient à la fenêtre et l'insultaient. Crève ! Meurs ! Bien fait ! C'est arrivé plusieurs fois depuis." Leïla relate une scène au supermarché. "On les a croisés, ils se sont moqués, la petite était en pleurs".

On croise ses agresseurs dans le quartier, dans les centres commerciaux. Ils la narguent, parlent fort de la situation, même devant les parents.

Leïla

"Synda pleure tous les soirs, déplore la maman. Elle me dit : 'Ils ont gagné et moi, j'ai perdu. Je veux mourir'."

"Cela fait deux mois qu'elle ne rigole plus, qu'elle ne dessine plus alors qu'elle avait un don pour ça. Elle dansait tout le temps, ce n'est plus arrivé depuis l'agression. C'est un rayon de soleil. Elle a régressée, perdu de l'autonomie", lâche Leïla, la voix qui s'étrangle.

Je ne demande pas la lune. Je n'ai pas la prétention de demander une résidence de haut standing à la corniche Kennedy. Juste un endroit calme et sain."

Leïla

Je suis prête à aller jusqu'à Oriol. Pour repartir de zéro, une page blanche pour Synda", martèle cette maman, "au bout".

Une plainte sans résultat

Leïla a porté plainte contre les cinq enfants soupçonnés d’agression. Trois filles et deux garçons, scolarisés en CM2. "Ils n'ont pas été condamnés", soupire la maman. "La juge a estimé qu'ils n'étaient pas responsables de leurs actes."

De son côté, son avocat essaye de constituer un dossier d'indemnisation, nous explique-t-elle. "Il se bat pour ça. Mais moi, je n'attends pas d'argent. Je veux partir. 2000 euros, qu'est-ce que ça va lui faire à elle ?".

"J'ai abattu toutes mes cartes, conclut-elle, désespérée. C'est moi qui vais me retrouver aussi en dépression. Si c'était pour moi, j'aurais lâché, mais je me bats pour elle, pour mes enfants."

Leïla a deux autres enfants : un fils de huit ans "souffrant d'un TDAH sévère" (Trouble de déficit de l'attention avec/sans hyperactivité) et un petit dernier de 3 ans. Cet été, les deux garçons sont au centre aéré. "Synda n'a pas voulu. Ils vivent leur été, elle non. Elle est à côté de moi toute la journée".

"Je lui ai dit : 'Quand on va déménager, tu vas tout dire ce que tu as sur le cœur et on refermera la maison, et on laissera tout dedans.' Si un jour, on déménage."

Qu’avez-vous pensé de ce témoignage ?
Cela pourrait vous intéresser :
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information