La plaignante, condamnée en 2017 à une amende pour avoir fait ses courses en voile intégral dans un supermarché de Fagnières, attaque l'État pour non application des recommandations du comité des droits de l'Homme de l'ONU.
Une semaine après les critiques adressées à la France par le comité des droits de l'Homme des Nations Unies, celui-ci estimant que l'interdiction du port du voile portait atteinte à la liberté religieuse et pouvait créer une discrimination entre les citoyens français, une Chalônnaise de 41 ans d'origine algérienne s'est engouffrée dans la brèche.
Condamnée à une amende de 50 euros en mars 2017 par le tribunal de police de Châlons-en-Champagne après avoir fait ses courses à trois reprises dans un supermarché de Fagnières vêtue d'un voile intégral, cette mère de famille avait vu la cour d'appel de Reims confirmer sa condamnation en octobre 2017, la juridiction estimant qu'un commerce "entrait bien dans la catégorie des espaces publics".
Un port du niqab assumé et réitéré
Ce mercredi 30 octobre, la quadragénaire comparaissait une nouvelle fois devant le tribunal de police de Châlons-en-Champagne pour avoir à nouveau porter un niqab en août 2018 sur le parvis de la gare SNCF de Châlons-en-Champagne où elle venait de déposer une amie en voiture.
Sur le fonds, la décision sera rendue le 27 novembre prochain mais l'avocat de la plaignante, maître Emmanuel Ludot, a demandé à l'Etat français, dans un courrier adressé à la garde des sceaux Nicole Belloubet, d'indemniser à hauteur de 10 000 euros sa cliente, s'appuyant sur les récentes critiques du comité des droits de l'Homme des Nations Unies adressées à l'encontre de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation des visages dans l'espace public.
Le 23 octobre, ce comité, composé de 18 experts, a demandé à Paris de réviser sa loi datant du quinquennat de Nicolas Sarkozy en 2010 et de "compenser" les plaignantes, invoquant une atteinte à la liberté religieuse : " le Comité reconnaît que les États peuvent exiger des individus qu'ils découvrent leur visage dans des circonstances spécifiques dans le cadre de contrôles d'identité, mais il a été d'avis que l'interdiction généralisée du niqab était une mesure trop radicale".
Un avis contraignant ?
Mais tout le débat qui se pose désormais concerne la valeur contraignante ou pas de ces recommandations du comité des droits de l'Homme des Nations Unies. Réunis au sein du Comité des droits de l'homme à Genève, ces experts ne disposent d'aucun pouvoir de contrainte sur les États et leurs avis ne priment donc pas en théorie sur le droit interne.
Néanmoins, Paris ayant reconnu la compétence du comité des droits de l'Homme des Nations unies après avoir ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ces avis disposent tout de même d'une certaine valeur. Selon Maître Ludot, la France dispose d'un délai de 6 mois pour revoir sa législation.
Au final, les Nations Unies, dans leur critique de la laïcité à la française, risquent bien de se heurter au droit européen. Contrairement aux conclusions de ces experts, la Cour européenne des droits de l'homme a, elle, validé à deux reprises, en 2014 et en 2017, l'interdiction du niqab ou de la burqa en France et en Belgique.
Malgré la loi de 2010, le niqab ou la burqa n'ont pas disparu de l'espace public en France et ont ressurgis récemment dans l'actualité judiciaire : le braqueur Redoine Faïd, qui était devenu l'homme le plus recherché de France après son évasion se cachait lui-même sous une burqa lorsque les policiers l'ont localisé.
Que dit la loi ?
La loi du 11 octobre 2010 interdit de "dissimuler son visage" dans l'espace public. Le port d'un voile intégral relève de la contravention et non du délit, et entraîne une amende de 150 euros.
La burqa, qui cache entièrement le corps et les yeux derrière un tissu à mailles et le niqab qui couvre le corps et le visage pour n'en montrer que les yeux sont donc de fait prohibés par ce texte, à l'inverse du hijab qui masque la chevelure mais laisse le visage dégagé.