La reconstruction de l'orgue de la basilique Notre-Dame de l'Epine dans la Marne touche à sa fin. De nombreux professionnels internationaux ont participé à cette renaissance. Parmi eux, Florence Aseult, artiste, peint actuellement une "Annonciation" haute en couleur sur les volets de l'orgue.
L'ange Gabriel a les ailes multicolores. Certaines de ses plumes sont dorées. Sous ses pieds, un sol carrelé violet et mauve, et au-dessus de sa tête, un rideau rouge écarlate et étoilé. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Florence Aseult aime les couleurs éclatantes, les aplats vifs et les détails qui accrochent le regard. La jeune femme de 30 ans a remporté l'appel d'offres pour peindre les volets du tout nouvel orgue de la basilique Notre-Dame de l'Epine, à quelques kilomètres de Châlons-en-Champagne. Un orgue entièrement recréé dans le style du XVI siècle, avec des matériaux d'époque et tout le savoir-faire d’un facteur d'orgue franco-italien.
Sa proposition pour les deux battants visibles de tous lorsque l'orgue sera ouvert ? La scène de l'Annonciation à la Vierge. Face à l'ange Gabriel, c'est donc Marie que l'on retrouve sur le même sol damé de violet et de mauve, avec, derrière elle, la campagne marnaise qui s'étend.
Je me suis beaucoup inspirée de la basilique pour créer cette œuvre. J'ai essayé de reproduire l'architecture de l'édifice pour le décor. Les fleurs de lys qui accompagnent l'ange Gabriel sont aussi, par exemple, quasi identiques à celle sculptées dans l'une des chapelles.
Une passionnée d'art médiéval
Si l'œuvre est résolument moderne dans les traits des personnages et dans le dessin, elle se fond néanmoins dans le décor d'exception auquel elle est destinée. Un écrin de pierre gothique flamboyant qui plonge l'artiste dans un univers qu'elle connaît bien et qui la passionne. Native des Alpes, Florence s'est choisi "Aseult" comme nom d'artiste, "un peu comme Tristan et Iseult, mais avec un A", précise-t-elle. Elle décide de faire de sa passion pour les arts médiévaux son métier et suit une formation à l'Institut supérieur européen de l'enluminure et du manuscrit à Angers. Puis, son diplôme en poche, elle poursuit sa route jusqu'à Venise en Italie. Là, en parallèle de son travail d'enlumineuse, elle organise de nombreux évènements historiques au sein des palais vénitiens, et notamment pendant le célèbre carnaval de la Sérénissime. Mais ces deux panneaux, ces deux volets d'orgue, pour elle, c'est une première. Jamais elle n'avait peint une œuvre aussi monumentale.
C'est un peu le cas du manteau bleu roi de la vierge Marie qui ne cesse de tomber en plis et en replis. Sous son pinceau, la matière prend vie, et la peinture se fait épaisse. Il faut dire que les techniques utilisées par la jeune femme sont celles utilisées par les peintres entre le IVe et le XVe siècle. "Ce ne sont que des recettes à base de produits naturels, explique-t-elle. On va utiliser des blancs d'œufs, du miel, de la gomme arabique et pour que, sur la toile, cela tienne encore mieux, de la colle de poisson. Cela va permettre de bien fixer le pigment". Des pigments qui sont, bien sûr, tous d'origine naturelle.C'est un challenge pour moi. Et en même temps, c'est très beau de pouvoir donner vie à de grandes œuvres. On va pouvoir interpréter différemment les détails, les mouvements.
Un atelier exceptionnel
Florence Aseult travaille sur ces deux volets depuis le mois de mai. D'ici au 15 août, elle devra aussi avoir peint l'autre côté des panneaux, la face qui ne sera visible que lorsque l'orgue est au repos. Un travail de titan, des heures et des heures de travail adoucies par le cadre dans lequel elle réalise ses œuvres : la basilique, en plein milieu du chœur.Quand les facteurs d'orgues étaient là à travailler, lorsqu'ils accordaient l'orgue, ou parfois, lorsqu'il y a des personnes qui viennent en jouer, le fait d'entendre l'orgue qui résonne, cela inspire. Cela ajoute un plus dans la création.
Le nouvel orgue et ses notes enchanteresses, ses boiseries délicatement sculptées et ses volets peints à la main de toutes les couleurs des vitraux de la basilique seront inaugurés le 18 septembre prochain. Ce jour-là, Florence Aseult aura revêtu ses habits d'enlumineuse et partagera sa passion avec les quelques élèves privilégiés de l'atelier organisé au sein même de l'édifice, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.