Le terrain de football de Germaine, une commune se trouvant dans la Marne, a de nouveau été saccagé par une harde de sangliers durant la semaine du 12 février. Les dirigeants du petit club local font grise mine.
Le sinistre s'est répété. La verte et plane pelouse du terrain de football de Germaine, petite commune du département de la Marne… n'est plus du tout verte ni plane.
À vrai dire, depuis la semaine du 12 février 2024, le terrain ressemble plutôt à un champ de mines explosées, ou à une zone dédiée aux bains de boues. Ce sont les sangliers qui sont en cause. Et ce n'est pas une première. D'où le lancement d'une cagnotte en ligne.
"On avait déjà eu cette mésaventure durant l'hiver 2021", raconte Jérôme Lejeune, dirigeant du Club athlétique de Germaine, auprès de France 3 Champagne-Ardenne. "Plus de la moitié du terrain avait été retournée."
"Il y a des chasses privées", dans les bois alentours, "et comme les sangliers sont dérangés, ils bougent un peu. Or, sous un terrain de foot, vous avez plein de vers de terre. C'est appétissant pour les sangliers, qui viennent faire leurs courses. Sur le terrain, mais aussi dans les jardins de particuliers à Germaine. La ville se situe dans les bois, c'est la loi de la faune." (voir la localisation du terrain sur la carte ci-dessous)
Les responsables sont "désespérés", à en croire L'Union qui a rapporté le retour des sangliers déchaînés. Mais ils sont résolus aussi. En 2021, "on s'est tous retroussé les manches. Des entreprises nous ont prêté des outils, un ami paysagiste m'a prêté des machines pour retourner la terre, la mairie nous avait remboursé le gazon…"
"On est des passionnés, mais salariés. Alors on venait sur notre temps libre, le samedi, donner quelques heures par-ci par-là. En six mois, c'était bon. On avait aussi consolidé le grillage du terrain pour limiter le risque d'une nouvelle intrusion. Il ne restait plus qu'à laisser la pelouse repousser."
Nous, on avait trouvé un terrain de repli ailleurs." À Fleury-la-Rivière (Marne), distante d'une quinzaine de kilomètres. "On avait donc quasiment remis le terrain en état ; on s'apprêtait à rejouer dessus." Il était même question de le ré-inaugurer avec d'anciens joueurs du FC Metz (Moselle), au cours d'un match amical avec ce club de première division. "Hélas, c'est foutu. Ce sont les sangliers qui ont gagné."
Plus que des footballeurs : des copains
En dehors du conflit avec les sangliers, les membres sont aussi très actifs. Le club de foot "a eu ses heures de gloire dans les années 90. Puis, comme tout club amateur, les gens ont commencé à partir, de moins en moins de bénévoles, les enfants qui grandissent". Avec 531 âmes, Germaine voit bien peu de Germinois jouer sur ce terrain. "On n'est plus qu'un club de vétérans." Avec un budget d'un petit millier d'euros qui ne permet pas de faire des folies. "Bénévolement, on sauvegarde ce terrain : on l'entretient, on le tond, on s'occupe du traçage." La mairie en est bien contente.
"J'ai toujours connu ce club", déclare affectueusement Jérôme Lejeune. "Le club a été créé en 1967, et je joue au foot à Germaine depuis que j'ai 5 ans. J'en ai 52, je vous laisse faire le calcul. J'ai toujours joué là-bas dans mon enfance, tous les mercredis avec les copains, tous les samedis, tous les dimanches…" Copains devenus les fameux vétérans, qu'ils viennent de Germaine ou des villages alentours. "On est copains comme cochons. Après les matchs, on boit un coup. Tout est bon enfant."
Vu la météo, on ne peut rien faire pour le moment
Jérôme Lejeune, président du club de foot de Germaine
Alors forcément, cette nouvelle dévastation, elle fait perdre le sourire. "Quand je vois le terrain dans cet état, ça me fait mal au cœur. C'est la catastrophe, on dirait qu'il y a eu des obus. Et je ne vois pas trop ce qu'on peut faire cette fois-ci. Surtout que vu le temps, on ne peut rien faire pour le moment." Le terrain est effectivement détrempé, et pas sûr que le paysagiste qui avait aidé par le passé veuille réitérer l'expérience.
"Enfant de la campagne", Jérôme Lejeune évite de trop blâmer les sangliers. "Je comprends la nature. C'est la faute à pas de chance. On entend partout qu'il y a une recrudescence des sangliers." Et comme Germaine a été bâtie sur des terres entourées de forêts… La Montagne de Reims compte une faune riche.
Monsieur le maire, Philippe Caplat, a été approché. Il est solidaire des joueurs de foot, et va tenter, via le conseil municipal tenu le lundi 19 février, d'apporter un peu d'argent au club de Germaine. Et surtout d'aider à consolider à nouveau le grillage.
La solution est peut-être électrique
Mais il faut rester lucide. "On sait bien que c'est une petite commune et que ce n'est pas la priorité." Philippe Caplat souscrit à l'analyse de son administré. Il va néanmoins constituer des dossiers de subventions. Peut-être que l'approche des Jeux olympiques (JO) amènera des subsides. Il attend déjà un retour de devis pour le gazon.
"On en a débattu en conseil municipal, lundi. On va étudier la remise en place d'une clôture électrique avec la Maison forestière de Germaine. Il y avait une ligne électrique avant, entretenue par la fédération de chasse de la Marne. Mais depuis quelques années, cette dernière l'a enlevée, car elle ne protège plus que les parcelles agricoles. On pensait qu'une bonne clôture suffirait…"
Chez moi, dans mon propre jardin, les sangliers ont tout labouré. Ils sont passés sous le grillage.
Philippe Caplat, maire de Germaine (et possesseur infortuné d'un jardin retourné lui aussi par les sangliers)
Hélas non. Il cite son propre exemple. "Chez moi, dans mon propre jardin, les sangliers ont tout labouré. Ils sont passés sous le grillage. Alors qu'il est enterré, avec un tendeur. Mais ils ont cassé le tendeur et sont passés…" La solution serait donc électrique. Elle demanderait "un peu d'entretien" (l'herbe ne doit pas toucher les fils électriques), mais "les joueurs sont prêts à faire cet effort".
Le maire non plus ne blâme pas tant que ça les sangliers. "Ils sont ici chez eux. On vit au milieu de leur habitat. Mais ils sont un peu trop prolifiques. Je suis pour la protection des animaux, les blaireaux ou les renards, qu'il ne faut pas tuer, car ils ont leur intérêt écologique. Mais si on ne fait rien pour les sangliers… En plus, avec la météo, la forêt n'a pas donné trop de glands. Alors les sangliers sont affamés." Ce qui n'aide pas.
Ces considérations mises à part, la réparation de la clôture et la mise en place de la ligne électrique pourraient se faire "rapidement". Mais il y a un autre "problème". L'inondation du terrain due aux fortes pluies. "C'est très humide." Compliqué donc d'aplanir, de remettre du gazon… "Il faut attendre que ça sèche. Ce sera un sacré boulot." Peut-être facilité par la cagnotte du CA de Germaine, qui sait.