Législatives 2024 : un candidat de la droite souverainiste dépose la marque "Nouveau Front populaire"

On a appris le mercredi 03 juillet que Bertrand Potier avait entrepris des démarches pour déposer l'appellation (Nouveau) Front populaire auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Il accuse certains de ses membres d'"antisémitisme" et d'attenter à la mémoire de Léon Blum. Cette intention émane d'un militant d'un parti de la droite souverainiste à Épernay (Marne).

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

L'annonce a fait réagir. Un dépôt de la marque Front populaire auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Mais pas par le Parti communiste français (PCF), qui n'a pas renouvelé l'inscription décennale en 2020. Et aucun Nouveau Front populaire (NFP) n'apparaît dans la base de données.

L'initiative vient de Bertrand Potier. Et il n'est pas de gauche, bien au contraire. Le militant d'extrême droite a fait ses armes ses armes au Front national (devenu Rassemblement national), puis chez Reconquête (le parti d'Éric Zemmour). Actuellement, il est encarté chez Debout la France (ex-Debout la République), le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan (qui perd des militants et qui avait appelé à voter Marine Lepen au 2ème tour des élections de 2017).

L'Union, qui a révélé l'affaire, précise que ce début de procédure pour déposer la marque vise à empêcher l'union de la gauche de se servir de ce nom. Lequel est né originellement sous Léon Blum, dont le gouvernement a permis d'importances avancées sociales. Il est juif - et sioniste - et sera donc voué aux gémonies sous la France de Pétain. Cette référence ne lui plaît pas, et il pointe un supposé "antisémitisme" à La France insoumise (LFI), force constitutive du Nouveau Front populaire. Le Monde, sans minimiser des propos parfois douteux, a toutefois rapporté les propos du sénateur (PCF) Ian Brossat, parti à l'alliance : "Trois de mes arrière-grands-parents sont morts dans les camps et mes deux grands-parents sont des rescapés de la Shoah. Croyez bien que je ne soutiendrais pas le Nouveau Front populaire si j’avais le moindre doute sur le fait qu’il y ait une forme d’antisémitisme de ce côté-là." 

Journaliste à France 3 Champagne-Ardenne, Alice Brogat l'a rencontré à Épernay (Marne). "C'est en réponse aux usurpations du Front populaire, LFI entre autres. Historiquement, le Front populaire, c'était à des années-lumière de leur idéologie. Ils ont voulu surfer sur la vague de l'époque et se l'approprier. Donc j'ai voulu les en empêcher."

Un Nouveau Front populaire "contre-nature"

"C'est contre-nature. Ce qui me pose problème, c'est que Léon Blum était aux antipodes de ce que pensent certains courants du Front populaire. À savoir l'antisémitisme, la haine de la France, une haine des policiers nauséabonde comme avec le slogan 'un policier mort égale un vote RN en moins'. Je trouve ça scandaleux. Je ne pense pas que Léon Blum, qui était d'ailleurs juif, aurait accepté ces propos-là. Et si les héritiers de Léon Blum me réclamaient la marque, je n'aurais aucun souci à leur céder. Ou à n'importe qui tant qu'il n'a pas d'arrière-pensées."

Parlons-en. Si dans Le Monde, son arrière-petit-fils Antoine Malamoud témoigne que "l’utilisation du Front populaire ne date pas d’hier. Le premier à l’avoir fait, c’est Michel Onfray pour la création de sa revue [souverainiste et populiste; NDLR]. Je n’ai pas réagi à l’époque, mais c’était un dévoiement. En revanche, aujourd’hui, la reprise de l’expression me semble correspondre à une réalité comparable à celle de 1936." Toutefois, son arrière-petit-neveu Jean-Thomas Nordamnn avance, lui, que ça "me fait l’effet d’une fausse monnaie, d’un titre nobiliaire que l’on voudrait relever sans en avoir le droit. Mélenchon est plus proche de Jacques Doriot [communiste ayant viré fasciste; NDLR] que de Léon Blum".

Retournons à Bertrand Potier, qui entend défendre l'héritage de Blum sans pour autant oser s'en revendiquer. Il faut dire que son ancien parti et son fondateur sont associés à une tache indélébile, et que l'entourage du nouveau Rassemblement national n'est pas toujours blanc comme neige. "Une fois notre dossier instruit, si le Nouveau front populaire utilise cette marque, avec Maître Ludot [son avocat; NDLR], on déposera des recours en justice. Si des gens s'en revendiquent ou posent des affiches en public, ils auront des pénalités financières", par exemple. Il affirme "ne pas avoir fait ça pour l'argent"

Un "message fort"

Son conseil, Emmanuel Ludot, est un peu plus carré. "Je crois que mon client veut faire passer un message fort. D'abord montrer que le Front populaire est une partie importante de notre patrimoine historique. Il nous appartient à tous. Derrière le Front populaire, il y a quelqu'un qui s'appelle Léon Blum, qui était de confession juive."

"Le deuxième message, c'est de dire que le Front populaire, ça ne s'utilise pas comme une marque de lessive. C'est ce qu'a fait le Parti communiste, qui a protégé cette marque comme une marque de lessive. Et qui s'est dit en 2020 que ça ne l'intéressait plus et qu'il la laissait périmer. Lorsqu'on s'est dit qu'il y avait un nouveau Front populaire, c'est que ça voulait dire qu'il y avait un ancien Front populaire. Et qu'aujourd'hui, il est dans le domaine public."

Le Front populaire, ça ne s'utilise pas comme une marque de lessive.

Emmanuel Ludot, avocat de Bertrand Potier

"Monsieur Potier, qui était candidat suppléant, mécontent des méthodes utilisées par le Nouveau Front populaire, veut porter le débat au plus haut. Pour dire qu'on a affaire à des adversaires politiques qui ne sont pas crédibles : regardez ce qu'ils ont fait, ils ont utilisé le Front populaire, qui fait partie de notre histoire, comme une vulgaire marque de lessive, et l'ont abandonné comme une vulgaire marque de lessive. C'est un message qui est très politique."

"Aujourd'hui, si le Parti communiste veut récupérer sa marque, il ne le peut plus. Il peut contester : il a un délai pour le faire. Peut-être va-t-il le faire, ou ne pas le faire. Il peut aussi y avoir des conséquences financières. S'il veut à nouveau obtenir la propriété de cette marque, il doit frapper à la porte de Monsieur Potier et lui demander : ça coûte combien ?' Et là, on verra ce que Monsieur Potier décide : il se l'approprie, mais symboliquement, et très provisoirement, avant de l'offrir à qui la mérite. Une marque s'achète... et se donne." 

Il estime que cette démarche n'aura "aucune implication sur la fin de la campagne. Le second tour va se dérouler avec le Nouveau Front populaire. Mais quelque part, c'est un caillou dans la chaussure de tous ces partis d'extrême gauche." À noter que cette coalition présente un océan de partis et de personnalités politiques allant du centre gauche à la gauche radicale. L'extrême gauche n'inclut pas La France Insoumise, qui n'est pas révolutionnaire mais réformiste. Le NFP comprend seulement trois entités qui y ont présenté chacune un candidat, rappelle La Croix : Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Parti ouvrier indépendant démocratique (POID), et Jeune garde antifasciste. 

"Quelque part, ça les ridiculise : ah, on a oublié de protéger notre marque. On aurait dû y penser.' Rassurez-moi, il y a des juristes, chez eux, pour penser à le faire ? On a confondu vitesse et précipitation, me semble-t-il. Toute utilisation a posteriori de cette marque peut faire l'objet de la part de monsieur Potier d'une mise en demeure : il peut leur interdire. On verra quelle est sa position, quel est son avenir politique, à Monsieur Potier. Mais je pense que c'est surtout le cri de colère du citoyen qui se dit : 'on ne peut pas tout exploiter, Léon Blum n'est pas n'importe qui.'"

L'avocat se demande si "un seul membre du Front populaire est allé sur la tombe de Monsieur Blum, à Jouy-en-Josas, en région parisienne, pour déposer ne serait-ce qu'une rose et se recueillir, avant de lui dire qu'il allait utiliser son histoire pour gagner les élections". Et confie "être d'accord avec Macron", affirmant que "Léon Blum doit se retourner dans sa tombe". Midi libre démonte pourtant longuement cette assertion, quand La Dépêche du Midi cite, encore lui, l'arrière-petit-fils de Blum qui "dénonce une série de contresens". Peut-être vaudrait-il mieux, comme pour De Gaulle, laisser les défunts reposer en paix au lieu de vouloir toujours les instrumentaliser, quand il ne s'agit pas tout bonnement de les transformer en ventilateurs dans leurs tombes...

La gauche s'insurge

Cédric Lattuada, élu communiste de la Marne réagit à cette démarche singulière. "Honnêtement, c'est une polémique qui ne nous concerne pas. C'est un personnage qui a envie de faire parler de lui. C'est le suppléant d'une candidate d'extrême droite qui a fait 2% [aux élections législatives]. Nous, notre priorité, c'est de nous battre d'ici dimanche pour empêcher que le Rassemblement national n'emporte une majorité dans toutes les circonscriptions de la Marne, de la Champagne-Ardenne, et de la France. C'est l'extrême droite. Elle a toujours joué sur les confusions : c'est comme ça qu'elle avance."

C'est l'extrême-droite. Elle a toujours joué sur les confusions : c'est comme ça qu'elle avance.

Cédric Lattuada, élu communiste de la Marne

"Le Front populaire, c'est avant tout l'histoire de la France. En 1936, la SFIO, le Parti communiste, le Parti radical ont fait face au fascisme. Aujourd'hui, il y a le Nouveau Front populaire. Et je pense que les partis de gauche ont dû faire le dépôt à l'INPI il y a quelques jours, avant ce monsieur... Le Front populaire, ce n'est pas une marque. Tout n'est pas à vendre." Mais l'un n'empêche pas l'autre : le PS et l'UMP (toujours enregistré), pour ne citer qu'eux, ont fait l'objet d'un dépôt et apparaissent dans la base de données sans qu'il soit question d'en faire commerce... mais pas le PCF, semblerait-il.

"Le Front populaire, c'est une démarche, c'est l'histoire : notre histoire, à tous, à nous, républicains. Il est aussi constitutif des plus grandes avancées sociales du siècle dernier : le programme du Conseil national de la Résistance [comprenant la création de la Sécurité sociale; NDLR], mais aussi les congés payés, les augmentations de salaires, des droits pour les travailleurs." Sans oublier la nomination des premières femmes dans un gouvernement français, et le vote des crédits permettant le réarmement du pays face à la menace nazie.

"Ça n'appartient à personne. Le Front populaire appartient au peuple, à la République. [...] Le Nouveau Front populaire a été annoncé par les organisations de gauche qui ont engagé cette alliance [il y a trois semaines]. C'est antérieur. Je ne pense pas qu'il y aura quelques conséquences que ce soit. Et je pense que les électeurs ont autre chose à faire que de penser à cette histoire. Là, on est à trois-quatre jours du second tour. Et l'enjeu principal, c'est si la France va basculer aux mains de l'extrême droite, ou si tous les républicains vont se ressaisir et faire barrage pour que la démocratie soit préservée." Les électeurs et électrices voteront le dimanche 07 juillet. 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information