Ils étaient neuf le dos courbé dans le lieu-dit des Pâtis de Damery pour arracher le sainfoin d'Espagne, une plante toxique pour le bétail et la flore locale. L'occasion de sensibiliser les bénévoles aux problématiques environnementales dans une ambiance conviviale.
"Si je n'ai plus cette biodiversité, je n'ai plus de travail." Béatrice s'est levée de bonne heure, ce samedi 22 août, pour arracher les plans de galega officinalis, plus connue sous le nom de sainfoin d'Espagne. Elle et six autres bénévoles s'activent toute la matinée sous les immenses pylônes électriques du lieu-dit des Pâtis de Dammery, en plein coeur de la Montagne de Reims. La productrice et cueilleuse de plantes n'en est pas à son premier bénévolat. Elle participe à de nombreuses opérations similaires, une question de "survie économique" pour cette artisane qui travaille au quotidien dans la nature.Le sainfoin d'Espagne est une plante exotique qui contient des racines, des graines et des fleurs qui se révèlent toxiques pour le bétail. La plante avait causé la mort de 14 brebis à Saint-Remy-en-Buizemont, au sud de Vitry-le-François, en 2016. Mais pas seulement. Elle empiète également sur la flore des landes acides locales, classées zone protégée Natura 2000, comme la callune ou le genêt d'Angleterre.
Des bénévoles sensibles à la biodiversité
Cette plante a été introduite en terres champenoises depuis plusieurs années. Elle rejette de l'azote dans la terre, qui apporte des nutriments au sol et a pu servir pour le fourrage (car seules les graines, les racines et les fleurs sont toxiques pour les animaux, 100 grammes de matières séchées suffisent à tuer un animal). Elle est également appréciée comme plante d'ornement. "On s'est aperçu que ses maifaits étaient bien supérieurs à ses bienfaits", explique Eva Poilvé, responsable du pôle milieux naturels de la Montagne de Reims, une des deux animatrices du chantier nature.Ce samedi matin, ils sont sept à s'être déplacés pour arracher la mauvaise herbe, habituellement présente en Asie et en Europe méridionale. Au lieu-dit des Pâtis de Damery, qui étaient anciennement des pâtures, cela fait longtemps que le bétail n'est plus élevé sous les pilones électriques. En revanche, la flore locale a du mal à résister au sainfoin. C'est pourquoi l'intervention des bénévoles est essentielle afin d'"éviter une homogénéisation de la flore, qu'on ait partout les mêmes plantes" explique Eva Poilvé.
Une volonté de réintroduire des ovins
Sans ces chantiers nature, le sainfoin se reproduit à vitesse grand V. "Par mètre carré, il peut y avoir jusqu'à 75.000 graines", estime Mélanie Braillon-Vuille, chargée de mission au conservatoire d'espaces naturels de Champagne-Ardenne. Une fois ramassées, les graines, les fleurs et les racines seront amenées à la déchetterie. Avant qu'elles ne montent en graine, les plants sont simplement laissés sur les lieux, puisqu'ils ne représentent pas de danger.Le conservatoire d'espaces naturels de Champagne-Ardenne ainsi que le parc régional de la Montagne de Reims sont à l'origine de ces chantiers, qui ont lieu en juin, en août et en septembre. A terme, les deux organisations aimeraient réintroduire du bétail dans le lieu-dit de 93 hectares. Une manière de débroussailler écologique et en accord avec l'histoire du lieu. Pour l'heure, il faudra attendre que la galega officinalis ait disparu et que des éleveurs se portent volontaires pour y élever leur bétail.