Dans la Marne, douze site funéraires et mémoriels de la Grande Guerre ont été inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO. Une immense reconnaissance pour les associations de mémoire qui espèrent qu'elle suscitera l'intérêt des plus jeunes.
Quinze ans de travail et enfin, la reconnaissance. Pour le Colonel Jean-Daniel Courot, c'est un long travail qui s'est achevé cette semaine par l'annonce de l'inscription des sites mémoriels et funéraires de la Grande Guerre au patrimoine de l'UNESCO.
"Clairement, c’est une magnifique reconnaissance. Je ne regrette qu’une seule chose, c’est qu’on ait mis autant de temps à prendre une telle décision. Au départ, il y a quinze ans, il a fallu du temps pour savoir comment constituer un tel dossier, mais on y est arrivé. Ça fait quatre ou cinq ans qu’on a rendu notre copie et il a fallu prendre autant de temps pour prendre une décision qui pour nous est une évidence."
Malgré l’impatience, le vice-président de l’Association au Souvenir aux Morts des Armées de Champagne ne cache pas sa grande satisfaction. Son association veille à la mémoire de l’ossuaire de Navarin, situé à Souain-Perthes-lès-Hurlus, construit en 1924 en mémoire de la Quatrième Armée, une armée basée à Chalons en Champagne.
Le Colonel Courot a commandé le camp militaire de Suippes et ce camp se trouve justement à l’endroit où les batailles entre Français et Allemands se sont succédé pendant quatre ans. De là est née sa passion pour le monument de Navarin.
"Ici, sur le lieu-dit de Navarin entre septembre 1914 et septembre 1918, on s’est quasiment battu tous les jours. Ici, pendant quatre ans, les forces françaises et allemandes se sont toujours fait face. Alors forcément quatre ans de guerre, ça a marqué la population, tout le monde connaissait la Quatrième Armée."
Douze sites inscrits dans la Marne
Au total, une douzaine de sites mémoriels et funéraires inscrits par au patrimoine mondial de l’UNESCO ont été retenus dans la Marne. Le plus au sud se trouve sur la commune de Montdement-Montgivroux, près de Sézanne.
L’église paroissiale et le carré militaire du cimetière seront désormais inscrits à jamais dans les registres de l’UNESCO. Les soldats ici célébrés sont tombés pendant la bataille de la Marne, entre le 6 et le 10 septembre 1914 alors que l’armée française résistait à la progression de l’armée allemande.
"J’ai appris la nouvelle mercredi et on était très heureux de l’apprendre, raconte Stéphane Guillaume-Barry, le président de l’association « Montdement 1914 – Joffre – Foch – Les soldats de la Marne ». On aurait bien sûr aimé que le château de Montdement et le monument soient également inscrits mais notre monument est incontournable, il est ancré dans le paysage, donc on peut dire qu’il bénéficiera de l’impact de cette inscription."
Un monument, vous allez le voir en parcourant l'image ci-dessous, qui ne passe pas inaperçu :
De la guerre de 14 à la guerre aujourd'hui
L’association a effectivement pour objet la préservation de ce monument reconnaissable entre tous et voulu par le Maréchal Foch lui-même dès 1915. Pour Stéphane Guillaume-Barry, cette inscription à l’UNESCO est une façon de parler de la guerre aujourd’hui.
"Ça doit être un témoignage de reconnaissance de ce que nos aînés, les jeunes de 20 ans de l’époque ont su faire comme sacrifice pour que notre mode de vie de démocratie – parce qu’il n'y en avait pas beaucoup à l’époque perdure. C’est aussi un vrai un signal qui doit dire aux gouvernants d’aujourd’hui qu’après une guerre, il faut savoir se réconcilier par-dessus les tombes, faire la paix et vivre en paix. Une paix qui est quelque chose de fragile, on le sait bien actuellement. Le rôle de notre association, adossée à des lieux de mémoire est de rappeler que ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine, s’est passé, ici dans notre département, il n’y a pas si longtemps que ça."
De la fierté ? Oui ! Un honneur ? Sans aucun doute ! Mais surtout l’affirmation de l’intérêt éducatif aujourd’hui, pour les générations actuelles, de ces sites de mémoire
Stéphane Guillaume-Barry, président de l’association Montdement 1914
Pour ces associations, la reconnaissance de l’UNESCO pourrait être une formidable occasion à saisir pour attirer des plus jeunes générations à se saisir de ce travail de mémoire.
"Quand j’ai commencé à m’intéresser à cette association et à l’ossuaire de Navarin, se souvient le Colonel Courot, il y avait encore des anciens combattants qui avaient connu la guerre de 14. Maintenant, il n’y a plus personne. Les générations suivantes ont entretenu cette mémoire, mais il y a un vieillissement de nos effectifs, nous sommes de moins en moins nombreux à nos cérémonies annuelles, on dépasse à peine les mille visiteurs par an. On a besoin de la jeune génération. Alors peut-être qu’avec l’inscription à l’UNESCO, ça va réveiller certains sentiments."
Stéphane Guillaume-Barry partage le même espoir.
"Quand il y a eu la candidature des coteaux, maisons et caves de Champagne il y a presque dix ans, il y avait une belle dynamique portée par les professionnels du champagne. Nous, nous n’avons pas cette dynamique économique à mettre au service de cette mémoire de 14, mais je pense qu’il y a des dynamiques humaines qui pourraient accompagner ce processus."
Le sort des Poilus de 1914 reste peut-être moins pétillant, mais la flamme de ce souvenir continue de briller. Ils sont des centaines, dans les associations de mémoire, à y veiller encore.