Si l'Inspection d'Académie de la Marne ne revient pas sur sa décision, au mois de juin 2021, 13 villages du secteur de Givry-en-Argonne, vont perdre une des classes de leur école. Les chiffres des effectifs, estimés pour la prochaine rentrée, permettront de trancher. Les parents se mobilisent.
Givry-en-Argonne, dans l'est du département de la Marne compte 446 habitants, au dernier recensement. Depuis les années 70, la commune a une école de six classes, maternelles et élémentaires. Ces classes sont fréquentées par les enfants de la commune, mais aussi de 12 villages alentour. Cela constitue un bassin de population de quelque 1.500 habitants, selon l'estimation du maire de Givry-en-Argonne, Antoine Bourguignon.
L'Argonne est un secteur rural et tranquille, mais depuis quelques semaines, on y manifeste inquiétude et colère. En cause, la fermeture annoncée d'une des six classes de l'école. Les parents se mobilisent. Ils ne peuvent admettre que dans ce secteur défavorisé, et au vu des prévisions, pour la rentrée scolaire du mois de septembre, on puisse envisager de procéder à cette fermeture.
On se bouge, même si le contexte sanitaire n'aide pas trop. L'école se redynamise. Ils cassent tout notre élan. On n'a déjà plus rien, en terme de services publics.
Le courriel de la colère
Le 15 mars 2021, des parents s'étaient mobilisés, devant l'école, pour manifester. Après avoir appris, en février dernier, la fermeture de plusieurs classes, dans leur secteur, ils entendaient bloquer l'établissement, à l'occasion de la venue de l'Inspectrice de Circonscription, Catherine Lemoine. "On n'entendait pas mener une action violente", explique Emeline Schneider. "Après avoir obtenu un rendez-vous, avec Mme Lemoine, les parents ont renoncé au blocage, et ont laissé entrer les élèves".
Emeline Schneider est maman d'un petit Axel, âgé de quatre ans et demi, qui est scolarisé à l'école de Givry-en-Argonne. Elle est membre de l'association de parents "P'tits Pimousses", qui se bat pour conserver cette classe. Elle est révoltée par la situation actuelle. "Après notre rencontre avec l'Inspectrice, on avait confiance. On avait un dossier en béton", souligne-t-elle. "On nous a caressés dans le sens du poil, et vendredi, le 26 mars, le directeur de l'école a reçu un courriel de sa hiérarchie, lui annonçant la fermeture de la classe, et sa mutation. On est dépité. On nous a fait croire que notre situation serait étudiée en juin. On est écoeuré".
Une décision jugée illogique et irrationnelle
La maman du petit Axel travaille dans un service de ressources humaines. Elle juge sévèrement " l'horrible gestion", de l'Académie. "Dans le privé, ce serait directement les Prudhommes", dit-elle. Si elle et les autres parents sont en colère, après avoir pris connaissance de la décision, c'est parce qu'ils multiplient, pendant les petites vacances, des actions qui permettent ensuite de financer diverses activités pour les élèves.
"On se bouge, même si le contexte sanitaire actuel n'aide pas trop. L'école se redynamise. Ils cassent tout notre élan. On est à la campagne. On a déjà plus rien, en terme de services". Dans cette zone très rurale, de nombreux parents sont sans emploi ou précaires. Plusieurs élèves appartiennent à des familles de gens du voyage. Des enfants placés, en famille d'accueil sont également inscrits dans l'établissement de Givry-en-Argonne. L'école, dans ce secteur, est donc un facteur important de cohésion sociale.
Le maire décidé à défendre cette classe
Antoine Bourguignon est maire de Givry-en-Argonne. Il espère bien que cette annonce n'est que formelle, et il compte sur les chiffres des effectifs prévus pour la rentrée, pour faire revenir l'administration sur sa décision. "Nous bénéficions d'une dérogation, dans le cadre du contrat de ruralité", dit-il. "Cela nous permet d'avoir des classes avec moins de 20 élèves. D'autre part, deux engagements nous ont été donnés, à savoir pas de triple niveau dans une classe et pas plus de 22 à 23 élèves par classe".
Or avec les estimations de la rentrée, c'est-à-dire 123 élèves inscrits, s'il se confirme qu'une classe est supprimée, la moyenne dépassera 24 élèves. Le maire a d'abord été étonné par le courriel. "Je ne comprenais plus. Quelques jours avant, on nous disait que notre dossier serait revu au mois de juin. Il y a une confusion. On a besoin d'honnêteté et de transparence sur ce dossier. En fait, c'est apparemment normal, en relation avec les effectifs actuels". Pour autant, Antoine Bourguignon compte bien que le dialogue va se poursuivre et que rien n'est encore définitif.
Une députée à l'écoute
Lise Magnier (Agir), est la députée de la quatrième circonscription de la Marne. A ce titre, elle a été sollicitée pour échanger avec le DASEN, le Directeur académique des services de l'Education Nationale. "Il reste attentif à cette situation et se laisse du temps avant d'acter la décision", indique-t-elle. "On a gagné un sursis. On en rediscutera, dans l'attente de la consolidation des chiffres de la rentrée. J'entends les différents arguments", assure l'élue qui précise par ailleurs que l'école est sous surveillance.
Si la députée de ce secteur dit entendre l'inquiétude des parents d'élèves, il n'en demeure pas moins vrai que, malgré l'attention portée à la ruralité, ce sont les chiffres et l'indice de position sociale de Givry-en-Argonne, qui permettront de trancher. Les parents d'élèves, eux n'entendent pas renoncer, d'autant qu'avec le départ du directeur, s'il est confirmé, et de celui d'un autre enseignant, aujourd'hui, c'est l'ensemble de la petite équipe pédagogique qui est bouleversée. Dans la Marne, actuellement, 17 écoles sont "sous surveillance", en attente de la campagne d'inscription.
L'Inspecteur d'Académie de la Marne, Bruno Claval, nous a, pour sa part, indiqué " La décision a été actée en Conseil Départemental de l'Education Nationale. Elle sera soumise à réexamen éventuel au mois de juin". Tout espoir n'est donc pas perdu pour les parents d'élèves de Givry-en-Argonne, dans la Marne.