Sur la route touristique du champagne, on ne se soucie pas que des vignes. Au sud d’Epernay, dans le village de Givry-lès-Loisy, une cagnotte solidaire a été créée, afin de récolter des fonds pour protéger des arbres, endommagés par du gibier. Mais la cagnotte n'est pas encore pleine.
Pascal Lallemant est agriculteur et viticulteur, à Givry-lès-Loisy, une petite commune à 21 kilomètres, au sud d’Epernay, dans la Marne. Il y produit blé, orge, colza et betteraves sur 78 hectares et élève trois cépages de vignes différents sur quatre hectares 60. Dans la commune, on compte en tout, 26 hectares de vigne, mais également 162 hectares de bois. Sur la route touristique du champagne, le massif forestier est important. Et les arbres, Pascal Lallemant les aime, au point de lancer une campagne de crowdfunding, pour les protéger. "Avec ma femme, on en parlait depuis longtemps", raconte-t-il. "On voulait planter des arbres sur une parcelle d’un peu plus de deux hectares, pas exceptionnelle sur le plan agricole. A la radio, sur Champagne FM, on a entendu parler de "Reforest’Action ", ça nous a décidé à nous lancer".
Une forêt pour Charlotte
Le projet de Pascal Lallemant consistait à planter 2.000 arbres, sur trois ans, une forêt pour sa petite-fille, Charlotte, tout juste âgée de deux ans et trois mois. "C’est la première petite-fille de la famille", dit avec fierté le viticulteur. A l’écoute de la radio locale, qui avait lancé un défi, il a donc décidé de postuler pour être celui dont l’opération de plantation serait financée par "Reforest’Action". Son projet a été retenu, et symboliquement 24 arbres ont été plantés en mars 2020. 24 arbres seulement, car Pascal Lallemant voulait attendre le 25 novembre, jour de la Sainte-Catherine, "quand tout bois prend racine", pour planter plus massivement. C’est donc en novembre 2020, qu’il a planté 500 arbres (300 chênes, 100 hêtres et 100 charmes).
La Covid 19 n’a pas facilité les choses, car les écoliers qui devaient participer à l’opération, en ont été empêchés par les contraintes sanitaires. C’est donc avec un ami, venu lui apporter un coup de main qu’il a planté ces arbres. Seulement, c’était sans compter sur les chevreuils, amateurs d’arbres, eux aussi. Venus d’une forêt, à 200 mètres de la parcelle, ils sont venus se frotter aux jeunes arbres et ont mangé leurs bourgeons.
Ce que je regrette, c'est que si beaucoup apprécient le projet, ils ne sont plus trop solidaires, quand on leur demande d'y participer financièrement.
Cassés en deux
Le résultat de la gourmandise des chevreuils, c’est que 40% des arbres ont été endommagés, coupés en deux. « Si on ne fait rien, les arbres mettront plus de temps pour grandir. Il y a deux à trois années de pousses perdues », estime Pascal Lallemant. La solution, c’est : installer des gaines de protection et des tuteurs. Le vigneron évalue le coût de l’opération à 5.000 euros, pour protéger tous les arbres. Sur France 3 Champagne-Ardenne, il avait vu un reportage consacré à une amie, à Avize, qui pour cuire ses poteries, avait besoin d’un four. Pour son financement, elle avait eu recours à une campagne de crowdfunding, du financement participatif. Pascal Lallemant a donc choisi de faire de même, avec la plateforme Kisskissbankbank.
Depuis, sur sa page Facebook, "Une forêt solidaire pour nos générations futures", il voit monter, peu à peu la cagnotte. 1150 euros ont déjà été récoltés. Le viticulteur espère que d’ici au 6 avril, les 5.000 euros seront atteints. En cas de dépassement, il prévoit déjà d’aller planter ça et là des arbres fruitiers, qui seront accessibles à tous.
Oxygéner l’avenir
Pascal Lallemant se réjouit de constater que son appel à financement participatif remporte du succès, bien au-delà de nos frontières. Si, du sud de la France, ou de Dieppe, il a vu arriver des contributions, d’autres sont venues d’Angleterre, de Belgique ou encore des Pays-Bas. "Je fais du tir à l’arc, en compétitions internationales, qui me conduisent en Allemagne, au Luxembourg, en Hollande...", explique-t-il. "Certains contributeurs me connaissent ainsi. Ce que je regrette, c’est que si beaucoup apprécient le projet, ils ne sont plus trop solidaires, quand on leur demande d’y participer financièrement". S’il ne réunit pas les fonds nécessaires à la protection des arbres, le marnais, n’en reste pas moins déterminé.
Cette forêt,Pascal Lallemant s’est engagé à ne pas y toucher pendant 20 ans. Il y tient. Pour lui, c’est important "pour oxygéner l’avenir de nos enfants", dit-il.
Protéger sans atteindre le gibier
Cet agriculteur-viticulteur n’est pas chasseur. Il n’est pas non plus anti-chasse, mais il constate que ces derniers temps, les sangliers ont fait beaucoup de dégâts. Concernant les chevreuils "qui sont venus croquer les arbres", comme dit la petite Charlotte, il ne veut pas les tuer. "J’ai appelé la Fédération des chasse du département de la Marne", explique-t-il. "Vous voulez qu’on vous aide, et vous ne voulez pas qu’on chasse !", lui a-t-on répondu. Effectivement, le vigneron ne souhaite pas de chasse dans la forêt toute proche. Il est intervenu également auprès du maire d’Epernay, Frank Leroy. Il espère que son appel soutenu, pour l’instant à 23%, atteindra son but.
Sur sa page Facebook, il précise encore que 8% des fonds récoltés iront à la plateforme Kisskissbankbank. Pour le reste, en fonction de l’importance des dons, les contributeurs verront leur nom inscrit sur la page Facebook, d’autres recevront un magnet, enfin un certificat de plantation sera délivré aux plus généreux. Tout a été prévu, donc. Reste à réunir de quoi acheter 2.000 protections et 4.000 tuteurs. Et pour Pascal Lallemant à retrousser ses manches, car il le sait, une forêt, ça s’entretient. Une fois, la campagne de financement participatif terminée, il va falloir se mettre au travail.